Capteurs solaires, eaux usées et glace pour créer de la chaleur
Il est aisé de produire du chauffage et de l’eau chaude à partir d’énergies renouvelables, que ce soit avec des pompes à chaleur qui utilisent la géothermie, voire le différentiel de température avec l’air ambiant, ou encore avec des réseaux à distance. Cependant, ces techniques ne sont pas toujours dispo nibles. Dans ce cas, il est possible d’introduire un système innovant qui combine la chaleur des capteurs solaires et celle des eaux usées avec un stockage temporaire dans un réservoir de glace.
Crédit image: Benedikt Vogel
Weltpostpark se compose de trois immeubles résidentiels d’une surface brute de plancher de 19 800 m² et d’une surface de référence énergétique de 14 500 m². Sous la banquette circulaire se trouve un des quatre accumulateurs de glace.
L’organisation faîtière des entreprises postales dans le monde, l’Union postale universelle, a son siège à l’est de la ville de Berne. Dans son voisinage direct, le lotissement Weltpostpark a été construit récemment et se compose de trois immeubles résidentiels, occupés depuis 2020. A la demande du maître d’ouvrage, les 170 appartements répondent au standard d’efficacité énergétique « Minergie eco », et le complexe a été réalisé en tant que « Site 2000 watts ». Ce label est le garant d’exigences élevées en matière de durabilité des bâtiments de logement et de mobilité de leurs occupants.
Atteindre ces objectifs a représenté un défi de taille pour les planificateurs énergétiques. En effet, de nombreux systèmes énergétiques courants n’entraient pas en ligne de compte pour ce complexe. La nappe phréatique, par exemple, n’était pas suffisante pour produire de la chaleur à l’aide de pompes à chaleur et sa présence rendait impossible la pose de sondes géothermiques.
Pour sa part, l’utilisation de l’air ambiant comme source d’énergie pour des pompes à chaleur aurait entraîné une consommation d’électricité beaucoup trop élevée ; sans compter les oppositions qui auraient été soulevées par les résidents en raison des émissions sonores prévisibles. Le chauffage au bois a également été écarté, car il aurait eu un impact sur l’air plus important que celui autorisé par le plan directeur de l’énergie. Quant au chauffage à distance, il n’est tout simplement pas disponible dans le quartier et ne le sera pas avant longtemps.
La glace
absorbe la chaleur
Beat Nussbaumer, qui s’est occupé du projet pour l’entreprise de planification
eicher + pauli, a dû trouver une autre solution : « Pour atteindre la norme
‹Site 2000 watts›, nous avons étudié plusieurs systèmes, dont des pompes à
chaleur air-eau, associées à des chaudières à gaz ou à pellets pour couvrir les
pics de consommation. Seul le système de pompes à chaleur utilisant des
capteurs solaires et les eaux usées comme sources de chaleur a permis
d’atteindre les objectifs recherchés. » L’accumulateur de glace est quant à lui
utilisé pour stocker la chaleur.
Crédit image: Weiskopf et partenaires
Le chauffage et l’eau chaude proviennent de pompes à chaleur qui utilisent trois sources énergétiques : les capteurs solaires non vitrés sur les toits, un accumulateur de glace et les eaux usées de chaque bâtiment, collectées dans un réservoir.
« L’utilisation de la chaleur solaire et des eaux usées, combinée à un accumulateur de glace, poursuit Beat Nussbaumer, donne un système énergétique qui fournit avec fiabilité du chauffage et de l’eau chaude aux maisons d’une zone urbaine densément construite. Et cela quelle que soit la saison. » Comme les pompes à chaleur fonctionnent avec de l’électricité hydraulique certifiée, l’approvisionnement en chaleur est donc 100 % renouvelable.
Fiable et
rentable
L’entreprise eicher + pauli ne s’est pas contentée de planifier le système
énergétique. Dans le cadre d’un projet pilote et de démonstration financé par
l’OFEN, elle l’a soumis à un monitoring constant et à une optimisation de
l’exploitation au cours des deux dernières années. Cette analyse a permis de
confirmer la fiabilité et la rentabilité du système. « Notre étude montre que
la technologie de l’accumulateur de glace nécessite des investissements
légèrement plus élevés que l’installation d’une pompe à chaleur à sonde
géothermique. Mais elle peut être exploitée de manière presque aussi rentable
grâce à sa grande efficacité », constate le rapport final du projet. Le
coefficient de performance annuel (COP) est d’environ 4,5 et atteint ainsi à
peu près l’efficacité des pompes à chaleur saumure-eau.
