Course contre la montre pour rénover le viaduc de Cudrex
Plus de 26 000 véhicules dont des poids lourds, empruntent quotidiennement le viaduc de Cudrex à Bussigny (VD). L'an dernier, pour rénover l’ouvrage en gênant la circulation au minimum, le canton a misé sur le béton fibré à ultra-hautes performances. Pari gagné!
Inauguré 1968, le viaduc de Cudrex est localisé sur la commune de Bussigny (VD). Même si l’ouvrage est d’une grande discrétion, son importance stratégique pour l’Ouest lausannois et le franchissement des voies CFF demeure capitale. C’est en effet le deuxième pont enregistrant le plus de circulation dans le canton de Vaud avec 24 400 véhicules et 2 370 poids lourds quotidiens. Cinquante ans après sa première mise en service, l’ouvrage avait besoin d’un sérieux lifting.
D’une longueur de 443,4 m, avec une travée de 33,4 m, l’assainissement était devenu urgent. La structure porteuse en béton armé se trouvait encore un bon état mais certains éléments secondaires en bout de course ont dû être remplacés. Les sept joints de chaussée mécaniques étaient détériorés et les glissières de sécurité, plus aux normes actuelles. L’étanchéité et le revêtement, ne protégeant plus suffisamment la structure porteuse, ont été complètement refaits.
Le choix du revêtement s’est porté sur un matériau aux qualités indéniables: le béton fibré à ultra-hautes performances (BFUP). On se souvient que celui-ci a été posé récemment avec succès sur le viaduc de Chillon entre Villeneuve et Montreux. Pascale Wolff, cheffe de projet pour le compte de la Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud, se réjouit de l’utilisation de ce nouveau «bijou»: «C’était de loin la meilleure solution: la moins onéreuse, la plus efficace et la plus simple en matière de gestion du trafic. En effet, 18 heures seulement ont suffi entre la pose du béton et le premier passage d’un véhicule!»
Pas de granulats
Les BFUP sont très denses et présentent des propriétés mécaniques extraordinaires. Le Laboratoire de maintenance, construction et sécurité des ouvrages de l’EPFL a développé ces bétons de dernière génération, puis des éléments composés de BFUP et de béton armé. Ils ont été testés et leur comportement analysé par le biais de modèles numériques et analytiques.
Le BFUP ne contient pas de granulats. Quant à l’eau, elle est entièrement consommée pour l’hydratation du ciment, contenu en grande quantité variant de 700 à 1000 kg/m3. Dans sa composition, tous les micro-espaces, à l’intérieur du matériau, sont occupés par de fines particules ce qui le rend compact et imperméable à l’eau. Grâce à une grande quantité de fines fibres en acier, il ne se fissure pas.
Comparé au béton normal, la résistance mécanique du BFUP est très élevée, ce qui permet de réduire son épaisseur et de travailler avec des couches beaucoup plus minces. Le volume d’un élément en BFUP diminue d’un facteur 3 à 4. Malgré un dosage élevé en ciment, les quantités nécessaires pour un élément porteur ne sont pas plus importantes que celles utilisées avec du béton traditionnel.
Etanchéité et évacuation des eaux
Après la pose de ce béton spécifique, le trottoir ouest a été démoli afin de gagner 75 cm pour la circulation. La bordure a ensuite été supprimée avant d’être reconstruite avec un élargissement de 25 cm. La mise en place des glissières, tuyauteries, étanchéités, revêtements, joints de chaussée a commencé fin août. Un soin particulier a été porté à la sécurisation du site pour éviter que des éléments se détachent de la structure et endommagent les structures ferroviaires.
La reconstruction de l’ouvrage de soutènement, en contrebas du pont, était aussi indispensable. Les palplanches existantes ont été remplacées par deux rangs de gabions, tout en préservant le gabarit du trottoir. Cette solution a été choisie pour sa rapidité d’exécution, l’usage d’éléments préfabriqués résistants à l’eau et une durabilité qui ne nécessite pas d’entretien particulier. Le système d’évacuation des eaux était également à revoir car les conduites noyées dans la dalle en béton armé rendaient difficiles tant son entretien que son exploitation. Pour pallier à cette problématique, il a été procédé au dégrappage des enrobés existants et de l’évacuation.
Temps record
Les travaux ont été menés à un rythme soutenu en à peine six mois. L’exploit a aussi été de ne fermer cet axe de circulation que sur de très courtes périodes (une nuit par week-end sur quelques semaines). Un sacré défi comme le dit Pascale Wolff: «Toutes les possibilités pour minimiser l’impact sur la circulation ont été envisagées. Il a été notamment imaginé de construire un nouveau pont parallèle au viaduc ancien qui aurait été détruit, mais cela aurait coûté plus du double du financement actuel qui se monte à 5,75 millions de francs. Nous avons cette chance d’avoir eu accès au BFUP, ce qui nous a grandement facilité la tâche au niveau décisionnel...» Là oú un revêtement traditionnel aurait nécessité une interruption complète de la circulation pendant au moins trois semaines, le BFUP a nécessité 18 heures, le calcul a été vite fait.
Le viaduc de Cudrex en chiffres
Localisation : RC 151a, Bussigny (VD)
Années de construction : 1966-1968
Ingénieur en charge : René Epars
Trafic sur le pont : 24 450 véhicules / 2 370 poids lourds
Pont en béton armé précontraint
5 ponts flottants et 1 poutre simple
Longueur totale : 443m
Hauteur du tablier : entre 70 et 150 cm
Largeur du tablier : 9,50 m
Epaisseur dalle : 15 à 20 cm