A Genève, une ligne 15 de tramway nommée désir
Plus que jamais pour désengorger les villes, les transports publics sont une nécessité. Et le tram fait partie des alternatives les plus intéressantes. Dans l’agglomération genevoise, la ligne 15 doit connecter le centre-ville et la France voisine. Appelé de ses voeux tant par les frontaliers que les citadins, le projet est toutefois ralenti par des oppositions. Qu’importe! Les équipes de génie civil travaillent d’arrache-pied pour inaugurer les premiers kilomètres cette année encore.
Crédit image: Jean-A. Luque
Une fois l’extension de la ligne 15 achevée, les trams relieront Saint-Julien et la gare de Lancy-Pont-Rouge (interconnexion avec le Léman Express) en 25 minutes, avec une fréquence toutes les 8 minutes. Un record quand on sait à quel point la route peut être encombrée aux heures de pointe!
L’enjeu est de taille. Ou plutôt les enjeux. En effet, la création d’une ligne de tramway reliant Genève à Saint-Julien-en-Genevois vise non seulement à décongestionner la circulation au sud de l’agglomération, mais également à développer socioéconomiquement le secteur de Plan-les-Ouates, l’une des plus importantes zones d’activités du canton.
Ce tronçon de tram, en cours de réalisation, prolonge la ligne 15 pour rallier la gare de Saint-Julien au site de Lancy-Pont-Rouge (interconnexion avec le Léman Express et le réseau CFF) en à peine 25 minutes. Le tracé long de 6 km, dont 1,4 km côté français, comprendra une dizaine de stations et proposera une fréquence de tram toutes les 8 minutes, aux heures de pointe. Le coût est bien sûr à la hauteur des ambitions et devrait largement dépasser les 260 millions de francs.
Pour réaliser l’extension de cette ligne, les travaux sont fractionnés en trois étapes avec des calendriers bien différents. La première étape concerne le secteur entre le terminus actuel de la boucle des Palettes jusqu’à la zone industrielle de Plan-les-Ouates. La deuxième étape poursuit le tracé sur deux kilomètres jusqu’à la frontière. La troisième – entièrement en France – reliera la frontière à la gare de Saint-Julien.
Crédit image: Jean-A. Luque
A la station de Palettes, une diagonale – un tronçon de rail qui permet aux trams de changer de voie et de repartir vers le centre-ville – a été posée en 2021. Cet été, elle ne sera plus nécessaire et sera démantelée lors d’une opération coup de poing.
Le premier tronçon est à bout touchant et sera opérationnel dès la fin de l’année. Pour leur part, les travaux sur territoire français ont débuté il y a six mois et devraient s’achever fin 2025. Reste le secteur intermédiaire qui, lui, présente une grande inconnue. En effet, des oppositions à Perly (GE) retardent depuis des années le lancement du chantier. Une décision est attendue d’ici l’été.
Priorité à la
zone industrielle de Plan-les-Ouates
Qu’importe ! Entre Palettes et la zone industrielle de Plan-les-Ouates, via les
Cherpines, les équipes du consortium Marti Construction SA et Perrin Frères SA
travaillent d’arrache-pied. La pose des voies est en cours. Il s’agit de finir
ces 3,5 km de réseau et quatre nouvelles stations pour décembre 2023 afin de
garantir la mise en service du tram jusqu’à l’Espace Tourbillon, cinq bâtiments
de six étages destinés à l’industrie, l’artisanat, les PME et les services. Un
chantier de quelque 125 millions de francs mené tambour battant.
Les travaux ont démarré mi-février 2021. Et ils se sont enchaînés : sortir tous les embarras de service, les réseaux secs (électricité, gaz, fibre optique, ligne 130 000 V) et les réseaux humides (eaux pluviales, eaux usées, eau potable, chauffage à distance)… Bien sûr, il a fallu à chaque bloc d’habitation ou de quartier maintenir la circulation et l’accessibilité. Ce qui a impliqué de revoir la chaussée en basculant une voie de circulation de l’autre côté de la route.
