La Genève internationale rénove et s’agrandit
Les Nations Unies, l’Organisation mondiale de la santé, le Bureau international du travail. Trois des plus grandes organisations internationales basées au bout du lac Léman investissent plus d'un milliard de francs dans leurs infrastructures. Les travaux pour rénover le Palais des Nations vont démarrer ce printemps.
Qui ne connaît pas le siège de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à Genève? Le Palais des Nations en est le symbole, connu dans le monde entier. Mais derrière ces façades massives, les bâtiments qui composent le complexe affichent l’outrage du temps. Construits entre 1929 et 1937 au sein du parc de l’Ariana, ils ont certes été entretenus et agrandis au fil des années. Malheureusement aujourd’hui, les édifices historiques et les annexes ne sont plus adaptés aux contraintes modernes.
Il est vrai que l’enceinte accueille 191 nations et observateurs permanents, 35 organismes de l’ONU, 400 organisations non gouvernementales et environ 2800 postes de travail. Les 34 salles de conférences et innombrables bureaux et espaces à leur disposition ont besoin d’un très sérieux lifting. Et c’est urgent!
Ban-Ki-Moon, l’ex-secrétaire général de l’ONU, le déclarait lui-même récemment dans un rapport: «Les bâtiments de plus en plus délabrés du Palais des Nations représentent un risque croissant pour la sécurité et la santé des délégués auprès de l'ONU, de son personnel, des représentants de la société civile et des plus de 100’000 personnes qui les visitent chaque année.»
La Suisse finance la sauvegarde de son patrimoine
Conscient de la gravité, les responsables du siège genevois ont lancé un ambitieux plan de rénovation, théoriquement jusqu’en 2023. L’ensemble des travaux a été évaluée à 837 millions de francs, mais ne tient pas compte de la remise au goût du jour des salles de conférence. Le programme de cet énorme chantier en devenir est copieux, voire proche de l’indigestion: remise en état, modernisation des bâtiments et des différents systèmes tels que l’électricité ou la plomberie, amélioration des moyens de communication, optimisation de l’usage des espaces intérieurs et des salles de conférences, préservation du patrimoine en vue d’empêcher sa détérioration. A l’arrivée, trois nouvelles salles seront inaugurées. L'efficience énergétique et l'accès pour les personnes handicapées seront améliorés. Dès la fin de l'année, les travaux liés à un nouveau bâtiment de 1500 places seront lancés. Le coût total du projet est estimé à 836,5 millions de francs, dont un peu moins de la moitié est soutenue par la Suisse. La Confédération va prêter près de 300 millions, la Ville de Genève 20 millions et le canton 88 millions.
En 2013, la Suisse a déjà débloqué 50 millions pour lancer les premiers travaux d’assainissement énergétique du Palais de Nations avec le remplacement de 1’100 fenêtres et stores, l’isolation des toitures et verrières, l’optimisation et automatisation de l'éclairage et de la ventilation, ainsi que la pose de panneaux solaires photovoltaïques et thermiques.
Les dons internationaux sont une pratique courante
Parmi les travaux les plus importants et symboliques figurent bien sûr les remises à neuf des salles de conférence. Financée par les Emirats arabes unis, la transformation de la salle XVII du siège l’Organisation des Nations Unies s’est achevée l’été dernier après dix mois d’intenses travaux. L’attraction principale réside dans le plafond à la décoration aussi majestueuse qu’avant-gardiste. Près de 35 millions de diodes électroluminescentes (LED) l’animent et recréent l’illusion du ciel des Emirats arabes unis (EAU) variant de couleur au gré des heures et des nuages qui le traversent. Quant à la structure métallique située sous ce voile de lumière, elle est inspirée de la calligraphie arabe et du drapeau des EAU, qui ont financé cette rénovation fastueuse.
Que des pays fassent don à l’ONU des installations et du mobilier de certaines salles est une tradition qui remonte à la création des lieux dans le courant des années 30 avec, par exemple les salles dites lettone ou encore sud-africaine. Depuis le début du siècle, quelques autres salles ont été offertes: la salle IV par la Roumanie, la XV par l’Azerbaïdjan, la S-1 par la Lituanie, ou encore la S-4 par le Maroc. La Suisse s’est pour sa part investie dans la restauration des fresques et du mobilier du Salon des Délégués.
Une fresque de Barceló pour la coupole des droits de l’homme
Plus récemment, c’est la salle XX, située dans le bâtiment E qui a subi un rajeunissement spectaculaire en 2008. La rénovation de 20 millions de francs a été entièrement financée par l’Espagne. Et la remise à jour, de la salle d’une grandeur de 1134m2 vaut le détour. En effet, le plafond a été travaillé de manière magistrale par l’artiste contemporain espagnol Miquel Barceló.
Pendant une année entière, le peintre-sculpteur et son équipe ont pétri d’innombrables couches de peinture de couleurs différentes composées de pigments venus du monde entier et les ont vaporisés de manière à générer des stalactites. Cette œuvre originale et vibrante se veut un symbole du multiculturalisme, de la tolérance et de la compréhension entre les cultures. Dotée de 754 places, cette salle XX a été rebaptisée salle des Droits de l’Homme et de l’Alliance des Civilisations.
OMS et BIT également en travaux
Si l’ONU se refait une beauté, elle n’est de loin pas la seule organisation du bout du lac à investir dans ses infrastructures. Le Bureau international du travail (BIT) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont aussi d’importants projets en cours. D’ailleurs, l’ensemble des chantiers liés à la Genève internationale pour les quinze prochaines années représente plus d’un milliard de francs!
Le siège du BIT, construit entre 1969 et 1974, a grand besoin d’une rénovation en profondeur. Posé comme une grande voile sur un catamaran, le bâtiment principal, du haut de ses 44 mètres accueille une grande partie des 1'400 collaborateurs de l’organisation sur ses 11 étages de bureaux. Le projet d’assainissement de cet édifice comprend le désamiantage complet, le remplacement des installations et des réseaux techniques, le réaménagement complet des intérieurs et revêtement de finition, l’amélioration des exigences thermiques, le renouvellement des façades dont l’aspect initial doit être conservé et la mise en conformité AEAI (Association des établissements cantonaux d’assurance incendie). Les travaux budgétisés à 153 millions ont commencé cet automne. Steiner s’est vu confié le mandat d’entreprise totale. Fin du chantier: mai 2019.
En ce qui concerne l’OMS, la rénovation et agrandissement annoncés n’en sont qu’au prologue. Le projet évalué à 250 millions est encore phase préparatoire. Dans un premier temps, un nouveau bâtiment à haute performance énergétique sera réalisé; il pourra abriter jusqu’à 770 bureaux. Ensuite seulement, dès 2021, les architectes s’attacheront à rénover les édifices imaginés en 1959 par Jean Tschumi. Cela entraînera inévitablement la destruction de certains agrandissements qui au fil des décennies s’étaient greffés sur l’ensemble d’origine et en dénaturaient fortement la volumétrie. Les connaisseurs se réjouissent déjà de pouvoir à nouveau goûter au génie créateur du grand architecte suisse.