Le système énergétique du lotissement Weltpostpark ne dispose d’aucune redondance, car, en cas de givrage complet, aucune énergie supplémentaire ne peut être prélevée sur le réservoir. De tels systèmes doivent donc être conçus avec le plus grand soin. Lors de la planification, une attention particulière doit être accordée au comportement des utilisateurs. En raison de ce « Performance Gap », le prélèvement de chaleur pour le chauffage et l’eau chaude peut varier massivement et entraîner parfois des besoins énergétiques nettement plus élevés que ceux initialement prévus. Autre défi à relever : si la neige recouvre durablement les panneaux solaires, l’accumulateur de glace ne peut temporairement pas être régénéré par ces derniers.
Une simulation
démontre le risque de pénurie
Pour éviter un
sous-dimensionnement du système de chauffage, les planificateurs énergétiques
ont effectué une simulation dynamique (Polysun). Elle a montré qu’un système
énergétique composé de capteurs solaires et d’un accumulateur de glace ne
permet pas, à lui seul, d’assurer avec fiabilité les besoins en chaleur des
trois bâtiments d’habitation. C’est pourquoi les concepteurs ont opté pour une
approche innovante : ils ont complété le système énergétique par un système de
récupération de la chaleur des eaux usées. Ils ont voulu ainsi s’assurer qu’un
éventuel écart de performance serait absorbé et qu’une exploitation durable est
possible. L’occasion aussi d’acquérir de l’expérience avec cette interaction
entre divers composants de chauffage, jusqu’ici inédite en Suisse. En principe,
le champ de capteurs solaires et l’accumulateur de glace auraient pu être
agrandis pour augmenter leurs performances. « Mais cela aurait été plus coûteux
que l’utilisation de la chaleur des eaux usées », souligne Beat Nussbaumer.
Crédit image: Benedikt Vogel
Les capteurs solaires – ici lors de leur montage – ont été placés sur les toitures des trois immeubles du lotissement Weltpostpark à Berne.
Le recours à la simulation Polysun a été nécessaire pour les planificateurs énergétiques, car le fournisseur du système de chauffage n’avait pas divulgué la conception de son ensemble. Dans ce contexte, les auteurs du rapport final recommandent une amélioration des aides à la planification : « En lançant et en promouvant des outils de planification et de simulation neutres, la phase 2 du projet SIA doit permettre une conception plus rapide des systèmes. Dans la mesure du possible, l’application doit être intégrée dans des programmes de simulation établis. »
La chaleur des
eaux usées indispensable
La décision d’intégrer la chaleur des eaux usées s’est avérée insuffisante dans
le bâtiment B du lotissement. En effet, pour des raisons de construction, seul
un tiers des eaux usées peut y être utilisé pour fournir de la chaleur. Du
coup, les besoins en chaleur de l’édifice n’ont pas pu être entièrement
couverts pendant la saison froide. Une centrale de chauffage mobile
fonctionnant au fioul a été utilisée temporairement et une pompe à chaleur
air-eau a été ajoutée ultérieurement.
Pour éviter de telles corrections, il est indispensable que les composants soient conçus de manière transparente et accessible. Il est souhaitable que les fournisseurs de systèmes mettent à disposition tous les composants, y compris la garantie du système, le système de gestion intelligent et le savoir-faire en matière d’exploitation. Les paramètres de conception ainsi que le dimensionnement devraient être publiés de manière compréhensible. Cette transparence est une condition importante pour encourager la diffusion des systèmes de chauffage avec accumulateur de glace.
Freecooling en
été
Un système de gestion intelligente est également nécessaire pour pouvoir
utiliser l’installation de manière optimale pendant les mois de forte chaleur.
En effet, à cette période de l’année, l’installation fonctionne en mode
freecooling. Les tubes du chauffage au sol sont parcourus par de l’eau froide
provenant de l’accumulateur de glace, ce qui permet d'évacuer la chaleur
estivale accumulée dans les logements. Pour que l’énergie de refroidissement
nécessaire soit disponible dans l’accumulateur de glace, une réserve de glace a
été constituée de manière ciblée à partir du mois de mars, par prélèvement de
chaleur. Au terme du monitoring, les experts en énergie ont conclu que la
constitution de la réserve de glace devrait avoir lieu un mois plus tard –
c’est-à-dire en avril au lieu de mars – afin de disposer d’une meilleure
réserve de chaleur.