Les Minoteries genevoises orientées vers le renouvelable
La renaissance du quartier des Minoteries, un ensemble de logements sociaux des années soixante, propriété de la Ville de Genève, est sans conteste l’une des rénovations les plus exemplaires de Suisse romande. Son architecture d’origine a été conservée et mise en valeur ; la consommation de l’ensemble des bâtiments est aujourd’hui constituée à 100 % d’énergie renouvelable et zéro émission ; et la vie sociale du quartier a été sensiblement améliorée.
Crédit image: Architectes Itten+Brechbühl SA - Photographe Fernando Guerra, Lisbonne
Même rénovés, les bâtiments des Minoteries ont conservé leur caractère typique des constructions des années 1970 en Suisse.
Le nouveau quartier des Minoteries a sensiblement amélioré la vie sociale des habitants du quartier en redéfinissant les accès, en gommant le sentiment d’insécurité dans les passages ouverts à la lumière et en proposant des espaces communs de qualité. Les locataires ont d’ailleurs été impliqués dès le départ dans le processus de rénovation et ont grandement participé à sa réussite.
Délimité par ll’Arve, la rue de Carouge et la rue des Battoirs, le quartier des Minoteries tient son appellation de l’activité meunière qui s’y est développée depuis le XVIIIe siècle. En 1970, la Ville de Genève avait mandaté le bureau d’architecture Honegger pour y élaborer un vaste projet de construction afin de répondre à la pénurie de logements.
Construit entre 1971 et 1976, le quartier des Minoteries s’étend sur une parcelle de forme irrégulière de près de 6000 m², délimitée par la rue de Carouge, relativement passante, et la rue des Minoteries, entièrement piétonne. Près de 800 personnes y vivent aujourd’hui, réparties dans 329 logements.
Respect
architectural du concept originel
L’ensemble constitue une des plus importantes réalisations immobilières de la
Ville de Genève et comprend sept immeubles de logements organisés en deux
barres coudées parallèles aux rues. Les deux barres sont reliées par une
galette centrale où un passage public donne accès aux différents équipements
publics et crée une connexion entre la rue de Carouge et la rue des Minoteries.
Quelques décennies après sa conception, il était grand temps de rénover ce quartier populaire. A la suite à un appel d’offres de la Ville de Genève remporté en 2010 et après quatre ans de chantier, le bureau Itten+Brechbühl SA a mené à bien cette renaissance en 2021. Le complexe a été rénové dans le plus grand respect du langage architectural originel. Il était en effet très important de garder en référence le concept originel des intentions urbaines, architecturales et constructives de l’ensemble et d’éviter un changement radical.
Le projet de rénovation s’est focalisé sur deux axes principaux : créer une nouvelle enveloppe thermique performante et offrir un meilleur confort et qualité de vie aux habitants. Il fallait également s’assurer que l’intervention sur l’enveloppe du bâtiment ne nécessite pas de travaux à l’intérieur des appartements. En effet, les appartements ont toujours été occupés pendant les travaux.
Crédit image: Architectes Itten+Brechbühl SA - Photographe Fernando Guerra, Lisbonne
Le nouveau quartier des Minoteries a sensiblement amélioré la vie sociale de ses habitants.
Même si les façades présentaient une dégradation avancée causée par la carbonatation du béton, le projet de rénovation ne prévoyait pas de modifier les anciens éléments en béton de la façade existante. Afin d’obtenir une unité thermique du bâtiment, la solution retenue a consisté à isoler ce dernier avec une isolation extérieure de 30 cm en continu, fermer les balcons avec un double vitrage et de larges ouvrants, et remplacer bien sûr l’ensemble des fenêtres existantes avec des fenêtres et des vitrages performants.
Couleurs
typiques des seventies
Les façades sont revêtues de plaques de fibre de ciment gris clair légèrement
texturées et changeantes selon la lumière, renforcées de fibres de verre, en
référence à la fabrication originelle des bâtiments construits en béton
préfabriqué par les frères Honegger en 1974.
