Le château d’Hauteville transformé en campus universitaire sur les hauts de Vevey
Véritable bijou du patrimoine vaudois, le château d'Hauteville, sur les hauteurs de Vevey, vient de connaître une transformation spectaculaire et particulièrement respectueuse de sa splendeur d’antan. L’Université américaine Pepperdine l’a rénové à grands frais pour en faire son plus important campus hors des Etats-Unis. Depuis le début de cet été, les premiers étudiants ont intégré cet écrin prestigieux adapté aux besoins et aux normes modernes.
Crédit image: Jean-A. Luque
Les travaux se sont surtout employés à redonner au manoir son lustre originel.
La vue sur le Léman et les Alpes est imprenable. Quant au château qui surplombe Vevey, c’est un petit joyau architectural du XVIIIͤͤе siècle qui présente notamment une remarquable façade peinte à la main, sans compter une variété de salles, de halls, de salons, une cour pavée majestueuse et des jardins à la française. Le tout sur un domaine de plus de 36 hectares qui se compose de vignobles, vergers, forêts et allées bordées d'arbres.
Pas étonnant que les Américains si friands de pierres anciennes et d’authenticité soient tombés amoureux des lieux. Pour l’Université américaine Pepperdine, établissement chrétien de référence dans l'enseignement supérieur, le château d’Hauteville se devait de devenir son campus le plus important hors des Etats-Unis. C’est désormais chose faite.
Crédit image: Jean-A. Luque
Les décors peints recouvrent quelque 500 m² de façades. Selon les murs, les degrés de retouche ont été différents. 6 à 7 couches d’enduits et de peinture en silicate successives ont été nécessaires pour mener à bien ce minutieux travail de restauration. Le résultat parle de lui-même!
Après avoir acheté la propriété en 2019, pour plusieurs dizaines de millions de francs, le maître d’ouvrage s’est lancé dans de grandes manœuvres de restauration. Pour l’aider dans cette tâche gigantesque, il s’est attaché les services du bureau glatz–delachaux architectes associés, une référence incontestée. D’autant plus que le domaine est classé monument historique de niveau 1 dans sa totalité.
Comme un grand
chantier d’état
Avant d'entamer les travaux de rénovation, il a fallu mener une étude
approfondie de l'architecture et de l'histoire du château d'Hauteville.
L'objectif était de préserver l'intégrité de la structure originale tout en
mettant en valeur les éléments caractéristiques des différentes époques. Les
architectes et les historiens de l'art ont travaillé main dans la main pour
identifier les parties du château nécessitant une attention particulière.
« Ce chantier a été mené en équipe comme un grand chantier d’état, insiste l’architecte Nicolas Delachaux. Il s’est agi d’une opération de sauvegarde patrimoniale qui a mobilisé, à l’échelle du canton et de la Confédération, des commissions technique et scientifique, mais aussi quantité de spécialistes : historiens, archéologues ou encore spécialistes des matériaux. Le bâtiment a été analysé et étudié en détail. Nous avons aussi eu la chance de bénéficier d’un fonds d’archives exceptionnel avec des plans historiques très anciens. » Et d’ajouter avec enthousiasme : « La motivation principale du projet était de maintenir un équilibre entre l'histoire et la modernité. Tout ce que nous avons entrepris ici vise à la préservation du monument et au bien-être des étudiants. »
Crédit image: Jean-A. Luque
La caractéristique principale du château d‘Hauteville réside dans ses façades en trompe-l’œil. Bien que restaurées une première fois il y a plus de 110 ans, elles ont souffert de leur exposition constante au soleil, à la pluie et aux vents.
L'une des étapes cruciales du chantier, ouvert de mai 2020 à cet été, a été la restauration des éléments authentiques. Les fresques murales, les plafonds voûtés, les moulures ornementales, témoins du riche passé du château, ont été minutieusement restaurés à l'aide de techniques traditionnelles. Le savoir-faire de nombreuses entreprises et artisans de la région a été particulièrement précieux afin de restituer l'éclat et la grandeur de ces éléments.
