Un immeuble Minergie-P-Eco, parasismique et en bois indigène
Une construction dont le souci d’abaisser la consommation d’énergie est fondamentale. Cette idée a inspiré la démarche de Léonard Bender, architecte à Martigny et Gilbert Morisod, maître charpentier à Troistorrents.
L’originalité du projet réside également dans la nature des partenaires: non pas une collectivité ou une régie immobilière, mais un architecte et un charpentier, tous deux convaincus de la nécessité d’un engagement privé dans la construction de logements collectifs respectueux de l’environnement.
«C’est une sorte de prototype, un modèle unique, précise Léonard Bender, l’architecte spécialisé en développement durable. Certes, une construction de ce type coûte aujourd’hui plus cher, mais notre objectif n’était pas de faire des économies sur le coût de construction, il était de nous familiariser avec de nouvelles technologies. Un surcoût d’ailleurs amorti par la faible consommation d’énergie, qui équivaudra à la moitié de celle d’un immeuble standard, mais aussi par l’augmentation de la valeur immobilière des logements. Sans parler du fait que l’immeuble vieillira mieux, ce qui diminuera les frais liés au fond de rénovation.»
«Aujourd’hui un immeuble Minergie-P construit de façon traditionnelle consomme autant d’énergie durant sa construction qu’il en consomme pour le chauffage durant toute sa vie...» explique Léonard Bender. «J’avais donc envie de construire des logements collectifs en n’agissant plus seulement sur la partie visible de l’iceberg, la consommation d’énergie, mais aussi sur sa face cachée, l’énergie de construction.» C’est ainsi que chaque élément a été pensé en fonction de l’énergie grise consommée. D’où le choix du bois, unique en son genre pour la construction d’un immeuble locatif.
Isolation généreuse
Sur le plan technique, l’isolation, élément essentiel à la réalisation d’un bâtiment peu gourmand en énergie, elle est de 40 centimètres en toiture et de 34 centimètres en façade. Les fenêtres, généreuses, descendent près de 50 cm plus bas que les standards. Une façon de garantir un maximum de solaire passif, mais également de garantir aux résidents un lien visuel vers l’extérieur, même s’ils sont assis dans leur fauteuil. Quant à la structure en bois, elle est recouverte de plaques de plâtre (Fermacell), à l’intérieur afin d’améliorer la stabilité de l’ouvrage (contreventement) et à l’extérieur pour augmenter sa résistance au feu.
Structure et fondations en béton
Seules les fondations et une étroite structure centrale - imposées par les normes anti-incendie - sont en béton. Tout le reste, le toit, les murs, les planchers et les parois intérieures, sont en bois indigène. «Lorsque le bâtiment aura 100 ans, explique Gilbert Morisod, le maître charpentier partenaire du projet, les arbres qui ont été prélevés pour sa construction se seront renouvelés.» Toute l’ossature principale, après avoir été façonnée chez Morisod & Fils, a été assemblée dans les halles Giovanola de Monthey, louées et transformées pour l’occasion en atelier de charpente. «Ce choix a été opéré pour des questions de place et de rationalisation, explique Gilbert Morisod, mais au final il a également permis un gain en énergie grise puisque les ouvriers n’avaient pas à se rendre sur le chantier de Fully tous les jours, et pouvaient rester dans le Chablais.»
Protection parasismique
Le bâtiment se situe dans une zone «3B», qui est en Valais la zone la plus sensible aux séismes. Dans ces conditions plusieurs mesures ont été prises afin d’offrir la meilleure résistance possible et de préserver ainsi la vie de ses habitants. Le vent était également une donnée à prendre en compte avec une force de 100 kilos par mètre carré. L’aléa pris en compte par les ingénieurs d’Alpatec SA, la société qui a calculé les contraintes parasisimiques, est de 6,5 sur l’échelle de Richter, «un phénomène qui se produit tous les... 473 ans», précise Pierre Boisset, ingénieur civil de ce bureau. La structure centrale - où circule l’ascenseur - est en béton, voire en béton armé pour certains murs, et des piliers répartis entre les étages assurent le transfert des forces vers le sol, au niveau de la dalle en béton.
Logements uniques
Les futurs résidants de «l’Insarce» - un mot tiré du patois local - bénéficieront ainsi de logements uniques en Suisse disposant d’un système de chauffage mixte (panneaux solaires et chaudière à pellets), d’une généreuse lumière naturelle, d’une qualité d’air supérieure grâce à une ventilation et à un système de «climatisation» utilisant la fraîcheur du sol (puits canadien), d’un accès handicapés pour l’ensemble du bâtiment et enfin de matériaux exempts de toute substance cancérigène (formaldhéïdes, solvants, etc.). L’immeuble de trois étages, proposera six appartements - 3 de 3,5 pièces et 3 de 4,5 pièces - disponibles à la location dès le printemps 2011.
À rappler, pour ne pas confondre: le premier bâtiment administratif Minergie-P-Eco de Suisse est l’œuvre de l’architecte fribourgeois Conrad Lutz. Ses «Green Offices», bureaux verts, ont été inaugurés à Givisiez (FR) au printemps 2007. (BA/ek/com)
Intervenants
Maître d’ouvrage:
Léonard Bender, architecte à Martigny et Gilbert Morisod, maître charpentier à Troistorrents.
Architecte:
Atelier d’architecture atLB, Fully-Martigny
Construction-bois:
Charpente Morisod & Fils SA, 1872 Troistorrents.
Energie et physique du bâtiment:
enerconseil Sàrl, bureau d’ingénieurs-conseils en énergie et physique du bâtiment, 1950 Sion.
Statique et contraintes parasismiques:
Alpatec SA, ingénieurs civils, 1920 Martigny.