Schenk habille de liège sa future Cité du Vin à Rolle
L’automne est le temps des vendanges. C’était aussi le moment choisi, début septembre, par la Maison Schenk pour donner le premier coup de pioche de son futur site de production à Rolle (VD). Sur La Côte, un chai exceptionnel est en train de naître avec cinq bâtiments en bois, recouverts de panneaux de liège. Et pour une fois, le label écoresponsable n’est pas usurpé !
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Les cinq bâtiments en bois suivent la topographie du terrain et organisent les caves de manière rationnelle.
La transformation du site de production de la Maison Schenk à Rolle anime les conversations locales depuis bientôt treize ans. Il faut dire que le projet est de taille. Initier l’une des plus belles caves d’Europe est en effet l’ambition assumée de la société vaudoise. Mais pas seulement. La Cité du Vin va au-delà. Elle est appelée à transformer, améliorer et valoriser tout le quartier de la gare.
Plus petit,
plus proche, plus juste
Investir pour durer est la ligne directrice annoncée par le Groupe Schenk à
l’occasion du premier coup de pioche début septembre. Après avoir imaginé en
2014 un projet colossal, l’entreprise familiale a revu ses priorités. En
faisant le choix d’un projet architectural redimensionné, la société fait le
pari de la proximité et de la juste taille. Inutile d’avoir un outil
gigantesque, alors qu’elle possède déjà des sites de production décentralisés,
implantés en Lavaux, dans le Chablais et en Valais, au plus proche des vignes
et de la matière première.
« Etre gros, être grand, n’a plus aucune importance aujourd’hui. Ce qui compte, c’est être juste : pour notre filière, pour nos employés, pour l’environnement et pour les consommateurs qui attendent aujourd’hui de nous que nous prenions nos responsabilités. Cela fait maintenant plus de cinq ans que nous travaillons à cette feuille de route et nous sommes très heureux de donner ce premier coup de pioche à Rolle », affirme François Schenk, administrateur et actionnaire de Schenk SA.
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Les façades seront recouvertes de plaques de liège de 1 m × 0,5 m et 18 cm d’épaisseur.
Le projet de chai écoresponsable est mené dans un souci obsessionnel de performance durable, ce qui sous-entend de limiter au maximum le superflu, l’à-peu-près, le non-essentiel. Sa conception en a été confiée à l’architecte genevois, Jean-Frédéric Luscher.
L’homme est aussi discret que talentueux. Loin du clinquant de certains architectes stars qui habillent avec tapage leurs réalisations, cet amoureux de la terre et des vins cultive le minimalisme dans la conception, la simplicité des matériaux et une efficacité de l’ordre de l’épure. Associé chez Herzog & de Meuron, il a conçu les chais ultramodernes du domaine Dominus à Napa Valley en Californie. Le bâtiment aux gabions remplis de basalte local est deve-nu une des références de l’architecture contemporaine. Les roches basaltiques, jamais utilisées auparavant dans de telles constructions, s’avèrent une parfaite isolation naturelle contre les températures extrêmes de la vallée.
Au fil des ans, Jean-Frédéric Luscher a œuvré dans les plus beaux et prestigieux vignobles : à Stellenbosch en Afrique du Sud, à Mercurey en Bourgogne, à La Livinière et Narbonne en Languedoc, à Château La Fleur-Pétrus dans le Bordelais. Il était temps qu’il puisse mettre son talent à l’épreuve pour une grande maison suisse.
L’architecte aime faire corps avec la terre qu’il doit mettre en valeur et que la structure épouse imperceptiblement le paysage. A Rolle, son projet de chai s’est imposé naturellement par le terrain à disposition, ses courbes et ses pentes. « C’est ce qu’il y a de merveilleux quand on envisage nos constructions dans le respect du territoire et non l’inverse, explique-t-il. La vendange sera déposée au nord-est de la parcelle, au sommet du lopin. Puis par la simple force de la gravitation terrestre, les raisins tomberont dans les presses. Cette méthode gravitaire est peu énergivore et très res-pectueuse des vins. Le moût, puis le vin, coulera avec des pompages doux dans les cuves, un gage de qualité supplémentaire. »
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Discrète et parfaitement intégrée, la future Cité du Vin prend le parti de la juste taille. Bien proportionnée aux besoins des hommes et de leur terroir.
