Le théâtre lausannois de Beaulieu brille de mille feux
Préserver le patrimoine exceptionnel du Théâtre de Beaulieu, tout en le modernisant afin qu’il réponde aux besoins et aux normes actuels, tel a été le défi relevé dans cette rénovation spectaculaire. Tel un phénix, le Théâtre de Beaulieu vient de renaître plus beau que jamais.
Crédit image: Jean-A. Luque
Lorsqu’il a été inauguré en 1954, presque 2000 personnes pouvaient prendre place dans la salle. Aujourd’hui, magnifié et modernisé, le théâtre de Beaulieu reste le plus grand de Suisse même s’il ne peut plus accueillir « que » 1623 spectateurs.
Ces trois dernières années, l’esplanade de Beaulieu, à Lausanne, a offert des visions d’Acropole. Dominant la ville, les imposantes colonnes nues de son aile sud se donnaient des airs de Parthénon néoclassique. Il est vrai qu’il ne restait plus de l’édifice éventré qu’un exosquelette de béton abritant en son cœur la coque centrale du théâtre. Tombée en désuétude, la prestigieuse salle de spectacle avait un urgent besoin d’être rénovée. C’est désormais chose faite.
Une entrée digne de son nom Début septembre, le public a pu pénétrer dans l’enceinte pour assister à un premier spectacle et découvrir la nouvelle scène réhabilitée, plus moderne et performante, plus accueillante et confortable. Le Théâtre de Beaulieu, qui a reçu les plus grands artistes de passage à Lausanne, est entièrement réaménagé sans pour autant toucher à son identité historique. La disposition des sièges, la scène, les foyers d’accueil et de distribution ont été redessinés et repensés.
L’entrée est désormais logique et se fait de face par le parvis sud du Palais de Beaulieu. Jusqu’à présent, les spectateurs entraient par l’espace central du complexe pour ensuite monter latéralement quelques marches intérieures vers le théâtre.
Crédit image: Jean-A. Luque
Le lustre a été préservé et restauré. Il est surtout magnifiquement mis en valeur par la courbure du plafond qui cache discrètement éclairage et technique.
« Notre but, c’était de conserver l’identité du lieu, insiste l’architecte responsable Serge Fehlmann. En fait, nous avons surtout voulu simplifier les visions et le dispositif d’entrée avec un projet très structurant et des définitions claires des espaces et de la circulation. Désormais, l’accès est évident et s’ouvre sur le foyer qui s’élève sur trois niveaux. Au rez-de-chaussée se trouve l’accueil, un comptoir qui fait face à l’entrée. Deux grands escaliers majestueux mènent latéralement aux étages supérieurs, premier balcon puis poulailler. »
Scène remise à
plat
La scène, elle aussi, a été entièrement refaite, ainsi que la partie logistique
de l’arrière-scène, monte-charge
compris. Le plateau original était en
légère pente, ce qui n’était pas sans poser parfois des problèmes aux danseurs,
entre autres du Béjart Ballet Lausanne.
Désormais, les planches sont parfaitement plates. La majeure partie des efforts
a été consacrée au bien-être des spectateurs. Amélioration visuelle avec une
scène rabaissée de 20 cm, passant de 1,3 m à 1,1 m de hauteur, et une pente du
parterre modifiée. Confort aussi : les fauteuils encore et toujours rouges sont
beaucoup plus enveloppants, la distance entre les rangées a été augmentée. La
courbure et les rayons des rangées ont également été totalement revus. Quant aux
balcons réputés particulièrement inconfortables, fini l’impression d’être dans un
siège d’avion low-cost. Le gradinage a lui aussi été remodelé.
Travail
d’orfèvre pour le lustre
Le faux plafond et la toiture ont également été retouchés. Cette dernière a
notamment été surélevée pour des questions de sécurité et d’accessibilité. Mais
les spectateurs ne s’en doutent pas. Pour garder le cachet de la salle et
conserver une belle qualité acoustique, les placages en bois des murs ont été
conservés, après avoir été déposés et rénovés. Il en va de même du spectaculaire
lustre central qui non seulement a été préservé, mais surtout remis en valeur grâce
à un plafond de toute beauté. Celui-ci est composé de milliers de lamelles qui
lui donnent l’apparence d’une onde gracieuse. Aussi belle à regarder
qu’efficace en termes d’acoustique.
