Restauré, le Villars Palace invite à un voyage dans le temps
Symbole imposant de la station des Alpes vaudoises, le Villars Palace trône au-dessus de la gare avec vue imparable sur les montagnes. Décati, privé de clients, l’établissement centenaire était pourtant abandonné à son sort… jusqu’à ce que des passionnés lui offrent un nouveau souffle. Au terme d’une longue et minutieuse rénovation, le Palace s’est réinventé. Désormais le voyage est intérieur à la découverte d’œuvres d’art, de bien-être et de sérénité.
Crédit image: Jean-A. Luque
Construit en 1913, l’hôtel n’en finissait plus de se dégrader. Heureusement, sa réhabilitation est désormais achevée.
On ne voit que lui. Dès qu’on emprunte les premiers lacets qui mènent vers la station, il est là. Dans le paysage majestueux de forêts et de sommets, il trône tel un cap, un phare. Il est vrai que sa masse imposante et l’éclat de sa façade attirent tous les regards, aimantent les visiteurs. Pas étonnant qu’on l’ait surnommé le Paquebot des Alpes. Décidément, le Villars Palace invite à larguer les amarres et au voyage.
Voyage dans le temps d’abord. L’emplacement privilégié, au cœur de Villars, a d’abord accueilli l’hôtel du Grand Muveran au XIXe siècle, puis sur ces bases est né le Villars Palace en 1913. Un établissement qui rompt avec les traditions hôtelières de l’époque. Fini les hôtels type chalet avec toit à deux pans et pignons. Le bois n’est plus le principal matériau, remplacé par la maçonnerie traditionnelle. Désormais, pour accueillir les touristes en nombre, il faut des bâtiments aux dimensions considérables.
En 120 ans d’existence, le Villars Palace va connaître d’innombrables constructions et démolitions, rénovations et lourdes restaurations. Bien des avanies aussi. En bout de course, presque abandonné après avoir été Club Med pendant un demi-siècle, les murs ont été repris par deux riches amoureux de la région : Marco Dunand et Jérôme de Meyer. Commence alors une nouvelle aventure : la renaissance de ce complexe historique.
Sublimer la
mémoire
Ce voyage de reconstruction, le duo d’entrepreneurs le mène de concert avec
notamment deux hommes complémentaires : Denis Glatz, l’architecte attaché à la
pierre et son histoire, et Ottavio Di Chio, l’architecte d’intérieur, poète de
la mise en scène. Le premier a pris le temps d’apprivoiser les murs pour
comprendre le bâtiment, garder les traces de la mémoire, mais aussi le
moderniser et le pérenniser. Le second l’a sublimé en imaginant un agencement
sur mesure des sols aux luminaires, des boiseries au mobilier, du design
général à la déco la plus discrète.
Crédit image: Jean-A.- Luque
Dans le hall d’accueil, les meubles ont des lignes basses pour s’inscrire sous l’horizon.
« Malgré ses apparences fastueuses, précise d’emblée Denis Glatz du bureau nyonnais glatz & delachaux, le Villars Palace a été construit à toute allure et n’était pas de très grande qualité. Imaginez-vous que sa mise à l’enquête a eu lieu en mai 1912 et qu’il a été inauguré en décembre 1913. Quand nous l’avons découvert, il était en fin de course avec des petites chambres très standards et des salles de bain quelconques. La philosophie du Club Med qui avait mené la dernière restauration dans les années 90 était que le client ne devait pas rester plus de 30 minutes dans sa chambre en journée, il devait participer à un maximum d’activités. Et puis, on a eu quelques mauvaises surprises : certaines rénovations antérieures se résumaient à deux couches de peinture, derrière c’était tout et n’importe quoi. »
Le chantier de résurrection du bâtiment et ses 17 000 m2 a duré quelque trois ans. En 2019, un gros travail a été effectué sur les façades pour rétablir leur lustre d’antan : l’enveloppe a été entièrement refaite, les fenêtres historiques ont été restaurées, des verres isolants y ont été intégrés, un gros travail de menuiserie a aussi été effectué. « Ces interventions se voient peu, elles sont discrètes, indique Denis Glatz, mais elles ont redonné de l’éclat à l’édifice. Les balcons étaient très brun-rouge, nous avons joué avec les boiseries pour accentuer une teinte plus cuivrée. »
Un concept feu a également été mis en place pour remettre l’hôtel en conformité avec les normes actuelles. Cela a également permis de simplifier la façade en éliminant les excroissances disgracieuses qu’étaient les escaliers extérieurs.