La plupart des grandes caves en Suisse ont généralement un plancher à niveau. Ce qui implique que la vendange est déposée dans une fosse, puis repompée – avec force énergie – plus haut pour être vinifiée. A Rolle, rien de tout cela. L’idée est de profiter de la déclivité de la parcelle qui est de quelque 16 m. Toutes les étapes de la vinification les unes après les autres suivent la pente naturelle pour finir avec la distribution et le départ des camions de livraison au point sud-ouest, le plus bas.
Enveloppe de
liège
Le projet architectural est pour sa part chargé de symboles. Les cinq bâtiments
en bois organisent les caves de manière rationnelle et offrent un dialogue,
sous le même toit, avec tous les métiers du vin : vinification et bureaux, mise
en bouteille et logistique… La charpente aux portées de 24 m fera la part belle
à l’épicéa vaudois. Quant aux façades, elles seront recouvertes de panneaux en
liège. Un matériau low-tech aux qualités d’isolation remarquables, un produit
naturel, étanche, résistant, phono absorbant, recyclable et biodégradable à
l’envi.
« On ne peut pas rêver matériau plus beau et émouvant, s’exclame Jean-Frédéric Luscher. C’est le symbole même du vin et de la pérennité. Pour planter un arbre, en prendre soin pendant des dizaines d’années, puis récolter le liège, il faut penser des générations à l’avance. C’est le cas du groupe portugais Amorim qui est depuis plus de 150 ans le leader mondial de la production de liège. »
Les façades de Schenk seront recouvertes de plaques de liège de 1 m × 0,5 m et 18 cm d’épaisseur. Une matière qui inexorablement changera de teinte, s’éclaircira dans un premier temps, puis foncera au fil des ans et des saisons. Et si un panneau en liège vient à être abimé, rien de plus simple pour le remplacer.
Du low-tech au BIM
dernière génération
Pour travailler de la manière la plus rationnelle et efficace possible, les
concepteurs de la Cité du Vin n’ont pas hésité à faire le saut du BIM. Un choix
ambitieux, car autant la structure du projet semble simple, autant la
technologie associée à la vinification est complexe, hautement automatisée.
C’est ainsi que le maître d’ouvrage s’est fixé pour objectif non seulement de
développer le projet en BIM et de réunir tous les partenaires autour de la
maquette numérique, mais il veut aller jusque dans les derniers retranchements
du BIM en l’utilisant également pour le management et la maintenance.
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Les bâtiments qui composent ce chai exceptionnel privilégient les matériaux locaux, comme l’épicéa vaudois.
Le concept énergétique, lui aussi, est extrêmement ambitieux et affichera zéro combustible fossile. La chaleur liée au processus de vinification sera en effet récupérée. Quant au pompage des eaux du lac, il permettra un échange thermique chaud-froid permanent. Tout cela demande bien sûr de l’énergie électrique, elle sera assurée par plus de 2500 m2 de panneaux photovoltaïques posés sur les toitures végétalisées. Et comme rien ne se perdra, les déchets organiques (rafles de grappes, marcs de presse) seront envoyés dans une installation mutualisée de méthanisation. A l’arrivée, pas moins de 700 t de CO2 par an seront économisées !
Volet
immobilier complémentaire
Le chai sera donc, on le devine, producteur d’énergie. Le surplus sera
réinjecté dans le projet immobilier de Cité du Vin qui verra le jour à
proximité de la gare. Ce volet d'habitations, en symbiose avec les caves
Schenk, est développé par l’entreprise Halter. Le plan de ce quartier mixte
prévoit notamment 360 logements et l’arrivée de 560 nouveaux habitants.