10:53 PROJETS

La plus ambitieuse des tours de Malley repousse les limites

Écrit par: Jean-A Luque
Teaserbild-Quelle: Jean-A. Luque

85 m de hauteur, 27 étages, 1000 habitants. La Tilia Tower sera le plus haut édifice du quartier de la gare CFF de Prilly-Malley (VD). Mais son ambition ne s’arrête pas là. Le complexe parie sur des techniques innovantes pour atteindre les exigences environnementales les plus élevées. Quant à son ossature bois-béton, elle allie légèreté, performance et écodurabilité. On s’en doute, les contraintes constructives et sécuritaires pour allier le bois et le béton bas carboné sont un véritable défi. Quant au travail sur le chantier, il est rythmé par la livraison en flux tendu des matériaux et une préfabrication poussée au maximum.

Tour Tilia 1

Crédit image: Photodrone, Pedro Gutiérrez

La structure de la tour fait tout de même la part belle au béton dans ses fondations et ses assises, ainsi que les six premiers niveaux. Il en va de même pour le noyau traversant. Mais par souci d’écoresponsabilité, il est fait recours à du ciment bas-carbone et des granulats recyclés.

Bien sûr, il y a les tours en dur. Du béton, du verre, un peu de bois, beaucoup de photovoltaïque. Mais dans cet univers urbain et minéral qui entoure la gare de Prilly Malley, la parcelle qui accueillera la Tilia Tower va faire exception. Le complexe qui se distingue par le gratte-ciel le plus haut du quartier est le seul à apporter une touche de nature et de verdure. En effet, le projet se veut global avec une attention toute particulière à l’expression végétale de la place du Galicien, à l’ombre de son viaduc centenaire.

Selon Esteban Garcia, qui porte le projet à travers la société Insula SA, « Notre ensemble ne s‘appelle pas Tilia par hasard. Il fait référence au tilleul, l’arbre de vie autour duquel pendant des siècles les habitants de Prilly se sont réunis. Nous voulons un lieu vivant, entouré de 300 nouveaux arbres et arbustes pour offrir un vaste parc paysager favorisant la biodiversité. » Un lieu qui atténue les îlots de chaleur et qui bien sûr se veut convivial.

La tour fera 85 mètres de haut et pourra loger, dès 2026, quelque 1000 personnes dans 221 logements, allant du studio au 4,5 pièces, avec une majorité de 2,5 et de 3,5 pièces. « L’immeuble est dense avec un programme mixte regroupant logements et coworking, 250 m2 d’infrastructures sportives et 800 m2 dédiés à la restauration, décrit Esteban Garcia. Nous tenons vraiment à en faire un lieu vivant avec une réelle mixité sociale, regroupant familles, étudiants et seniors. Et puis, pour animer la tour, le lobby pourra s’organiser en salle de spectacle avec des gradins. Des concerts seront programmés avec des artistes confirmés ou des étudiants de l’EJMA, l’Ecole de jazz et de musique actuelle de Lausanne. Des studios de répétition et d’enregistrement sont également en planification. »

Volumes de hauteurs variables
Juste au-dessus du lobby, hautement insonorisé, les deux premiers étages disposeront d’un fitness et d’un espace de co-working. Du troisième au huitième niveau seront accueillies plusieurs dizaines d’unités de coliving, des espaces privés meublés et fonctionnels articulés autour de généreux espaces communs, notamment des cuisines tout équipées, le tout avec une offre de services digitaux et hôteliers. Finalement depuis le neuvième étage jusqu’au sommet on trouvera les 221 appartements prévus, dont 10 % seront des LUP (logements d’utilité publique) à loyer abordable. Pour marquer ces changements de programme, la tour et sa base sont fragmentées en plusieurs volumes de hauteurs variables qui bien sûr s’alignent aux bâtiments existants. Ces décalages et retraits créent au passage des terrasses naturelles.

Ouvert, mais intime
Le choix architectural s’est porté, au terme d’un concours international sur invitation, sur le projet des architectes danois 3XN et leur partenaire lausannois Itten + Brechbühl. Le gratte-ciel arbore une façade aux faux airs de ruche, avec des fenêtres et balcons rythmés par des panneaux de béton orientés en diagonale dans différentes directions. « Nous voulions un complexe qui ressemble plus à un bâtiment d’habitation qu’à une tour de bureaux, indique Aliénor Hippolyte, cheffe de projet chez Insula. Il s’agissait indéniablement du projet le plus cohérent. Nous avons particulièrement apprécié d’avoir ces alvéoles en façade et non pas des balcons filants. Les appartements restent ouverts sur l’extérieur, mais préservent leur intimité. »

Tour Tilia 3

Crédit image: Tilia Tower, HRS

Les premiers éléments structurels en bois apparaissent dès le troisième étage.

