Survol panoramique de la nouvelle Transchablaisienne

De Villeneuve au Bouveret, le tracé de la route a pris sa forme finale et sera inauguré le 8 novembre prochain. Des différents ouvrages aux contraintes environnementales du site, retour sur les grands défis de cette nouvelle infrastructure d’un coût total de 118 millions de francs.

L’histoire du développement de la Transchablaisienne a été longue. Son premier jalon a été posé dans l’arrêté du Conseil fédéral du 17 mars 1961. Suite à de nombreuses études de variantes, son parcours définitif a été retenu le 30 septembre 1999, au terme d’un large processus participatif. Implantée sur sol vaudois, elle relie Rennaz (à la sortie de Villeneuve) aux Evouettes (situées entre Vouvry et Le Bouveret, en Valais), éliminant ainsi le trafic de transit dans les villages de Chessel, Noville et Rennaz, réduisant le trafic de poids lourds à Vouvry et Vionnaz tout en résolvant le problème de l’étranglement du trafic à la Porte-du-Scex. Pensée comme une route principale à deux voies (une dans chaque sens) sans trafic mixte (ni véhicules agricoles, ni vélos, ni piétons), la H144 n’a pas d’accès latéraux, hormis une jonction à Crébelley.

Quatre ouvrages distincts

La route passe par quatre ouvrages distincts qui ont tous fait l’objet, pour les prestations d’architecture et d’ingénierie, de concours de projet organisé en 2005 par le Service des routes du canton de Vaud pour le pont sur le Grand Canal, la galerie couverte de Crebelley et le viaduc sur l’A9, et par le Service des routes et des cours d’eaux du Valais pour le viaduc sur le Rhône. Les premiers travaux ont débuté en décembre 2007. Ces derniers consistaient à élargir la RC 780 et construire le giratoire constituant la porte d’entrée de la futur H144. Tous les chantiers de construction des ponts et de la route ont démarré en 2010 et se sont étalés, pour certains, jusqu’à l’automne 2012. «Enfin cette année, nos collègues valaisans ont mis en place le giratoire d’accès à la H144 sur la route des Evouettes. A Crebelley, la déviation routière a été démontée, la mise en forme de la colline a été finalisée et nous avons procédé à la reconstruction de la RC 725 sur une butte reformée. Les travaux du viaduc sur le Rhône et sur l’A9 sont terminés. Nous avons posé tous les équipements routiers et somme en train de mettre en place les plantations sur les talus de la H144», développe François Petriccioli, chef de projet pour le compte du Service des routes du Canton de Vaud.

Compensations environnementales

En parallèle à la construction des différents ouvrages et de la chaussée, le projet a impliqué une série de mesures visant à réduire l’impact de la route sur son environnement. La principale de ces mesures est un remaniement parcellaire sur une surface de 540 ha touchant 142 propriétaires. En effet, pour acquérir les 11,7 ha de l’emprise routière, les 33.6 ha des mesures de compensation écologique et disposer temporairement des 14.8 ha d’emprises provisoires de chantier, le canton de Vaud a décidé, conformément à son habitude pour ce genre de grands projets, de passer par un syndicat d’amélioration foncière obligatoire financé par le crédit routier. «En plus du caractère très participatif de la démarche, un remaniement parcellaire était indispensable. En effet, la route traverse perpendiculairement au sens de culture une zone maraîchère intensive privilégiée puisque les cultures en pleine terre des légumes y sont en avance de 2 à 3 semaines par rapport au reste de la Suisse. Devant l’ampleur des perturbations liées au projet, une amélioration foncière intégrale a été réalisée», relève le chef de projet.

