La Suisse romande vue du ciel pour les générations de demain

Les images aériennes prises par des drones ont fait irruption dans notre monde d’images depuis quelques années. Et modifié notre manière d’envisager le territoire. Le monde de la construction n’y est pas resté insensible. Des professionnels du pilotage et de l’image se sont emparés de ce marché. Parmi eux Pedro  Gutiérrez, un passionné qui allie sens artistique et professionnalisme minutieux.

Crédit image: Photodrone.pro

Non, il ne s’agit pas du dernier palais en construction d’un oligarque russe. Ces tours et cette forteresse de béton sont le futur complexe Ilot Sud qui se dresse devant la gare de Morges.

Quand les machines cessent de tourner, que le silence enveloppe les chantiers, un vrombissement doux et entêtant retentit. Haut dans le ciel, un point noir virevolte, s’arrête, pivote. Le ballet du drone est hypnotique, une chorégraphie parfaitement maîtrisée…

Un peu à l’écart, discret, Pedro Gutiérrez est concentré sur son vol qu’il dirige du bout des doigts avec les joysticks de sa console de contrôle. Chef d’orchestre silencieux, il dirige l’appareil en trois dimensions, joue avec l’objectif de la caméra,  modifie son obturateur, invente des angles de vue, des mouvements de caméra.

Quand le drone se pose enfin, que les hélices s’immobilisent, le pilote-caméraman se relâche, sourit : « Même si j’ai pas mal d’heures de pilotage, c’est stressant, on n’est jamais à l’abri d’un accident, d’une mouette qui  attaque, d’un avion ou d’un hélico qui vole trop bas. Et si, en zone urbaine, un drone de 10 kilos venait à tomber, cela pourrait avoir des conséquences dramatiques. Mon job, c’est bien sûr de ramener de belles images, mais c’est aussi de minimiser tous les risques. »

Crédit image: Photodrone.pro

A Malley, le chantier de la Vaudoise Aréna devrait inaugurer sa piscine et plongeoir olympiques en fin d’année.

Des photos signées Photodrone.pro – la  société fondée par Pedro Gutiérrez –, pour sûr que vous en avez déjà vu et qu’elles  ont retenu votre attention. Ne serait-ce que dans Batimag. Il suffit de se rappeler, entre autres, des images spectaculaires de la passerelle du Rayon Vert et de la gare de Renens ou du Palais de Beaulieu à Lausanne.

Des instantanés d’une précision chirurgicale qui en disent souvent plus long que de longs discours sur le chantier concerné. Mais surtout des clichés de toute beauté. Contraintes légales Aujourd’hui, tout le monde ou presque peut s’improviser pilote de drone et photographe amateur. Sympa pour poster sur Facebook ou impressionner les amis sur WhatsApp, mais rien à voir avec le travail des pros. « Sans même parler de la qualité photographique, explique Pedro Gutiérrez, il faut quand même être conscient qu’on ne peut pas faire n’importe quoi comme  on veut. A Genève, entre l’aéroport et les quartiers des ambassades ou de l’ONU, les interdictions sont légion. A Lausanne, il faut des autorisations de l’aérodrome de la Blécherette et de la police. D’ailleurs, sur Vaud, j’annonce tous mes vols à la gendarmerie. Et puis, pour les vols de nuit, je contacte systématiquement la REGA pour qu’ils sachent où je suis et quand. »

La qualité a un prix
En 2015, rien ne semblait prédestiner le fringant quinquagénaire, comptable de profession, à se lancer dans la prise de vue aérienne. Et pourtant, quand il a goûté à son premier appareil – un DJI Phantom1 -  ça a été le coup de foudre : «  Il n’y avait pas de caméra incorporée, on fixait juste une GoPro. On n’avait pas de retour image, on se contentait de shooter à l’aveugle. Je n’étais pas photographe de formation, mais cela m’a toujours plu. Ça aurait pu rester un hobby, mais tant qu’à le faire autant le faire bien, en professionnel. Et je suis tout de suite parti avec du matériel de qualité. »

Cinq ans après, des milliers de vols et de clichés plus tard, Pedro Gutiérrez s’est fait sa place en Suisse romande. Il a investi au fil des ans plus de 100'000 francs en matériel : plusieurs drones, des caméras pros qui peuvent filmer en 6K, des appareils plein format et des objectifs d’une précision redoutable. «  La qualité est à ce prix, confesse le pilote. Il faut du bon matériel et beaucoup de temps consacré à voler, à prendre des images, à les traiter sur ordinateur. » Désormais, les photos RAW et les logiciels de retouche photo ou vidéo n’ont plus de secrets pour lui. Il jongle avec les balances de couleur comme d’autres avec les rendez-vous de chantier.

Des maîtres d’ouvrage privés et publics, des entreprises générales comme Implenia ont fait appel aux services de Photodrone. pro. La société a également fourni ses services pour des vidéos publicitaires, un making of de film et des courts-métrages.

Archives pour le futur
Passionné, le pilote-photographe a du talent et aucun chantier ou édifice emblématique de Suisse romande n’échappe à son œil aiguisé. Le regard qui suit en permanence son drone, il ne réalise pourtant pas forcément l’impact de son travail. En effet, l’air de rien, il est en train de dresser un catalogue impressionnant de la construction et du bâtiment de ce début  de millénaire en Suisse romande. Des archives pour le futur que les générations à venir ne se lasseront pas de découvrir et redécouvrir en pixels ou sur papier.