Les balcons d’origine présentaient des problèmes importants tant du point de vue de l’isolation thermique qu’au niveau de la physique du bâtiment. Le parti pris a été d’envelopper complètement les bâtiments en simplifiant leur géométrie, comme pour les balcons rentrants, afin de s’assurer de n’avoir aucun pont froid. Le décrochage de la balustrade des balcons et maintenu et est protégé avec un vitrage fixe. Les balcons fermés avec des vitres deviennent donc des loggias. Ces espaces tampons entre le dedans et le dehors augmentent sensiblement la surface des appartements, notamment en agrandissant certaines petites cuisines ou en gagnant un nouvel espace de vie.
Afin de conserver le caractère animé de la façade, des protections solaires en toiles ont été disposées sur les zones « balcon ». Ces toiles, référence aux constructions des années 1970 en Suisse, tamisent de couleurs chaudes (orange / jaune) la lumière à l’intérieur des appartements.
Les fenêtres, toutes remplacées avec un triple vitrage, se lisent comme des bandes horizontales continues. Les références historiques des bâtiments sont ainsi réinterprétées dans un langage à la fois contemporain et durable.
Dans les appartements, les salles de bain, les gaines techniques et la ventilation ont été intégralement refaites. Dans l’immeuble des Minoteries 3, occupé principalement par des personnes à mobilité réduite, les salles de bains ont été aménagées avec des équipements spécialisés : des douches à l’italienne, plus larges et sans seuil, ont notamment été créées et les portes et accessoires adaptés.
Crédit image: Architectes Itten+Brechbühl SA - Photographe Fernando Guerra, Lisbonne
Les enfants n’ont pas été oubliés. La crèche en attique a été agrandie, elle compte désormais 80 places d’accueil, répondant aux normes les plus pointues en matière de confort et de sécurité et de performance énergétique.
A l’origine, la galette entre les deux bâtiments offrait un espace tampon intermédiaire entre une échelle urbaine et domestique. Les espaces publics comme la bibliothèque municipale, l’espace de location de disques, le club de tennis de table ou encore l’école primaire devaient offrir un espace de rencontre aux habitants. Les passages devaient assurer une liaison efficace entre la rue des Minoteries et la rue de Carouge, et faciliter également l’accès aux espaces extérieurs. Malheureusement, ces différentes relations spatiales ne fonctionnaient pas. D’un espace de passage, la galette s’est réduite au fil du temps à un espace occupé en permanence, provoquant des problèmes de sécurité, d’hygiène, d’orientation et de non-respect des lieux publics.
Le nouveau concept architectural a conservé les qualités intrinsèques de cet espace, tout en offrant une nouvelle qualité de vie. Les accès ont été ouverts à la lumière du jour avec la démolition de la toiture du passage. Les entrées aux espaces communs ont été déplacées pour être encore plus visibles et accueillantes. Enfin, le passage de liaison entre la rue des Minoteries et la rue de Carouge a été clarifié. De plus, cette ouverture permet aux habitants des Minoteries d’être toujours en interconnexion selon où ils se trouvent. Les habitants des logements ont en effet la vue dégagée côté cour et sur les activités qui s’y développent.
Toiture
végétalisée
La toiture a été renforcée pour accueillir une végétalisation intensive et
extensive et s’intégrer parfaitement au paysage végétal environnant. Même si
elle reste inaccessible, elle contribue à la qualité visuelle des appartements
orientés sur la cour et participe à combattre l’îlot de chaleur.
La bibliothèque et de l’espace des aînés ont été repensés. L’intervention a permis de redéfinir des accès plus conviviaux et aux normes pour les personnes à mobilité réduite, d’agrandir les surfaces, d’améliorer les équipements (cuisine, vestiaires, locaux de rangements). Le choix s’est porté sur une isolation thermique extérieure. Cette nouvelle couche est complètement vitrée afin d’apporter plus de lumière dans les espaces et d’amplifier au maximum une interactivité sociale grâce à la transparence de ces façades.
Inaugurée en 1977, la bibliothèque municipale des Minoteries jouit aujourd’hui d’un espace supplémentaire aménagé dans l’ancien patio central, accessible aux beaux jours. L’ajout d’une charpente métallique vitrée et protégée par une pergola optimise le confort estival des usagers. Cette pergola est constituée de lamelles dimensionnées et positionnées afin d’assurer un ombrage en période estivale lorsque le soleil est au zénith. Les anciens puits de lumière ont été convertis en exutoires et les fenêtres protégées par des grilles pare-pluie et anti-intrusion permettant de laisser celles-ci ouvertes en tout temps.