Trois parois antibruit

Parmi les mesures environnementales, on peut noter la construction de 3 parois antibruit, la première (partiellement intégrée au pont sur le Grand Canal) d’une longueur de 170 m, la seconde de 240 m et la dernière de 100 m, la mise en place de passages à petites faune dans les remblais (tubes de 60 cm de diamètre), l’aménagement des passages à grande faune sous les ponts et la pose d’une clôture à gibier et à batraciens sur le tronçon Rhône-Crebelley. Les autres mesures sont la création de zones humides, d’étangs et de bassières, le reboisement de certaines zones, la revitalisation de milieux existants et l’amélioration de dessertes forestières. «Nous avons intégré ces mesures de manière poussée tant au niveau du projet que du chantier. Nous sommes en train de réaliser pendant les travaux toutes les mesures dont nous maîtrisons le foncier et pas seulement celles dans l’emprise de la route. Trois mesures importantes, l’aménagement de la Terraillaz, l’élargissement du Grand Canal et le passage à grande faune des Iles Ferrandes sont terminées ou en passe de l’être. Le solde des mesures qui dépendent du nouvel état foncier, a été intégré dans les travaux collectifs du syndicat d’amélioration foncière. Ces travaux débutent cet automne et se termineront si tout va bien au printemps 2014. De plus, durant les études le souci d’intégrer les mesures environnementales dans le projet a été constant; ainsi le bassin de rétention de la Terraillaz a été aménagé en biotope, de même que les fossés drainants de récoltes des eaux qui ont remplacé les fossés d’infiltration prévus, à cause de l’imperméabilité et de l’hétérogénéité des terrains», développe le chef de projet.

Enrobés recyclés

Autre considération écologique, le Service des routes du Canton a procédé à plusieurs essais de nouveaux matériaux dans la construction de la chaussée. «Nous avons mené plusieurs tests liés à des enrobés bitumineux recyclés. Plusieurs planches d’essais avec des enrobés tièdes ou posés à froids à base de matériaux recyclés ont été réalisées sur la déviation provisoire de la route Noville - Porte-du-Scex et sur la H144 entre le pont sur le Grand Canal et la galerie de Crebelley; cela nous a permis de remplacer la première couche d’enrobé à chaud traditionnel par un enrobé à froid contenant 100% de matériaux bitumineux recyclés et ouvre ainsi de nouvelles perspectives en matière d’économie d’énergie et de protection de l’environnement», se réjouit Francis Blardonne, auteur du projet routier pour le compte du Service des routes du Canton de Vaud.

Galerie de Crebelley

Achevée l’été dernier, cette tranchée couverte a été prévue pour permettre le passage de la faune et de la route cantonale RC725 Villeneuve-Chessel au-dessus de la H144. A l’instar des autres ouvrages, elle présente des qualités esthétiques qui lui assure une intégration harmonieuse dans le paysage. Le terrain semble s’ouvrir pour laisser passer la route. Bien que la galerie soit très discrète vu de loin, sa forme est suffisamment généreuse pour assurer le confort optique des automobilistes qui la traversent. D’une longueur de 66m, elle présente une structure en béton armé composée d’une voûte de 17 m de portée et d’un radier contre-voûté. Contrairement aux micropieux qui étaient prévus dans le concours, le choix d’une fondation sur radier s’est imposé en raison de la qualité médiocre du terrain, le pire du tracé de la H144. Il est constitué de couches hétérogènes fortement déformées et chevauchées de plus de 50 cm d’épaisseur, causées par des phénomènes glacio-tectonique. Des études préliminaires ont révélé que le poids des remblais, d’un gabarit de 40 000 m3, prévus autour de la chaussée aurait eu une influence sur des dizaines de mètres en profondeur. Pour maîtriser les risques de déformations lors de la construction de la galerie, une série d’analyses ont été menées par le bureau De Cérenville Géotechnique SA. «Nous avons procédé à une prédiction du comportement global à l’état de service de l’ensemble de l’ouvrage-remblai en simulant toutes les phases de réalisation, puis simulé à l’aide de modèle locaux l’interaction sol-structure, en tenant compte du fluage et de la fissuration du béton. Elle se base sur un processus itératif qui combine plusieurs logiciels d’analyse», note l’ingénieur Jérémie Crisinel.

Les remblais ont été montés par phase, en 2010 avant la construction de la galerie, de part et d’autre de son emprise avec une surveillance accrue des tassements, mouvements profonds et déformations des structures. «La colline n’a pas subi les mouvements appréhendés au départ, à savoir les 10 à 45 cm (suivant les hypothèses) de tassement du terrain. Au final, seuls 4 cm ont été mesurés. Rien n’a été signalé au niveau des bâtiments environnants. Quant à la galerie, elle n’a pas subi non plus de tassement, lorsqu’après son achèvement le remblai a été complété», analyse Francis Blardonne, chef du projet routier pour le compte du Service des routes du Canton de Vaud, qui supervise actuellement les travaux de réaménagement de la déviation provisoire autour de la galerie de Crebelley pour la restituer en zone agricole. (Emilie Veillon)

MAÎTRES D'OUVRAGE ET MANDATAIRES