70 % du décor
sauvegardé
« Les 500 m² de façade en trompe-l’œil sont la grande spécificité de ce château
du XVIIIe, précise l’architecte. Certains éléments étaient très dégradés selon
leur exposition au soleil, à la pluie ou au vent. Certaines façades étaient
bosselées, souffraient de décollements. Au-delà de 4 à 5 cm, il était
impossible de conserver les décors. Nous avons procédé à un travail de
consolidation, injecté des mortiers liants. Selon les murs, les degrés de
retouche ont été différents. Nous avons mis 6 à 7 couches d’enduits et de
peinture successives, les mêmes peintures en silicate que lors de la restauration
précédente en 1912. Nous avons conservé tout ce qui était possible. 70 % du
décor aujourd’hui est sauvegardé ! »
Crédit image: Jean-A. Luque
Le Grand Salon, entièrement recouvert de peintures, est désormais une salle commune des étudiants.
Si la préservation du patrimoine était au cœur de la rénovation, les architectes n'ont pas pour autant négligé les besoins modernes de fonctionnalité et de confort. Des systèmes de chauffage, de refroidissement et de plomberie ont été discrètement intégrés dans la structure, garantissant ainsi que le château puisse accueillir ses visiteurs dans des conditions optimales. Dans la mesure du possible, toute la technique a été insérée dans les corps creux et les vides de l’édifice.
Entre tradition
et innovation
Trouver l'équilibre entre la préservation de la tradition et l'intégration de
solutions innovantes a été une préoccupation constante. Un défi relevé haut la
main. Déambuler dans les corridors au sol inégal, découvrir des chambres à la
structure d’un autre temps ou admirer les peintures mirifiques du Grand Salon
(employé comme salle commune par les étudiants) en sachant que les cheminées
d’époque sont encore opérationnelles s’apparente à un véritable voyage dans le
temps.
Un passé qui se marie à la modernité avec un raffinement jamais ostentatoire. Les luminaires contemporains épousent parfaitement l’ancien ; les tablettes de lit se fixent au cadre des lits ; dans l’ancienne salle à manger qui sert de salle de classe, un écran ainsi qu’un beamer ont été discrètement disposés. Même la cage d’ascenseur – obligatoire pour répondre aux besoins des personnes à mobilité réduite – s’insère avec élégance dans le décor.
Recyclage
maximal des matériaux
Désormais, le campus est équipé d’un CAD, un système de chauffage centralisé à
plaquettes de bois. Et des tuiles photovoltaïques recouvrent des constructions
annexes. Cette sensibilité environnementale a été constante tout au cours des
travaux. Le chantier, exemplaire en termes d’environnement, s’est caractérisé
par une réutilisation maximale. Aucun matériau d’excavation n’a été jeté ; tout
a été employé pour les encaissements, voies de circulation ou chemins. Même les
logements aménagés au-dessus des écuries sont facilement démontables et
réversibles.
Crédit image: Jean-A. Luque
De la cave restaurée aux combles aménagés, les espaces sont tous plus beaux les uns que les autres et respirent le temps passé.
Si le cadre est magnifique et que des matériaux nobles ont été utilisés (pierre de Molière, pavés de Guber, bois des forêts de la propriété ou de Blonay – Saint-Légier), les conditions de vie des quelque 130 étudiants restent spartiates. Les chambres et dortoirs sont exigus et les salles de bain sont communes au bout du couloir.
La restauration
du château est quasi terminée. Elle a coûté 45 millions de francs, dont 6
millions ont été pris en charge par le canton (4,2 mio) et la Confédération
(1,8 mio). Reste encore à s’attaquer à la maison du jardinier, la piscine, le
petit temple d’Aura et l’aménagement des parcs. Fidèle à ses principes,
Pepperdine veut que tout le domaine passe à la culture biologique.