Les entrées des bâtiments ont également été modifiées afin de faciliter l’accès aux personnes à mobilité réduite. Les anciens locaux poubelles ont été transformés en buanderies, situées auparavant dans les sous-sols. Des écopoints ont été créés en extérieur aux deux extrémités stratégiques du quartier.
Durant les travaux, la crèche des Minoteries a maintenu son activité en plaçant temporairement les enfants dans les structures d’accueil voisines, en fonction des disponibilités. Rénovée et agrandie, elle compte désormais 80 places d’accueil, répondant aux normes les plus pointues en matière de confort et de sécurité et de performance énergétique.
L’école a aussi fait l’objet d’une rénovation des trois salles de classe, de la salle de rythmique, de la salle des maîtres et de l’infirmerie avec réfection des peintures, remplacement des installations techniques, de la cuisine, des sanitaires, du sol et du faux-plafond et réaménagement complet du préau.
Le défi
énergétique au centre de la rénovation
L’enjeu majeur de ce chantier concernait bien sûr le volet énergétique. En
effet, les Minoteries faisaient partie des immeubles les plus énergivores de la
ville. L’objectif de l'assainissement était de décrocher un certificat Minergie
et le label HPE Haute performance énergétique. Les enjeux énergétiques et
environnementaux ont été pris en compte conformément à la stratégie générale
« 100 % renouvelable en 2050 » adoptée par la Ville de Genève. Les actions ont
permis l’isolation complète des bâtiments, la réfection des toitures avec la
pose d’éléments thermiques et photovoltaïques et l’optimisation des
installations techniques. Les deux bâtiments sont aujourd’hui complètement
indépendants des énergies fossiles.
500 000 litres
de mazout économisés chaque année
Les travaux effectués permettent d’atteindre complètement les objectifs de la
stratégie. Les besoins en chaleur ont été réduits de 80 % (de 4180 MWh à
902 MWh par an). Les besoins énergétiques sont couverts grâce à une solution
« 100 % renouvelable », utilisant la chaleur des eaux usées, via deux pompes à
chaleur et une installation solaire thermique pour la production d’eau chaude
sanitaire. L’électricité nécessaire au fonctionnement de la pompe à chaleur est
produite via une installation solaire photovoltaïque. A l’arrivée, pas moins de
500 000 litres de mazout annuels sont économisés, soit 1515 tonnes de CO2.
Les toitures des deux bâtiments principaux sont équipées d’une centaine de capteurs solaires thermiques pour la production d’eau chaude sanitaire du site, avec une surface totale brute de 834 m2. Cette installation doit permettre une couverture de 31% des besoins en eau chaude sanitaire avec une production de 177 MWh / an de chaleur. Le complément de chaleur est fourni par les pompes à chaleur en cas de besoin.
Afin de compenser l’électricité nécessaire au fonctionnement des pompes à cha-leur, une centrale solaire photovoltaïque d’une puissance d’environ 354 kWp et couvrant une surface de près de 1887 m2 a été construite. Cette installation est composée de panneaux photovoltaïques disposés sur la pergola comme brise-soleil, ainsi que de panneaux hybrides apportés sur les monoblocs de ventilation.
L’ensemble des panneaux produit environ 350 MWh / an d’électricité (dont 100 MWh /an utilisés pour les compresseurs des pompes à chaleur) soit au total l’équivalent de 150 % des besoins en énergie électrique dédiée au chauffage et à la production d’eau chaude.
Récupération de
chaleur maximale
Le site est équipé de systèmes de ventilation à double flux avec récupération
de chaleur à haut rendement (93,5 %), sans système de post-chauffage. Seule la
chaleur de l’air évacué sert au chauffage de l’air de compensation.
Le traitement et la distribution de l’air sont effectués sur chaque immeuble par un monobloc de 10 000 m³/h, équipé d’un double récupérateur de chaleur à plaques. La compensation de l’air repris est effectuée par pulsion dans les chambres et le séjour. L’air de compensation est acheminé par une gaine de pulsion principale située dans l’ancienne colonne dévaloir inutilisée. A chaque étage, l’air de pulsion est distribué dans chaque appartement par des gaines dans le corridor. Dans l’appartement, l’air neuf est distribué par des diffuseurs encastrés dans les faux plafonds