Quand la fibre optique scrute les fissures des tunnels vieillissants
Pendant deux ans cette technologie va permettre d’ausculter un tunnel ferroviaire vieillissant en France. L’occasion de vérifier la santé du béton de l’ouvrage d’art souterrain et de comparer cette méthode avec d’autres plus classiques.
Crédit image: Cementys
En France, six tronçons du tunnel de l’Encombrouze, long de 400 m, ont été équipés de fibre optique.
Situé dans le massif des Ecrins, dans les Hautes-Alpes, le tunnel ferroviaire de l'Encombrouze a été creusé en 1850 sur une faille sismique. Du fait de cette situation géographique, le tube long de 400 m voit son béton se fissurer. D'où la décision de mener une expérimentation en vue d'améliorer sa maintenance. En octobre 2020, l'équipement a ainsi été muni de fibre optique, une technologie qui n'avait pas encore été déployée pour ausculter un tunnel ferroviaire de cet âge.
Dispositif très sensible
Non sans raison, car «instrumenter un ouvrage existant
s'avère délicat», reconnaît Pierre Poggi, ingénieur d'études tunnels à la SNCF,
au site Le Moniteur. Et d'expliquer: «Tout d'abord, son revêtement en
maçonnerie n'est ni lisse, ni régulier. Il nécessite donc un entretien régulier
qui peut potentiellement endommager le dispositif très sensible de
surveillance. D'autre part, comme il est en exploitation, les interventions ne
peuvent se dérouler que de nuit.»
Crédit image: Cementys
Un capteur de fibre optique a été installé tous les 50 m afin d’améliorer la précision des mesures.
L'installation de la fibre, qui a eu lieu pendant quatre nuits consécutives, a pris fin le 19 octobre dernier. Depuis, les ingénieurs collectent les données sur l'évolution du tunnel: «Nous mesurons les éventuelles déformations du béton, les contraintes qui s'exercent à l'intérieur de la structure, mais aussi la température», liste Quentin Pochez, ingénieur d'études chez Cementys. L'expérimentation doit durer deux ans, jusqu'à la mi-2022. Au terme de cette période, les experts pourront évaluer la fiabilité des données récupérées.
Crédit image: Cementys
Pour vérifier la résistance des fibres optiques en cas de projection de béton, des essais ont été menés au préalable sur des échantillons.
Pour ce faire, ils compareront les informations transmises par le réseau de fibres optiques avec une autre méthode de suivi. Le tunnel de l'Encombrouze est, en effet, déjà doté de fissuromètres et de cibles topographiques. Un dispositif qui est maintenu dans le tunnel pour les besoins de l'expérimentation. Les ingénieurs veulent également s'assurer que la fibre optique ne sera pas impactée par les futures campagnes d'entretien. «En particulier, nous souhaitons vérifier qu'elle pourra résister à des travaux de renforcement qui mettent en œuvre du béton projeté, et que la surveillance du tunnel ne s'en trouvera pas altérée», précise Pierre Poggi.
Crédit image: Cementys
Les outils éprouvés de surveillance, tels que cette mire topographique, ont été conservés afin de comparer les données.
Les experts ont déjà mené des essais sur des échantillons installés dans la région de Marseille (Bouches-du-Rhône) afin de s'assurer de la viabilité du dispositif dans ces conditions. «A l'époque, nous avions fixé des fibres optiques sur des caissons, puis nous avions projeté du béton sur les éléments en question. Cela n'avait pas empêché leur fonctionnement», se remémore Quentin Pochez. Entre les mois d'avril et juin 2021, du béton sera à nouveau projeté, cette fois-ci sur la paroi du tunnel de l'Encombrouze, en vue de vérifier in situ cette hypothèse.
Le Grand Paris Express en ligne de mire
Si ces deux années d'observation se révèlent concluantes, la SNCF compte
déployer la technologie dans d'autres tunnels ferroviaires de cet acabit. De
son côté, Cementys ambitionne d'implanter sa solution sur différents sites,
comme ceux du Grand Paris Express. «Certes, les infrastructures destinées au
futur métro de la région parisienne sont déjà équipées de fibre optique, mais
cette dernière n'est pas destinée à leur surveillance. Si nous obtenons des
résultats probants, nous démontrerons ainsi l'intérêt de notre solution pour ce
nouvel usage», espèrent les responsables de l'entreprise.