Le béton ultra-performant dessine l’avenir des ponts autoroutiers
L’été a été chaud sur les autoroutes romandes. Les équipes déployées par l’Office fédéral des routes n’ont pas chômé. Les travaux les plus spectaculaires ont eu lieu sur l’arc lémanique avec la pose notamment d’un nouveau viaduc près de Bursins. Construit en bordure d’autoroute et transporté d’une seule pièce, le pont en béton fibré à ultra-hautes performances a été déplacé en quelques heures. Une première !
Crédit image: Photodrone.pro, Pedro Gutiérrez
L’ouvrage de 380 t a été transporté et mis en place par quatre chariots SPMT (Self-Propelled Modular Transporters). Ces véhicules munis chacun d’une douzaine de roues propulsées par autant de moteurs, sont équipés de puissants vérins.
Dans la nuit du 16 au 17 juillet dernier, l’autoroute A1 a été fermée entre Gland et Rolle entre 22 h et 5 h du matin. Une interruption de trafic d’à peine 7 heures qui a suffi pour déployer et installer un pont routier au-dessus les quatre voies rapides. Ce chantier choc a généré un minimum d’impact pour les nombreux usagers du tronçon Lausanne-Genève. Mais a demandé une préparation à long terme particulièrement pointue.
Tout a démarré en janvier 2019, lors d’un essai de fixation de filets de protection de ce passage, qui constitue l’accès principal au centre d’entretien de Bursins et à la gendarmerie. Et là, mauvaise surprise, un état de dégradation très avancé est constaté. L’ouvrage d’origine, construit en 1963 lors de la réalisation du tronçon Genève-Lausanne, n’avait jamais fait l’objet d’un assainissement important ou d’un renforcement.
L’Office fédéral des routes (OFROU) interdit immédiatement la circulation sur le pont. Entre février et avril 2019, une étude des variantes de remplacement du pont est élaborée. Finalement, l’OFROU décide de procéder à la démolition de l’ouvrage et à son remplacement par une structure métallique provisoire avant la période hivernale, pour pouvoir faciliter le trafic aux véhicules du centre d’entretien de Bursins chargé des interventions en hiver.
Cette passerelle transitoire a vécu près de cinq ans. L’ouvrage, d’une portée de 62 m pour un poids total de 220 t a été enlevé dans la nuit du 13 mars 2024, au cours d’une opération spéciale qui a constitué une première en Suisse. Le pont métallique a été pris en charge par quatre chariots SPMT (Self-Propelled Modular Transporters) qui ont permis son ripage sur environ 80 m en moins de deux heures. Un succès qui ne demandait qu’à être répété pour la pose du viaduc définitif.
Crédit image: Photodrone.pro, Pedro Gutiérrez
Il n’a fallu qu’une nuit pour poser cet ouvrage de 42 m sur ses piles.
Le nouveau pont en question présente plusieurs particularités. Il a notamment été construit en deux mois à côté de l’autoroute dans l’aire du centre d’entretien des routes. Cette proximité novatrice, qui est appelée à se répéter, présente de nombreux avantages : une emprise au sol moindre et surtout un impact fortement réduit sur le trafic autoroutier lors de l’installation. Autre particularité, l’ouvrage a été coulé avec du CFUP, ce composite cimentaire fibré ultra-performant nécessite 30 % de matière en moins, pour des performances meilleures que les bétons traditionnels. Il doit s’avérer plus résistant et plus léger : 380 t au lieu de 500 t. Et la durée de vie est estimée à un siècle, soit deux fois plus qu’un ouvrage en béton standard. Last but not least : le projet estimé quelque six millions est 20 à 30 % moins cher.
Matériau
d’avenir testé et approuvé
Les premières applications du CFUP en Suisse pour la maintenance des ponts
routiers datent de 2004 et sont de plus en plus nombreuses en raison de la
performance supérieure de ce matériau, de l’évolution des techniques de
fabrication et de leur mise en œuvre. Il a notamment été mis en œuvre lors de
la réfection spectaculaire du viaduc de Chillon. Le CFUP est également appelé
BFUP, Béton fibré à ultra-hautes performances, une dénomination provenant du
brevetage français.
Crédit image: Photodrone.pro, Pedro Gutiérrez
Construit en deux mois à proximité immédiate de l’autoroute, l’ouvrage d’art a été coulé avec du CFUP (composite cimentaire fibré ultra-performant). Ce béton nécessite 30 % de matière en moins, pour des performances meilleures que les bétons traditionnels.
La compacité très élevée et l'absence de pores capillaires communicants garantissent la très grande durabilité du CFUP, quelles que soient les conditions climatiques. En effet, l'eau ne peut pas pénétrer dans le CFUP de l'extérieur. Ainsi, les mécanismes de dégradation inhérents au béton armé, tels que la corrosion de l'acier d'armature, les réactions chimiques comme la réaction alcali-agrégats ou les dommages dus au gel, ne peuvent pas se produire dans ce matériau.
Finalisé cet
automne
Finalement après une longue préparation, les quatre chariots SPMT, munis chacun
d’une douzaine de roues propulsées par autant de moteurs, sont à nouveau entrés
en action mi-juillet. Avec leurs puissants vérins, ils ont soulevé, puis
déplacé et mettre en place, sur les piles métalliques, le nouveau viaduc de 42
mètres de long.
D’ultimes travaux de fixation et de remise en état du terrain ont encore lieu actuellement. L’ouverture au trafic est prévue au mois d’octobre.