L’Empa teste l’utilisation rentable d’une isolation par aérogel
Les matériaux d'isolation haute performance tels que les aérogels sont particulièrement coûteux. Mais ils offrent un avantage indéniable grâce à la finesse de leur couche d’isolation. Et plus celle-ci est mince, plus la surface utile d’un bâtiment est importante. Une équipe de recherche de l'Empa démontre dans quelles circonstances l'utilisation d'aérogels se révèle rentable.
Crédit image: Empa
La profitabilité se joue parfois à quelques m² de plus ou de moins. L’isolation par aérogel a permis de gagner 30 m² de surface utile dans le nouveau bâtiment de la Hohlstrasse à Zurich.
Les prix de l'immobilier en Suisse augmentent de manière ininterrompue depuis des années et brisent de nombreux rêves d'accession à la propriété. En particulier dans des villes comme Zurich, Genève, Lugano et Bâle, où les prix au mètre carré figurent parmi les plus élevés d'Europe. Un mètre carré de surface utile représente donc de l'argent sonnant et trébuchant : quelque 12 700 francs suisses en moyenne à Zurich. Quiconque construit intelligemment et surtout économiquement essaie donc de maximiser l'espace utilisable, que ce soit dans une nouvelle construction ou dans une rénovation.
Plus cher, mais
plus performant
Les matériaux d'isolation à haute performance tels que les aérogels peuvent
donc jouer un rôle important à cet égard. Pour un même effet isolant, ils
nécessitent la moitié, voire seulement un quart de substance par rapport à des
isolants classiques.
Revers de la médaille, ces matériaux à haute performance sont aussi beaucoup plus chers. Dans leur dernière étude, une équipe dirigée par le chercheur de l'Empa Jannis Wernery s'est posé la question suivante : quand l'utilisation d'aérogel super-isolant est-elle rentable ? Ou mieux : quand l'avantage financier de la surface supplémentaire est-il supérieur aux coûts supplémentaires du matériau isolant plus coûteux qui permet ce gain de surface ?
« Pour y répondre, explique Jannis Wernery, nous avons dérivé une équation simple qui pourra facilement être utilisée à l'avenir par les planificateurs pour décider du matériau d'isolation approprié. Et cela, dès le début du processus. » Il est évident que l'utilisation d'une isolation performante est particulièrement intéressante dans le contexte général de densification des cités.
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Tels des nuages gelés, les aérogels sont les solides les plus légers connus. Ils isolent parfaitement et sont facilement recyclables.
Pour peaufiner leur analyse, les chercheurs de l’Empa ont passé à la loupe les 25 villes les plus chères d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Asie. Et sur ces trois continents, ils ont identifié un fort potentiel… Une première conclusion s’impose : il est plus intéressant de construire avec de l'aérogel au lieu de la laine minérale conventionnelle partout où le prix du mètre carré est supérieur à 8000 francs suisses.
En Europe, cela concerne les 15 villes les plus chères du continent – y compris les quatre villes suisses déjà mentionnées. En Amérique du Nord, ce sont les 14 villes les plus coûteuses – de New York à Waikiki. Et en Asie, il s'agit des dix villes les plus onéreuses.
Affaire de centimètres
En Suisse, un exemple concret dans la Hohlstrasse à Zurich démontre à quel
point l'utilisation de matériaux d'isolation performants peut être lucrative.
Situé au centre-ville, ce bâtiment résidentiel et commercial, construit entre
2015 et 2019, est considéré comme le premier du pays à être isolé presque
exclusivement avec de l'aérogel. L’édifice est la dernière pièce d'un projet de
développement d'un bloc périphérique. Ses dimensions extérieures devaient donc
correspondre aux volumes existants et ne laissaient aucune marge de manœuvre.
« Pour maximiser l'espace utilisable in-térieur, on a utilisé une façade en aérogel de bois d'à peine 14 cm d'épaisseur, explique Jannis Wernery, qui, avec son équipe, a joué le rôle de conseiller scientifique pendant les phases de conception et de construction du bâtiment. En comparaison, une façade avec un matériau isolant conventionnel aurait eu une épaisseur d'environ 20 cm. »
Extrapolée à l'ensemble du bâtiment, l'utilisation du matériau d'isolation haute performance a permis de créer environ 30 m² supplémentaires d'espace utilisable. Quand on sait que le prix au mètre carré est de 12 700 francs, le calcul est vite fait. Cela représente une plus-value de 381 000 francs suisses. Si l'on déduit les coûts supplémentaires de l'aérogel par rapport à l'isolation conventionnelle, il reste un bénéfice de quelque 247 000 francs !
« C'est là où nous en sommes aujourd'hui, souligne le chercheur de l’Empa. Mais, c'est encore plus excitant quand on regarde l'avenir. » En effet, l'utilisation d'aérogel dans la construction n’en est presque qu’à ses débuts. D'importants efforts de recherche sont déployés pour simplifier le processus de production de cet isolant et le rendre meilleur marché.
« Par rapport aux méthodes de production actuelles, le meilleur scénario est une réduction de moitié des coûts de production des granulés d'aérogel », affirme Jannis Wernery. Si tel est le cas et que les prix de l'immobilier continuent d'augmenter, il ne fait aucun doute que l’emploi d’aérogel va se généraliser et ne sera plus l’apanage des métropoles les plus chères de la planète.
Crédit image: Empa
Les panneaux OSB remplis d’aérogel ne font que 15 cm d’épaisseur.
En collaboration avec les entreprises AGITEG AG et ERNE AG Holzbau et avec le soutien d'Innosuisse, le groupe de recherche de Jannis Wernery de l'Empa a également développé des éléments préfabriqués en bois d'aérogel qui conviennent aussi bien pour les nouvelles constructions et les agrandissements que pour les rénovations. Les éléments sont constitués de panneaux OSB dont les interstices sont remplis d'aérogel. Avec une épaisseur de 15 cm, les éléments atteignent une valeur U (coefficient de transfert de chaleur) de 0,2 W / (m2 K).
Rien ne se perd
Pour un premier test pratique, les nouveaux éléments ont été installés dans l'unité
NEST « Sprint », inaugurée fin août 2021 dans le bâtiment de la recherche et de
l'innovation de l'Empa et de l'Eawag. L'unité « Sprint » a été construite quasi
entièrement avec des composants réutilisés et des matériaux de rebut. Des
chutes et déchets de la production de panneaux et de granulés d'aérogel ont
également été utilisés pour les éléments en bois d'aérogel. La fonction des
éléments de façade est désormais analysée en permanence par le biais d'une
surveillance.