2020 a vu le chantier des chambres démarrer. Un vrai casse-tête. Que faire des 250 chambres initiales ? « Nous avons étudié quantité de variantes, avoue l’architecte. Finalement nous sommes arrivés à un compromis avec plus ou moins 130 clés. Les chambres toutes petites ont été réunies, nous avons agrandi les salles de bain. Au 4e étage, des pièces ont été ouvertes et combinées pour offrir des suites » Trois chambres ont été restaurées dans leur typologie et décoration d’entre-deux-guerres. Témoins d’un glorieux et désuet passé.
Le bâtiment
impose ses conditions
Restait encore à s’attaquer au chantier des communs, à revoir les flux et accès
dans un complexe aux allures d’Overlook – l'inquiétant hôtel du film Shining.
« C’est le bâtiment qui a dicté ce qui était faisable ou pas, détaille Denis
Glatz. Nous avons essayé de déplacer la réception, en vain. Après moult
réflexions, elle a retrouvé sa place initiale. Mais la principale difficulté
était l’accès au théâtre. Il a fallu procéder à de grosses interventions, car
les murs étaient en piteux état. Aujourd’hui, même si le cheminement est un peu
alambiqué et n’a pas l’élégance des enfilades qui mènent aux chambres ou à la
rôtisserie, il est quand même plaisant et fluide. »
Une fois toutes ces traces de la mémoire de l’hôtel préservées, l’architecte d’intérieur Ottavio Di Chio, associé et directeur artistique d’Iconia Group, est entré en scène dès l’automne 2020. « Notre vision a été d’interpréter le Palace comme un voyage, s’exclame-t-il. Nous sommes juste au-dessus de la gare et des trains. C’est donc l’occasion rêvée de proposer un monde de voyages : culturel, qu’il s’agisse de la région ou de continents lointains, gastro-nomique aussi ou plus intérieur avec une invitation à la sérénité en prenant soin de son corps dans un paysage exceptionnel. »
Crédit image: Jean-A. Luque
Le travail de restauration et de réinvention du Villars Palace est remarquable. Les boiseries ont été rénovées, mais déstructurées et réinterprétées.
Ce panorama qui s’ouvre plein sud, plein soleil, est omniprésent. Le Villars Palace s’offre pour toile de maître les Alpes avec pour joyau les Dents du Midi. « La montagne est notre décor, notre écrin poursuit Ottavio Di Chio. C’est pour ça que j’ai voulu jouer avec la transparence. Ici pas de rideaux ni de tentures. Dans le lobby, les meubles aux couleurs sobres ont des lignes basses, s’inscrivent sous l’horizon. Nous ne voulons pas interférer avec la nature, avec la vue. Il est impossible de surpasser ce cadre alpestre, alors à l’intérieur pas besoin d’en rajouter et de la jouer grand chalet rustique. »
Simple.
Fonctionnel. Accueillant
Avec discrétion, les codes du luxe contemporain sont réinterprétés tout en
sobriété et bon goût. Pas de marbre m’as-tu-vu. Peu de cuir ostentatoire. Pas
de technologie à outrance non plus. Au Villars Palace, tout est simple,
fonctionnel, accueillant. Le lobby a gardé son sol d’origine. Même poli avec
soin, il garde quelques taches d’usage. Gages d’authenticité. Les boiseries ont
été rénovées, mais déstructurées et réinterprétées. Les tissus des fauteuils et
canapés sont discrets et harmonieux. Aux murs des mosaïques d’époque récupérées
se marient avec des papiers peints phonoabsorbants, légèrement structurés.
