Les musées de Sainte-Croix regroupés dans une ancienne usine
Après sa transformation, l’ancienne usine Paillard de Sainte-Croix (VD) présentera dans quelques mois un musée regroupant trois collections de prestige. Le bâtiment du Centre international de la mécanique d’art (CIMA) proposera alors des espaces d’exposition selon le concept architectural du Schaudepot. Le parcours de découverte fera la part belle à la mécanique de haute précision, tout en rappelant le passé industriel du lieu. L’ouverture du futur musée est prévue à la fin mai.
Crédit image: Philippe Chopard
L’enveloppe extérieure du bâtiment est intacte. Les fenêtres ont été conservées, car elles ont été changées il y a quelques années. Tout le défi de cette rénovation résidait en effet dans une isolation par l’intérieur.
Le futur Musée unique de Sainte-Croix (VD) exaltera un art bien vivant. La mécanique d’art est depuis des siècles implantée sur le balcon du Jura vaudois. Et le fait de regrouper ses trésors dans un seul lieu pour mieux les présenter perpétue l’art de la bienfacture et de l’innovation autrefois cantonnées dans les fermes d’alentour et les entreprises locales.
Crédit image: Philippe Chopard
Au rez-de-chaussée, la future salle Baud va abriter les plus grosses pièces du musée de L’Auberson. Elle se distingue par une colonne transversale faite de piliers et de sommiers métalliques, rappelant son ancienne affectation industrielle.
Le prochain déménagement des collections de boîtes à musique du Musée Baud dans le bâtiment de l’ancienne usine Paillard, à Sainte-Croix, n’est pas anodin. Depuis le décès des frères qui avaient fait la renommée du musée de L’Auberson, les merveilles mécaniques faites de rouages, de cartons perforés ou de rouleaux gravés cherchaient un second souffle. Leur muséographie, mise en scène dans les deux salles du petit musée, n’était pas en cause. Elle présentait à la fois des merveilles d’ingéniosité et une histoire séculaire, depuis la plus petite boîte à musique jusqu’à l’orchestrion tonitruant. Elle suscitait la convoitise de personnes soucieuses de mieux les présenter… ailleurs. Mais les héritiers des frères Baud ont préféré les maintenir dans leur région. Toutefois, la petite maison de L’Auberson ne permettait plus leur mise en valeur. Dès lors, leur transfert à Sainte-Croix constituait la seule option possible.
Un pôle de
compétences pour l‘artisanat et l’industrie
La rénovation
du bâtiment du Centre international de la mécanique d’art (CIMA), au cœur de
Sainte-Croix, vise à la fois le regroupement de trois musées en une seule
institution et la création d’un pôle de compétences dédié à l’artisanat, aux
sciences et à l’industrie. L’esprit d’entreprise et l’excellence ont en effet
guidé le travail des fabricants de montres, d’automates et de boîtes à musique
dès la révolution industrielle. La transformation de cet immeuble de trois
étages – déjà musée depuis 1985 – garde cet état d’esprit, selon un concept
architectural déjà répandu en Suisse alémanique, mais innovant en Romandie : le
Schaudepot. La volonté du bureau éo architectes de Lausanne, qui a repris et
modifié le projet du bureau LVPH, lauréat d’un concours lancé il y a plusieurs
années, a été de créer, sur les 1700 m² de surface d’exposition, une nouvelle
structure plus dynamique. Il s’agissait aussi d’élargir la capacité de la
muséographie et des expositions permanentes. Le concept du Schaudepot allie
exposition et stockage. Il met en scène les richesses des trois musées – celui
des arts et sciences de Sainte-Croix, du CIMA et des frères Baud - au travers
de salles fermées, propices à la démonstration, et à la fois en suivant un
parcours de visite libre.
Crédit image: Philippe Chopard
Dans les deux étages supérieurs, le visiteur aura le choix entre un parcours libre, par les couloirs, ou entrer dans les salles du Schaudepot, conçues pour les démonstrations.
« En fait, le visiteur aura l’impression de se promener dans le dépôt du musée, explique Laurent Fragnière, du bureau éo. Il pourra le faire librement en restant dans les couloirs du parcours libre, ou alors approfondir la visite par la découverte des salles aménagées dans les deux étages supérieurs du bâtiment ». Le futur parcours muséal du nouveau CIMA va donc s’inspirer des merveilles de la mécanique, par une découverte visuelle et auditive. Tout comme cela était déjà pratiqué à L’Auberson, dans l’exiguïté du musée Baud.
