Le développement du solaire en Suisse subit un coup de froid
En progression constante depuis 2020, l’installation de panneaux solaires sur les bâtiments nage en pleine incertitude depuis l’été dernier. Les futurs contours de la nouvelle loi sur l’électricité et la volatilité des prix rendent les entreprises quelque peu frileuses. Cela touche aussi un programme de coopération professionnelle noué entre la Suisse et la Tunisie.
Crédit image: Swisscontact
Tous diplômés, les candidats tunisiens au programme Perspectives de la Fondation Swisscontact doivent malheureusement attendre que l’horizon photovoltaïque s’éclaircisse en Suisse avant de venir y travailler pendant 18 mois.
La promotion du photovoltaïque sur les bâtiments n’est pas efficace sans force de conviction. Mais elle subit depuis l’été un méchant coup de mou. L’association professionnelle Swissolar constate en effet que le contexte énergétique est actuellement troublé en Suisse. Les entreprises se montrent prudentes, malgré une pénurie de personnel qualifié, et cela retarde un projet de coopération né d’un accord entre la Confédération et la Tunisie pour offrir un premier cadre professionnel aux jeunes diplômés de ce pays d’Afrique du Nord. Comme l’indiquent Stéphane Genoud, professeur à la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) et Marc-Olivier Roux, responsable de ce programme inédit géré par la Fondation Swisscontact, les conditions favorables à sa mise en œuvre sont de moins en moins favorables. Du moins pour l’instant.
Pourtant, la machine est très bien huilée. Le développement technique du photovoltaïque sur les bâtiments en Suisse est assuré depuis de nombreuses années. Cette forme d’énergie renouvelable ne fait l’objet d’aucune contestation, hormis en ce qui concerne les projets de centrales alpines. Elle peut aussi agir comme fer de lance dans la création d’une société libérée des énergies fossiles. Mais les entreprises détestent l’incertitude.
Marché rétréci
David Stickelberger, responsable du marché chez Swissolar, confirme un net
ralentissement, constaté dès l’été dernier : « La mise en œuvre de la nouvelle
Loi fédérale sur l’électricité doit adapter une multitude de conditions-cadres.
De plus, la fluctuation et la volatilité des prix ne sont actuellement guère
favorables aux investissements. Pour que le photovoltaïque reprenne sa marche
en avant, il faudra attendre 2026. Nous sommes cependant optimistes».
Crédit image: Swisssolar
En quatre ans, le PV a connu un développement fulgurant. Malheureusement, les incertitudes liées à la politique énergétique du Conseil fédéral ralentissent cette évolution.
Swissolar fait tout ce qu’il peut pour que la croissance du photovoltaïque, exceptionnelle depuis 2020, puisse reprendre le plus rapidement possible son rythme effréné. « Nous avons notamment lancé en août une formation professionnelle axée sur les relations entre les métiers de couverture du bâtiment et l’installation de panneaux solaires sur les toits », rappelle David Stickelberger. « La situation économique sur le front du solaire est actuellement pavée d’incertitudes », corrobore Stéphane Genoud. Selon lui, la politique énergétique du Conseil fédéral est chaotique. La consommation se montre aussi frileuse et mal informée. La peur d’un black-out, déjà brandie par le conseiller fédéral Guy Parmelin avant la crise énergétique, plane toujours, même si ses causes ont changé de visage. La pénurie de personnel qualifié est toujours bien présente, et quelques entreprises suisses spécialisées ont dû faire faillite ou réduire leurs effectifs. Le contexte n’est donc pas favorable à l’embauche, même si la demande dans le solaire est toujours forte. Thierry Mauron, responsable du projet Solar Access au sein du Groupe E, ne se défile pas non plus. Il se dit motivé par le programme mené pour la Tunisie par Swisscontact, tout en reconnaissant que la morosité ambiante ne le stimule pas. Son entreprise a aussi annoncé des réductions d’effectifs dans le domaine de la fibre optique.
D’autres
débouchés
Marc-Olivier
Roux doit ainsi concentrer son programme baptisé Perspectives sur d’autres
métiers, notamment dans les domaines de l’architecture, de l’ingénierie, de
l’électricité et de la construction. Il rappelle que les possibilités de
recrutement de Tunisiens en Suisse sont très grandes. Notamment avec une
délivrance facilitée de visas. Les spécialistes de ce pays en matière de
photovoltaïque doivent cependant attendre un contexte économique suisse
meilleur. « Ce ralentissement peut aussi être vécu comme une chance », indique
ce responsable de la Fondation Swisscontact.
Tunisiens
curieux d’apprendre
Marc-Olivier Roux se réjouit que les sociétés spécialisées aient aussi la
possibilité de se relancer par l’accueil de ces diplômés bien formés et curieux
d’apprendre. Pour l’heure, les Tunisiens sont toujours intéressés à vivre leur
première expérience professionnelle à l’étranger, sans trop de contraintes
administratives. Ils doivent pour cela signer un contrat de travail chez nous.
Par le passé, plusieurs jeunes architectes ont pu profiter de ce programme. Un
plâtrier tunisien est même actuellement employé à Genève. Le programme
Perspectives est donc toujours d’actualité et son volet photovoltaïque toujours
utile à assurer un meilleur approvisionnement énergétique pour la Suisse.
Surtout en hiver.
Un partenariat fructueux
C’est en janvier dernier que Swisscontact et la HES-SO ont lancé en Tunisie ce projet de formation et de perfectionnement initié sous le contrôle du Secrétariat d’Etat aux migrations et de la Coopération suisse. Une visite de travail du conseiller fédéral Beat Jans en Tunisie a amorcé en mai dernier ce partenariat qui vise à recruter des jeunes talents motivés. Il s’agit en particulier de proposer un perfectionnement en Suisse à de jeunes diplômés tunisiens, en particulier dans le domaine du photovoltaïque. Le partenariat repose sur la signature d’un contrat de travail d’une durée maximale de 18 mois en Suisse, après une formation de 60h dispensée en Tunisie par des spécialistes locaux. Il s’agit en effet de leur expliquer notre propre culture d’entreprise et de les sensibiliser à nos pratiques.
Les contrats de droit suisse peuvent aussi être fractionnés dans le temps. Ils se basent sur une immersion totale en entreprise. Les jeunes qui en bénéficient doivent passer par l’obtention d’un permis L et une phase de recrutement classique. Ils ne peuvent pas facilement changer d’emploi en cours de route.
Swisscontact assure les relations avec les entreprises du domaine, qui sont appelées à engager une jeune main-d’œuvre très bien formée. « Nous avons été épatés par leur niveau, explique Stéphane Genoud, professeur à la Haute école de Suisse occidentale (HES-SO). Et la Tunisie s’est fixée des objectifs ambitieux en matière de photovoltaïque : à savoir assurer le 30 % de sa production totale d’électricité d’ici 2030. La seule richesse de ce pays d’Afrique du Nord réside dans ses jeunes et dans la formation. Avec l’optique d’en faire profiter leur pays d’origine ou ailleurs.
Les intervenants de ce programme relativisent aussi le choc des cultures que pourraient vivre les Tunisiens en Suisse. Tout au plus notre pays peut leur fournir l’art d’installer du solaire sur des toits en pente au lieu des surfaces plates dont ils ont l’habitude. »Il s’agit d’un vrai enrichissement et d’un échange de compétences absolument fructueux », conclut Stéphane Genoud.