Le château d’Hauteville en mal d’acquéreur inspiré
Sur les hauts de Vevey, le château d’Hauteville, véritable joyau du patrimoine vaudois, est en vente et ne trouve pas d’acquéreur. L’Etat estime avoir fait sa parten protégeantle site.
Sur un site exceptionnel de 27 hectares avec une vue plongeante sur le Léman, entouré de prairies et d’un bois privé, traversé de ruisseaux, le château d’Hauteville incarne la magnificence de l’architecture du XVIII ème siècle. Une allée bordée d’arbres centenaires mène au château. Sur la façade, de riches décorsen trompe-l’œil de style Louis XVI et à l’intérieur, deux mille mètres carrés d’habitation, sans compter les caves, les combles, ni les dépendances. Le temps presse, l’édifice s’abîme, ses crépis s’effritent, ses héritiers veulent s’en débarrasser. Le prix de vente est fixé à 60millionset les frais de rénovation se montent également àdes dizaines de millions de francs, soit le double seulement de ce qu’a coûté, à quelques centaines de mètres de là, le Modern Times Hotel, dont l’architecture est loin de faire l’unanimité.
Les héritiers Grand d’Hauteville ont mis le château en vente il y a trois ans, après que la seconde épouse de leur père qui y avait un droit d’habitation, décède en janvier 2014. Ils pensent alors à l’Etat comme potentielacquéreur et l’invite à venir le visiter, prêtsà discuter du prix. «Pascal Broulis est venu, il nous a répondu que le canton de Vaud n’avait pas pour objectif d’acheter des châteaux, mise à part celui de Chillon. Qu’au contraire, ils cherchaient à vendre ceux qui leur appartenaient», regrette Philip Grand d’Hauteville, frère aîné de l’hoirie de trois enfants.
Tant de projets sont possibles dans un tel lieu
Né en 1938, Philip Grand d’Hauteville a habitéle château de septà vingt ans. Ses parents ayant divorcé alors qu’il avait 13 ans, il ne garde pas que de bons souvenirs du lieu et s’en séparerait donc sans déchirement. «Nous n’avons pas les moyens de le remettre en état, et puis ce qu’il faut pour ce château, c’est un projet: une école de musique, une clinique pour des séjours de remise en forme, une fondation qui y organiseraitdes conférences. Nous pensions que le château pourrait abriter un musée national comme à Prangins et que le parc devienne public. Mais Isabelle Chassot, qui dirige l’office fédéral de la culture, n’est pas intéressée. C’est pourtant l’une des trois plus bellesmaisons de Suisse, si ce n’est la plus belle!», affirme Philip Grand d’Hauteville. L’Etat prétend avoir fait sa part en protégeant le site: aucune construction ne viendra déprécier le parc, sa vue sur le lac et le massif du Chablais. Les monuments historiques veilleront à l’immutabilité du bâtiment, une contrainte supplémentaire.
Les monuments historiques statueront selon le projet présenté
La vente est confiéeà l’agence Riviera Properties à Vevey dont le directeur Michel Colatruglio, reste optimiste: «Bien sûr que nous réussirons à vendre Hauteville. Nous lui trouverons un destin!» Il présente le siteà deux catégories de personnes: celles qui ont envie d’y développer un projet hôtelier ou autre, et à des étrangers qui le voient comme un écrin. «Un tel château se trouve à mi-cheminentre une œuvre d’art et un lieu résidentiel», assure Michel Colatruglio. Mais de richissimes visiteurs qui, au lieu d’acheter un club de foot ou une entreprise voudraient investir dans la pierre pourraient-ils créer des appartements dans le château? Réponse : chaque projetconcret doit être présenté par les architectes auxmonuments historiques qui, pour l’instant, n’y ont pasencore été amenés.
L’Etat ne sauvera pas ses châteaux
En attendant de vendre le château, les héritiers ont organisé plusieurs ventes aux enchères et de précieuses pièces d’art et de mobilier ont ainsi été disséminées. Datant de 1790, les vastes pièces du château témoignent pourtant d’une riche histoire vaudoise. Pour laisser une trace, les héritiers ont fait don des archives au canton, et d’une soixantaine de portraits de famille au Musée national suisse de Prangins. Une centaine de jouets se sont retrouvés au Musée du jeu de la Tour-de-Peilz.Le reste est parti durant les ventes aux enchères et tout un pan de l’histoire a disparu à jamais.
Les investisseurs privés restent l’unique espoir
Lagestion du patrimoine vaudois a fait récemment l’objet d’une lettre ouverte à Pascal Broulis, ratifiée par plus de mille signataires. La mise en vente d’une vingtaine de cures historiques ne passe pas. Les collections d’Hauteville dispersées aux enchères non plus. Mais rien n’y change, l’Etat ne sauvera pas ses châteaux; il se tourne vers les investisseurs privés qui sauront changer leursaffectations.Les potentiels acheteurs viennent de loin. Le prix de 60millions pourra baisser : «L’important pour nous, c’est de le vendre», concèdent les propriétaires. Or, comme chacun sait, le château de l’Aile sur la place du marché àVevey n’arrivant pas à trouver acquéreur avait finalement été cédéà Bernd Grohe, riche industriel allemand, pour un franc symbolique contre 40 millions de rénovation à ses frais. Et à ce jour, le château fraîchement restauré est remis en vente ...