« Le baptême d’un écoquartier est un effet de mode »

Architecte du projet des Gouttes-d’Or à Neuchâtel, Julien Dubois privilégie une construction durable et écologique à l’obtention d’une certification environnementale quelconque. Le maître d’ouvrage abonde dans son sens en soulignant combien le contenu et la définition d’un écoquartier sont devenus complexes en une décennie.

Crédit image: Ville de Neuchâtel, Lucas Vuitel

Le site était occupé par une patinoire et une piscine publique. La pérennisation de l’hôtel Palafitte, construit pour l’Expo.02 au bord du lac, a déclenché sa reconversion.

Le terme d’écoquartier est inscrit dans le Larousse depuis 2011, mais ce qu’il représente exactement ne fait toujours pas l’objet d’une définition précise. Tout au plus est-il décrit comme « un ensemble construit prenant en compte les exigences du développement durable, notamment en ce qui concerne l’énergie, l’environnement et la vie sociale ». En fait, il s’agit plutôt d’un néologisme. A Lausanne, il a constitué un vecteur de communication bien commode pour justifier la construction de l’ensemble des Plaines-du-Loup, prévu pour 8000 habitants à terme. La promotion qui y est encore développée correspond cependant à ce que les futurs habitants vont trouver dans quelques années…

Crédit image: Julien Dubois Architectes

Le futur quartier revitalisera une friche urbaine laissée à l’abandon depuis des années, tout en améliorant l’accès à l’hôtel de luxe voisin.

Avec ses futures constructions en bois et en béton recyclé, ses aménagements paysagers et sa mixité sociale, le projet immobilier des Gouttes-d’Or, à l’est de Neuchâtel, répond idéalement aux critères d’un écoquartier. Pourtant, il n’est nullement fait mention explicite de cette qualification dans son contenu et sa promotion. Julien Dubois, son architecte, et Gabriel Winkler, président de Pilotage Gouttes d’Or SA – responsable du projet, s’en expliquent.

Julien Dubois et Gabriel Winkler, le projet Gouttes-d’Or de Neuchâtel n’est pas officiellement un écoquartier, même s’il répond aux critères….

Julien Dubois : Nous n’avons pas été mandatés pour cela, même si nous en avons parlé avec le maître d’ouvrage. Justement parce que ce terme est mal défini et qu’il peut représenter trop de choses. C’est davantage un effet de mode qu’un concept établi.

Gabriel Winkler : La qualification d’écoquartier s’est compliquée avec le temps. Nous avons préféré agir sur le contenu de ce que nous projetons de construire, avec les moyens qui sont les nôtres. Cela nous paraissait mieux correspondre à nos intentions. Nous n’avons pas privilégié la recherche à tout prix d’une certification quelconque.

L’exercice proposé à l’architecte n’est pas facile...

GW : Il a fallu optimiser l’occupation du sol par les bâtiments, dont le coefficient s’élève déjà à près de 1,5. Nous avons aussi poussé le concept énergétique de notre futur quartier jusqu’au bout. La mutualisation des activités communes (appartements en PPE, en régime coopératif ou avec encadrement pour seniors à la mobilité réduite, logements pour étudiants) qui seront proposées dans nos futurs bâtiments a aussi demandé un gros effort d’imagination. La Ville de Neuchâtel est aussi soucieuse d’accueillir un projet immobilier exemplaire.

Julien Dubois, votre travail vise plutôt à rechercher les solutions les plus adéquates aux souhaits des promoteurs et aux exigences techniques.

JD : Le résultat d’un écoquartier peut se révéler assez inefficace par rapport à ses intentions initiales. Par exemple, la nouvelle isolation des bâtiments, sa ventilation, le choix des matériaux doivent correspondre à un besoin, non à un label. Nous cherchons le bien-être des futurs habitants de ce que nous construisons tout en répondant à leurs attentes.

Le progrès des techniques du bâtiment peut aussi être contreproductif...

JD : C’est précisément ce que je souhaite éviter, dans l’intérêt de chacun. La construction écologique coûte encore cher, et nous tentons d’y remédier en revenant vers des procédés plus simples. Rien ne sert par exemple d’installer une ventilation double flux si un simple suffit. Je sens que la population, et en particulier les plus jeunes générations, est plus réceptive à la simplicité des modes constructifs.

La floraison des labels environnementaux ne tue-t-elle pas leur crédibilité ?

JD : On peut le penser. Je ne vise pas forcément la certification quand je construis un bien. Dans le cas des Gouttes-d’Or, nous voulons réaliser un quartier durable, mais surtout adapté à une population mixte.