Autre point capital dans l’attribution du mandat : l’utilisation du bois. « Le maître d’ouvrage a voulu limiter au maximum l’impact du béton et de l’acier, poursuit Aliénor Hippolyte. La volonté de réaliser cette tour en bois était là, de base, pour développer un projet durable. Certains projets avec juste des façades et des parements en bois nous semblaient moins intéressants. Ici, le bois est mis en valeur visuellement, mais il l’est aussi structurellement. Et tous nos efforts ont porté à rajouter le plus possible de bois structurel. C’est ce qui rend cette aventure si intéressante, car les contraintes à résoudre, notamment dans les niveaux transition du béton vers le bois, sont techniquement complexes. Nos architectes 3XN/Itten + Brechbühl et le bureau d’ingénieurs civils Dr Lüchinger+Meyer ont fait beaucoup d’études pour y parvenir. Quand nous avons mandaté HRS pour la construction, il était évident qu’il fallait poursuivre avec nos ingénieurs pour éviter une perte de connaissances. »

Tour Tilia 4

Crédit image: Jean-A. Luque

Posés en enfilade, les bipodes sont des pièces de charpente en hêtre extrêmement solide. Elles ont une élégante forme en V pour reprendre les charges avec précontrainte.

La structure de la tour fait tout de même la part belle au béton dans ses fondations et les six premiers niveaux. Il en va de même pour le noyau traversant qui se compose de deux cages d’escalier, trois ascenseurs et deux demi-noyaux distribuant les plateaux. « La volonté de limiter l’impact environnemental ne se limite pas à l’utilisation du bois, insiste Quentin Trézeux, chef de projet chez HRS. Nous utilisons au maximum du ciment bas carbone qui contient de l’argile et donne une teinte plus chaude au matériau. Nous faisons également recours à du béton contenant des granulats recyclés. »

Dalles béton coupe-feu
Toutes les dalles sont en béton. Elles participent à la protection incendie en étant coupe-feu et offrent l’avantage d’être un excellent isolant acoustique. Extrêmement fines, elles ne font que 10 cm d’épaisseur et font gagner de la hauteur aux pièces.

Les premiers éléments structurels en bois apparaissent dès le 3ème étage. C’est là que sont posés les premiers bipodes pour reprendre les modifications structurelles. Ces trois imposantes pièces de charpente en hêtre, extrêmement solide, viennent d’être installées. Elles ont une élégante forme en V pour reprendre les charges avec précontrainte. Des piliers inclinés participent également à la reprise de charges dans ces grands espaces et volumes.

Bien sûr, écoresponsabilité oblige, le bois utilisé provient de forêts helvétiques. Du hêtre pour les porteurs, gros piliers et poutraisons ; de l’épicéa pour les solivages et les petites poutres. Plus la tour s’élève et plus les piliers s’affinent : 60 × 60 cm aux niveaux inférieurs, 40 × 45 cm au sommet.

« A l’arrivée, nous allons employer quelque 2000 m3 de bois, précise Quentin Trézeux. L’impact est énorme. Cela représente 3500 m3 de béton économisé. Et cela allège le bâtiment de 8500 t ! Cela participe aussi à relever le défi constructif et écologique de la tour. »

Tour Tilia 5

Crédit image: Jean-A. Luque

Tout est organisé pour travailler au plus vite et de la manière la plus efficace. Un maximum de pièces, tels les parements ou les balcons, sont préfabriquées et posées avec une précision millimétrique.

Le maître d’ouvrage indique de vouloir remplir les exigences environnementales les plus élevées. Il revendique pour son complexe des émissions de dioxyde de carbone de 2,2 kg par m² et par an. A titre indicatif, la moyenne suisse est 34,5 kg CO2/m2/an. Pour y parvenir, Tilia s’appuie bien sûr sur des panneaux photovoltaïques en toiture et en façade. Mais surtout à un recours pionnier de la géothermie grâce à une association avec GEOEG, une start-up issue de l’EPFL.

Le système proposé par GEOEG tire parti de la température constante du sous-sol, aussi bien dans les murs des trois étages souterrains que dans le radier de fondation. A Malley, à cinq mètres de profondeur, la température est de quelque 13 degrés. L’idée est simple et ressemble aux serpentins d’un chauffage au sol version XXL. Pas moins de cinq kilomètres de tuyaux ont été placés dans les fondations de Tilia. Le liquide qui transite dans les tubes capte la chaleur thermique en hiver pour contribuer à réchauffer le bâtiment. Et dès que le thermomètre prend l’ascenseur, l’installation présente l’avantage de contribuer au rafraîchissement de la tour.