Opérations coup
de poing
D’emblée, à l’été 2021, il a été nécessaire de mener une opération coup de
poing pour réorganiser la station-clé de Palettes. « Nous avons détruit la
structure existante et tout reconstruit, explique Marc Dupraz, responsable du
chantier chez Marti Construction. La circulation des trams a été totalement
interrompue pendant deux mois, puis en octobre elle était alternée, dans un
sens le matin, dans l’autre le soir. Nous avons refait les quais et posé
notamment une diagonale, un tronçon de rail qui permet aux trams de changer de
voie et de repartir vers le centre-ville. »
Crédit image: Jean-A. Luque
En attendant que les oppositions soient levées sur la commune de Perly, la ligne 15 s’arrêtera à la zone industrielle de Plan-les-Ouates, l’une des plus importantes zones d’activités du canton de Genève.
Alors que cette première étape de l’extension de la ligne 15 arrive bientôt à son terme, cette station de Palettes est à nouveau au cœur de toutes les attentions. « Depuis fin avril, nous posons les aiguillages, reprend le responsable du chantier. Et cet été pendant trois semaines, nous mènerons à nouveau une opération coup de poing pour détruire l’enrobé provisoire et la diagonale volante que nous avions installée il y a deux ans. Après, il ne restera plus qu’à procéder aux finitions. »
Le béton dans
tous ses états
Et quelles finitions ! Le carrefour portera fort bien son nom et aura droit à
une riche « palette » de bétons. Béton désactivé (à l’aspect gravillonné qui
laisse apparaître des graviers de couleur à sa surface) pour l’entrevoie. Béton
balayé pour les quais. Béton brillant avec du carbure de silicium type Lonsicar
sur les traversées piétonnes. Sans oublier de magnifiques bordures en granit,
un calepinage soigné et un aménagement paysager important sur tout le tracé.
Crédit image: Jean-A. Luque
La première étape du chantier s’achèvera en décembre. La pose des rails est déjà bien avancée. Reste encore à installer les caténaires et autres équipements ferroviaires, sans oublier tous les aménagements notamment paysagers.
Monter des dalles, poser des armatures et ajouter quelques travaux spéciaux comme des voûtages ne sont techniquement pas des travaux particulièrement complexes. Mais comme le reconnaît Marc Dupraz, ce chantier du tram 15 a été compliqué : « Les exigences en termes de délais et de contraintes urbaines sont énormes. Le phasage a été particulièrement ardu. Le basculement de la circulation pour conserver un maximum de voies ouvertes, la gestion du trafic, notamment des bus, la gestion des riverains, ainsi que la grande diversité d’activités et d’intervenants ont nécessité de l’anticipation, une coordination et organisation sans faille. Un engagement hors du commun aussi. D’habitude sur un chantier de génie civil traditionnel, nous sommes au maximum une équipe de dix personnes… Ici, nous avons compté jusqu’à 90 collaborateurs ! »
Le chantier avait ses contraintes connues et prévues. Dans la plaine de l’Aire, la présence d’une nappe phréatique élevée a nécessité de blinder, pomper et traiter le terrain. Ailleurs, pour réduire le bruit solidien, des couches de 1 m de béton avec dalle d’impédance de 50 à 60 cm et nappes antivibratoire ont été coulées. Mais à cela, il a encore fallu ajouter quelques mauvaises surprises liées à la vétusté du réseau souterrain qui ont parfois nécessité de remettre à neuf des conduites. Sans oublier la hausse des coûts et les difficultés d’approvisionnement de certains matériaux comme les bordures de granit.
Dans ces conditions, trente mois de travaux pour réaliser cette ligne de tram relèvent du défi. Après – ce n’est qu’une question de temps –, il faudra encore construire un pont par-dessus l’autoroute de contournement et poursuivre le tracé pour rejoindre la France. Une autre aventure.