Le Tribunal Fédéral serre le frein
Le Tribunal fédéral (TF) a jugé que l'initiative de Franz Weber était applicable dès la date du scrutin et a reconnu la qualité pour recourir à l'association Helvetia Nostra.
Dans cette décision qui fera jurisprudence, la Haute Cour a accepté le recours de voisins d'un terrain où des promoteurs espéraient construire des appartements de vacances. Il a annulé un feu vert d'une commune grisonne confirmé par le Tribunal administratif cantonal.
Pour les juges de la Ière Cour de droit public du TF, le texte de l'initiative acceptée par le peuple et les cantons est suffisamment clair pour être directement applicable avant l'adoption d'une législation d'exécution par les Chambres fédérales.
"La notion de résidence secondaire n'est pas un alien", a notamment déclaré le président de la Cour, le juge Jean Fonjallaz. De même, le plafonnement du nombre de résidences secondaires ne peut donner lieu à des interprétations divergentes. "Il s'agit d'une limite sévère mais claire", a déclaré le juge Jean Fonjallaz.
Message explicite
Les permis de construire délivrés après la votation mais avant le 1er janvier 2013 sont annulables. En revanche, ceux qui ont été octroyés après sont nuls, ainsi que le prévoit la disposition transitoire applicable.
Dans la foulée, le Tribunal fédéral a reconnu à Helvetia Nostra la qualité pour recourir contre les permis de construire des résidences secondaires. Il a désavoué la justice grisonne et la justice valaisanne qui lui avaient refusé tout droit de recours.
A une majorité de quatre juges contre un, la Ière Cour de droit public du TF a considéré que la protection de la nature et du paysage englobe la préservation des communes visées par l'initiative de Franz Weber. Pour les juges majoritaires, il s'agit d'une tâche de droit fédéral. L'association Helvetia Nostra doit par conséquent bénéficier du droit de recours accordé aux associations par la législation fédérale sur la protection de la nature et du paysage.
2000 procédures
Depuis la votation de mars 2012, Helvetia Nostra a ouvert plus de 2000 procédures, essentiellement dans les cantons du Valais, des Grisons, de Vaud et de Berne. Déboutée devant les instances cantonales, l'association a déposé ces derniers mois une pluie de recours au TF. Près de 240 dossiers sont encore pendants.
Déception générale chez les acteurs économiques concernés
La décision du TF est une catastrophe, estime l'ancien conseiller national valaisan et actuel président d'Anniviers (VS) Simon Epiney. Tout un secteur économique risque la paralysie immédiate. "Plus qu'une douche froide, cette décision est incompréhensible", a déclaré Simon Epiney.
L'incompréhension et la déception dominent en Valais. Mais tout n'a pas été éclairci avec cet arrêt qui s'écarte du point de vue partagé par une majorité de professeurs de droit, de l'ordonnance fédérale transitoire ainsi que des jugements de plusieurs tribunaux cantonaux, ont affirmé le conseiller d'Etat valaisan Jean-Michel Cina et quelques-uns de ses homologues des cantons de montagne.
S'il veut attendre l'argumentaire et les considérants de Mon Repos, le Valaisan estime cependant que le TF n'a pas levé tous les doutes ni clarifié tous les points, qui devront l'être dans la législation. Le canton entend aussi tout mettre en oeuvre pour que l'existant ne soit pas concerné par l'initiative.
A l'exception du Tessin, où les autorités estiment que les conséquences ne sont finalement pas si graves, limitées en fait à des projets de construction dans deux régions, avec une cinquantaine de recours, tous les autres cantons de montagne accueillent la décision du TF d'une volée de bois vert. Le ministre UDC bernois Christoph Neuhaus est le plus extrême.
Il parle carrément d'une "journée noire pour l'économie bernoise, le tourisme et les propriétaires concernés". Cette décision s'apparente de fait à une expropriation pour certaines personnes, a-t-il dit à l'ats.
Citant des estimations des préfectures du canton de Berne, M. Neuhaus affirme qu'un volume d'investissements dans le domaine de la construction de près d'un demi-milliard de francs est bloqué. Un montant désormais perdu.
Secrétaire général de la Conférence des gouvernements des cantons de montagne, Fadri Ramming constate que les régions touristiques des cantons qu'il représente ressentiront les conséquences plus vite que si les projets faisant l'objet de recours avaient encore pu être réalisés. Et plus on se rapproche du terrain, plus les inquiétudes croissent et prennent forme. (com)
Nouvelle liste des communes dépassant le quota de 20%
L'Office fédéral du développement territorial (ARE) a publié une liste actualisée des communes comptant plus de 20% de résidences secondaires. Trente ont pu être écartées après avoir prouvé que leur part de résidences secondaires était sous le seuil fatidique.
Parmi ces communes figurent entre autres Begnins (VD), Villeneuve (VD), Châtel-St-Denis (FR), Estavayer-le-Lac (FR), Collex-Bossy (GE), Saxon (VS), Ried-Brigue (VS) ou Locarno (TI). Une vingtaine d'autres requêtes sont en cours d'examen. L'ARE prévoit de mettre à jour sa liste cet automne.
Les communes qui figurent dans l'ordonnance adoptée à la suite de l'initiative Weber acceptée en mars 2012 ne peuvent plus autoriser de nouvelles résidences secondaires à moins d'assurer que les futurs bâtiments seront exploités pour l'hébergement touristique, soit pour des "lits chauds".
500’000 résidences secondaires en Suisse
Il y a environ 500’000 résidences secondaires en Suisse. En chiffres absolus, le canton du Valais en a le plus, avec 62'000 propriétés qui ne sont que partiellement occupées, suivi des Grisons (48'000), de Berne (45'000) et de Vaud (43'000).
Les cantons avec la plus forte proportion de maisons de vacances sont les Grisons (37%), le Valais (36%), le Tessin (24%) et Obwald (22%).
La part des résidences secondaires dépasse 20% dans 573 communes, et même 80% dans celles de St Luc (82.8%) et Grimentz (81.8%) en Valais et dans celle de Laax (80.9%) aux Grisons.
La plupart de ces propriétés ne sont pas exploitées à des fins commerciales dans les régions touristiques et sont occupées en moyenne 30 à 40 jours par an. (Source: Are)