Une isolation
par l’intérieur
Les travaux ont commencé en juin 2022. Ils transforment l’intégralité de
l’intérieur du bâtiment du musée du CIMA tout en préservant ses façades. Une
nouvelle isolation extérieure en aurait en effet altéré la valeur
patrimoniale ! Le principal défi technique lancé au maître d’ouvrage était donc
d’isoler le bâtiment par l’intérieur. Ce qui a permis d’en assumer la
modernisation et l’adaptation à son futur rôle muséal. Mais le CIMA devait en
parallèle conserver sa valeur patrimoniale. Pendant toute la durée du chantier,
le projet a donc évolué en cherchant la meilleure alchimie possible entre
tradition et modernité. Il a aussi tenu compte du passé industriel de l’usine
Paillard. Ainsi une nouvelle entrée prévue par l’est, dans le projet initial,
a-t-elle été abandonnée. Les architectes qui ont repris le projet ont préféré
utiliser l’entrée historique, utilisée originellement par les ouvriers, au sud
du bâtiment. Un accès sur le côté a été aménagé pour les personnes à mobilité
réduite. A l’ouest, il a aussi été décidé de réhabiliter l’auvent surplombant
une porte d’origine, elle-même automatisée.
Une vraie mise
à nu
Il a fallu commencer par mettre les étages à nu, pour mieux en dessiner la
nouvelle muséographie et vérifier si le bâtiment construit en 1900 tenait
compte des nouvelles normes statiques. Le CIMA est flanqué de deux cages
d’escalier repeintes pour l’occasion tout en conservant leurs marches
d’origine. Les étages continuent d’être aussi accessibles par un ascenseur.
Crédit image: B. Zurbuchen
Les travaux ont commencé par une mise à nu du bâtiment. Les deux chapes inférieures ont pu être conservées, mais le solivage de l’étage supérieur était trop déformé pour connaître le même sort.
Le rez-de-chaussée sera composé de deux vastes volumes, le premier consacré à la réception et à la cafétéria du futur musée et le second aux plus grosses pièces provenant de la collection des frères Baud. Il se distingue par une colonne dorsale fait de colonnes et de sommiers métalliques. La technique y est partout apparente. La chape du plancher reprend également les matériaux de l’usine. De plus, les locaux du rez-de-chaussée ont tenu compte des exigences acoustiques imposées par la présence des orchestrions provenant de L’Auberson. Au premier étage, une trémie en dalle ouverte depuis 1985 a été refermée et adaptée pour agrandir l’espace d’exposition. Les différentes couleurs trahissent sa condamnation, notamment au niveau d’une ancienne cage d’ascenseur centrale. Les visiteurs qui arrivent par le nord débouchent désormais sur un espace haut de deux niveaux. Ce dernier abritera « l’Ange » de François Junod, une sculpture mobile bien dans l’esprit du projet. L’ancien carrelage de l’usine Paillard a été largement conservé, y compris avec ses marques et ses traces qui révèlent l’activité industrielle du lieu. Des alcôves seront enfin utilisées pour des expositions thématiques.
Crédit image: éo architectes
En toiture, il a été nécessaire de doubler le chevronnage existant.
Le deuxième étage et la toiture ont nécessité d’importants travaux de charpente. Les anciennes solives du plancher étant trop déformées, il a fallu les remplacer par une nouvelle dalle massive en bois, qui ne repose pas sur la structure. En toiture, les responsables du projet ont enfin posé un deuxième chevronnage par-dessus l’ancienne charpente. « Cette démarche a été d’autant plus nécessaire qu’un risque élevé de condensation existait au droit des appuis de solives dans la maçonnerie », explique le chef de projet Servan Réjou, du bureau éo architectes.
Technique
apparente
Les quatre salles réservées au son et aux démonstrations se distinguent
également en cachant toutes leurs parties techniques dans de faux plafonds.
Leur ventilation s’évacue en fait par les couloirs. Les collections seront
aussi protégées du rayonnement ultraviolet par des stores extérieurs, ainsi que
de l’humidité. Parfois, elles en ont vu d’autres, puisqu’elles proviennent
toutes de dons privés. Des rideaux épais voileront les nombreuses fenêtres du
bâtiment. Même si un musée n’aime pas tellement un apport excessif de lumière
naturelle, la conservation de toutes ces ouvertures qui éclairaient les anciens
ateliers est apparue comme une évidence. Du reste, elles étaient encore en bon
état, et les exigences de la conservation du patrimoine demandaient leur maintien.
Transformer un bâtiment, c’est aussi l’assainir. Le CIMA utilise le réseau de chauffage à distance de la commune. Il est aussi équipé de panneaux photovoltaïques en toiture, qui ne dépareillent pas sa valeur patrimoniale. Sa ventilation est assurée par un vaste monobloc situé en sous-sol, à côté de quelques locaux techniques et de stockage. Son contenu muséal dialogue de ce fait étroitement avec sa structure. Les nostalgiques de son passé industriel l’y retrouveront pour mieux se rappeler combien il est renommé. Dans quelques jours, les premières merveilles mécaniques investiront leur nouvel écrin, et l’ouverture de ce musée unique de la mécanique d’art et de précision de Sainte-Croix (MuMAPS) est prévue pour la fin mai. Après emménagement des collections. Toute une aventure !