L’Empa va étudier la création d’un ciment au bilan carbone négatif
L'industrie du ciment émet de grandes quantités de dioxyde de carbone nuisible au climat. Cependant des liants alternatifs à base de carbonate de magnésium pourraient absorber ces émissions. Dans le cadre d’un programme européen sur cinq ans, le Laboratoire fédéral de recherches sur les matériaux (Empa) se penchera ainsi sur la création du ciment au bilan carbone négatif.
Crédit image: Empa
L'étude de nouveaux liants à base de magnésium est prometteuse dans l'optique de la fabrication de béton sans émission.
Plus de quatre
milliards de tonnes par an dans le monde représente une tendance à la hausse:
le ciment est de loin le matériau de construction le plus utilisé et libère
inévitablement de grandes quantités de dioxyde de carbone en étant lié à la
chaux lors de sa fabrication. Les fabricants du monde entier ont déjà
considérablement réduit cette part mais plus le réchauffement de la planète
progresse, plus il est urgent de trouver des alternatives.
Les ciments à la base de carbonates de magnésium sont porteurs d'espoir. Les
spécialistes de l'Empa étudient depuis des années de nouveaux liants, à base
d'olivine, un minéral disponible en grande quantité en Norvège par exemple.
Pour simplifier, l'oxyde de magnésium obtenu à partir de ce silicate de
magnésium peut être transformé en ciment avec de l'eau et du gaz carbonique. Au
final, la quantité fixée est supérieure à celle émise, ce qui en fait un puits
de carbone.
Un soutien
généreux
Contrairement aux ciments traditionnels, dont le durcissement a été étudié dans
les moindres détails, ces matériaux soulèvent encore de nombreuses questions.
Le projet de recherche «Low Carbon Magnesium-Based Binders», dirigé par
l'experte de l'Empa Barbara Lothenbach, devrait bientôt apporter des réponses,
grâce à une dotation du Fonds national suisse (FNS) d’un montant de 2,2
millions de francs.
De nombreuses
questions en suspens
L'effort est justifié, car la tâche est épineuse. Les spécialistes de l'Empa,
en collaboration avec des partenaires de l'université finlandaise d'Oulu,
veulent explorer ce qui se passe au niveau moléculaire dans sept domaines
principaux. Comment durcissent de tels ciments et avec quelles formules? Quel
est l'effet de la température, du pH et d'autres facteurs tels que les
accélérateurs de réaction? Le volume d'un «béton de magnésium» reste-t-il
stable à long terme? Et quelle est sa résistance ?
Crédit image: Barbara Lothenbach_Empa
Une tâche passionnante: l'experte de l'Empa Barbara Lothenbach dirigera le projet.
Il s'agit donc d'une recherche fondamentale axée sur la pratique, dans laquelle deux procédés de production seraient disponibles: le durcissement au gaz carbonique sous une «pression gazeuse» élevée, un procédé coûteux qui serait surtout utilisable pour les éléments préfabriqués en béton. Et l'hydratation: durcissement à l'eau dans des conditions ambiantes, qui conviendrait également à la fabrication sur les chantiers.
Au final, les résultats des essais en laboratoire et des modélisations thermodynamiques devraient être intégrés dans un «jumeau numérique» du ciment au carbonate de magnésium. Il s'agit donc d'une simulation des processus chimiques et physiques lors du durcissement et donc de la base, espèrent les spécialistes de l'Empa, pour des recettes de bétons robustes qui fixent le plus de dioxyde de carbone possible.
Un projet de
recherche ambitieux
Le projet «Low Carbon Magnesium-Based Binders» débutera début 2023 et durera
cinq ans. Il utilisera également de nombreuses connaissances déjà acquises dans
ce domaine par les chercheurs de l'Empa ainsi que par les spécialistes de
l'université finlandaise d'Oulu. Les «Advanced Grants» de ce type du Fonds
national suisse (FNS) remplacent les célèbres «ERC Advanced Grants» du
«European Research Council» (ERC), auxquels les chercheurs basés en Suisse
n'ont actuellement pas accès en raison de leur non-association au programme de
recherche «Horizon Europe». Au total, le FNS soutient 24 projets à hauteur de
60 millions de francs.