Aucune faute de goût. Les couleurs sont parfaitement en accord avec les
moulures.
Riche de son passé, le Villars Palace se veut une parenthèse hors du temps avec des pièces historiques magnifiquement réinterprétées. Et cela commence dès le lobby imposant avec sa hauteur de plafond de 8 mètres, ses chandeliers en fer forgé et son esprit presque art nouveau. Cela se poursuit avec la « Ball room », l’ancienne salle de fête. Ottavio Di Chio est particulièrement fier du résultat : « Nous en avons fait l’espace petit déjeuner avec un agencement modulable. L’espace cuisine ouvert est entièrement nouveau, agrémenté des mosaïques de l’entrée que nous avons réutilisées. Nous avons aussi récupéré et rénové les lustres d’origine. Une marqueterie de 2,7 m de diamètre avec 11 essences de bois trône au centre du parquet. Tout ce travail de restauration et de mise en valeur a été réalisé par des artisans spécialisés transalpins et des entreprises locales. »
Des pièces d’exception, l’établissement en regorge. Pêle-mêle on peut citer, le théâtre historique le plus ancien des Alpes (1895), une pièce plus contemporaine, quasi industrielle, prévue pour accueillir des expositions, un spa et un fitness ultramoderne… Dans cet univers bien-être, une pièce-couloir dite La Grotte retient tout particulièrement l’attention. Baigné dans une ambiance enveloppante, le court-métrage poétique AMA de l’apnéiste-danseuse-réalisatrice Julie Gauthier y est projeté contre un mur de pierre. Emotion garantie avec ces images en apesanteur et les notes de piano d'Ezio Bosso.
Et puis, il y a aussi le bar aux codes plus luxueux avec ses canapés Chesterfield, son univers zéro plastique et ses murs à la gloire sportive et people de Villars. On y découvre, entre autres trésors, le casque de Jackie Stewart souvent venu assister à la mythique course de côte Ollon-Villars, mais aussi les riches heures du club de hockey local et bien sûr les souvenirs de ski des médaillés olympiques de la station.
Magie lumineuse
Pour mettre en lumière tous ces univers qui habitent l’immense bâtisse, Ottavio
Di Chio a installé pas moins de 2800 points lumineux dans les communs et 1940
autres supplémentaires dans les chambres. Toujours avec des luminaires
contemporains exceptionnels de beauté et au rayonnement soigneusement étudié,
car le Villars Palace se veut aussi galerie d’art (voir encadré).
Le Villars Palace 5 étoiles supérieur est la pièce maîtresse du Villars Alpine Resort qui se compose de deux autres établissements hôteliers : le 4 étoiles Victoria Hotel & Résidence et le Villars Lodge, équivalent 2 étoiles. L’ensemble propose pas moins de 332 chambres, une demi-douzaine de bars et restaurants et onze salles de séminaire.
Les maîtres d’ouvrage ont imaginé le développement de leur complexe autour de trois piliers : l’hôtellerie, mais aussi l’éducation et la durabilité. En ce qui concerne l’éducation, les deux associés ont ouvert la Villars Palace Academy, et mis en place un partenariat avec l’Ecole hôtelière de Lausanne, qui doit permettre à des étudiants de suivre une formation en emploi.
La démarche de durabilité est un travail de longue haleine. Le Palace a été isolé au mieux en toiture, équipé de fenêtres double vitrage. Le plastique jetable y est entièrement banni et la politique de recyclage se veut ambitieuse. En ce qui concerne l’énergie renouvelable, elle est très partiellement fournie par des panneaux photovoltaïques sur les balcons du Victoria. Il est vrai qu’à Villars tout le monde attend le chauffage à distance alimenté par les forêts locales.