Réverbération
électronique
Si le Théâtre de Beaulieu avait mauvaise réputation pour son acoustique sèche,
étouffant toute ampleur symphonique, ce n’est désormais plus qu’un mauvais
souvenir grâce aux revêtements du plafond et de la scène. Idéalement, il aurait
fallu rehausser encore davantage le faux plafond. Impossible. Qu’à cela ne tienne,
un système de réverbération électronique en temps réel permet de compenser les
deux mètres manquants. Tous les aménagements apportés ont eu un impact sur la
capacité d’accueil de la salle. Celui qui a été, avec ses 1926 places, le plus grand
théâtre de Suisse lorsqu’il fut inauguré en 1954 a subi une cure d’amaigrissement
et passe désormais à 1623 fauteuils. Il est même possible de moduler l’espace à
disposition grâce à un système de rideaux qui permet d’occulter le balcon et
donne au parterre une typologie de salle de congrès de 1000 places.
Un vrai
patchwork
Refaire un édifice public âgé de plus de 65 ans est, on s’en doute, compliqué
et délicat. Au cours des décennies, il a connu moult retouches. En fait, avant rénovation, le complexe
ressemblait pour ainsi dire à un patchwork de pièces ajoutées plus disparates les
unes que les autres, et qui ne figuraient pas forcément sur des plans. Au
niveau de la technique, des liaisons transitaient dans l’aile sud alors qu’elles alimentaient l’espace
central du Palais de Beaulieu.
« On s’est retrouvé devant presque un siècle d’histoire de la construction, s’amuse Serge Fehlmann. On a trouvé de tout, des dalles à hourdis, des piliers béton avec du bois à l’intérieur… Sans parler des problèmes de faux niveaux. »
Crédit image: Jean-A. Luque
L’entrée du théâtre est désormais logique et se fait de face par le parvis sud du Palais de Beaulieu. Un hall chaleureux, illuminé d’étoiles, accueille les spectateurs. Des escaliers latéraux mènent à la salle de spectacle.
Le bâtiment a été remis aux normes de mise en conformité. Le désenfumage a été particulièrement difficile à intégrer. Tout le tour de scène a dû être refait. Les couloirs ont notamment été élargis au détriment de certains sièges, afin de faciliter l’évacuation des spectateurs en cas de danger. Mais le résultat est impressionnant. Les simulations de désenfumage et d’évacuation montrent que huit minutes suffisent à vider la salle !
Guest star
inattendue
Le chantier avait démarré tambour battant en 2019. Les travaux préparatoires
avaient débuté en mai, avant même la fin de la
saison artistique qui proposait des événements jusqu’à début juillet. La
déconstruction s’était poursuivie dans la foulée, mi-juillet, et s’était
achevée fin 2019. Le bétonnage avait pris le relais et Induni avait commencé le
gros œuvre avec des éléments de structure, des semelles de fondation, les cages
d’escalier. Des micropieux avaient été utilisés pour consolider et
renforcer la structure. Et puis... le
coronavirus est apparu, arrêtant les
chantiers, bloquant les travaux,
bouleversant les calendriers. Le lever de rideau inaugural a finalement eu lieu
avec une année de retard.
Tribunal et
restaurant en sus
Outre le théâtre,
le restaurant adjacent, rebaptisé Quintino, a été entièrement redessiné. Il propose
130 couverts avec une terrasse en extérieur et des baies vitrées généreuses sur
toute la hauteur. Le coût de rénovation de l’ensemble s’élève à quelque 43
millions de francs. A cela il faut ajouter plus ou moins la même somme pour le siège
du Tribunal arbitral du sport (TAS). En effet, l’institution a fait
l’acquisition des étages supérieurs qui dominent l’Avenue des Bergières. Au
total : 6100 m² de surfaces sur deux niveaux plus un attique, sans oublier au
premier sous-sol un parking privé de 36 places.