Pompes à chaleur et récupérateur d’eaux usées
Pour améliorer leur rendement, ces géo structures énergétiques sont couplées à des pompes à chaleur géothermiques. Pas moins de 34 sondes géothermiques ont été installées jusqu’à 400 m de profondeur. La tour Tilia est également raccordée au chauffage à distance qui est alimenté notamment par la combustion de déchets. Last but not least, le complexe est équipé d’un récupérateur de chaleur des eaux usées pour l’eau chaude sanitaire.

La tour doit être livrée au maître d’ouvrage début 2026 ; les premiers locataires sont d’ailleurs attendus au premier semestre. Inutile de préciser à quel point le travail sur le chantier est soutenu. Le BIM est d’usage depuis le premier jour et sera largement mis à contribution dans le futur pour l’exploitation et le facility managment. Quant à la planification du projet, elle est organisée en LEAN pour gérer chaque aspect de la construction et des entreprises qui y travaillent.

Tour Tilia 6

Crédit image: Jean-A Luque

La place du Galicien sera un jour un espace richement végétalisé. Mais aujourd’hui chaque mètre carré est mis à profit pour réceptionner les matériaux en flux tendu.

Rien n’est laissé au hasard par HRS pour maintenir le cap et suivre le planning. « Pour diminuer le travail sur site et gagner du temps, nous faisons largement appel à la préfabrication, décrit Quentin Trézeux. Toutes les salles de bain, 390 au total, certaines simplement avec des douches, d’autres avec des baignoires, sont livrées prêtes à être montées. Il en va de même pour les charpentes, les balcons, les parements ou les pièces de plancher. »

Cet usage très important de la préfabrication garantit la précision des pièces et les délais. Elle évite aussi des reports dus au séchage, car aucune humidité superflue n’entre sur le chantier. « Même le ferraillage est préparé à l’avance dans une zone spécialement dédiée, se félicite le chef de projet. Il n’y a plus qu’à le déposer à l’étage et couler le béton. Quant aux planchers en structure mixte des plateaux supérieurs, ils se composent de 224 pièces prêtes à être assemblées dont les plus grandes font 3 × 7 m. »

La place à disposition pour travailler est exiguë sur ce chantier en site urbain. Le stockage constitue un enjeu important. La planification se doit d’être extrêmement rigoureuse afin de réceptionner les matériaux en flux tendu.

Ce soin du timing et de l’organisation du travail se retrouve à toutes les étapes du chantier. La preuve : en été 2025 une cérémonie de bouquet de chantier est d’ores et déjà prévue pour remercier les ouvriers de leur implication. Il est d’usage qu’elle marque symboliquement la fin du gros œuvre. Cela sera le cas pour le sommet de la tour. Mais les étages inférieurs, eux, seront complètement achevés. En effet, le travail est organisé par phases. Tous les quatre étages, une étanchéité provisoire est posée de manière à s’attaquer immédiatement à la technique et aux finitions. Efficace et exemplaire.

Et dire que ce n’était qu’une friche industrielle mal-aimée…

La densification nécessaire des centres urbains et de leurs périphéries, une desserte en transports publics variée et performante, ainsi qu’une situation rêvée à mi-chemin entre Lausanne et Renens…Il n’en fallait pas plus pour que Prilly-Malley connaisse un développement immobilier effréné. Et devienne le quartier des tours.

Malley et les abords immédiats de sa gare vibrent au son des chantiers de construction. Le quartier revitalisé il y a quelques années par la nouvelle enceinte sportive de la Vaudoise Aréna est méconnaissable. La friche industrielle se transforme en cité urbaine. Il est vrai que cet espace à cheval sur les communes de Prilly et de Renens ne manque pas d’atouts. A commencer par sa proximité avec les transports communs. Il y a bien sûr la halte RER CFF de Prilly-Malley, mais aussi le métro m1, plusieurs lignes de bus et bientôt le futur tram t1. Le développement exceptionnel du quartier est symbolisé par l’ambition visuelle des maîtres d’ouvrage qui l’ont investi. Au sud de la voie ferrée, CFF Immobilier construit Central Malley qui propose des surfaces mixtes. Cinq bâtiments, dont deux tours de 77 et 63 m qui doivent accueillir dès l’année prochaine quelque 2000 personnes, locataires des 200 logements et employés des sociétés qui s’installeront dans 23 700 m² de bureaux et 3800 m² de commerces.

Autre projet qui doit être achevé l’année prochaine : la tour en structure bois Malley Phare qui s’élève à 60 m de hauteur. Cette surélévation de 14 étages au-dessus de la partie ouest du centre commercial Malley Lumières proposera 96 appartements et des espaces de coworking. La SUVA est le maître d’ouvrage du nouvel immeuble et propriétaire du complexe.

Avec la Tour Tilia, le quartier pourra donc s’enorgueillir d’avoir au total quatre mini gratte-ciels qui redessineront l’horizon de cette ancienne zone mal-aimée.

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