10:43 PLACE DU MARCHé

Après de multiples polémiques, le toit est presque terminé!

Le chantier du Parlement vaudois, sur son site d’origine en plein cœur de la Cité à Lausanne, avance à un rythme soutenu. Son toit est, en effet, terminé. Retrouvez notre article complet paru en début d'année et revivez l'histoire mouvementée du plus fameux sommet de Lausanne.

Par Jean-A. Luque et Jeremy Damon

La destruction par les flammes du Parlement vaudois au cours de la nuit 13 au 14 mai 2002 n’est bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Tel le phénix, il renaît de ses cendres ; le nouveau Parlement connu sous le nom de Rosebud devrait être inauguré au printemps de l’année prochaine. En ce début 2016, le chantier sur le site de Perregaux entre dans une phase importante et particulièrement symbolique. En effet, c’est le toit et sa charpente qui sont actuellement posés et mettent un point final à l’enveloppe du bâtiment. On se souvient combien la polémique autour de la première version du toit avait été virulente ; ce n’est qu’après son abandon pour une forme plus classique que le projet du Parlement avait finalement réussi à être sauvé.

Une des particularités et originalité de ce toit, haut d’une quinzaine de mètres pour une salle de 290 m2, réside dans sa conception sans poutres. La création innovante du toit rend en effet la structure remarquablement robuste, avec un minimum d’espace perdu. Normalement, les toits en bois sont supportés par une structure composée de poutres. Les points les plus faibles de ces structures se situent là où les poutres sont assemblées. Qu’une seule de ces pièces vienne à céder, et c’est la stabilité de l’ensemble du toit qui peut être compromise.

Panneaux à stratification croisée

Yves Weinand, directeur du Laboratoire de construction en bois de l’EPFL, et son équipe ont mis au point une nouvelle technologie de construction en bois. En travaillant avec de grands panneaux préassemblés qui constituent à la fois la surface de la structure et ses éléments supportant la charge, il est possible de répartir l’ensemble des forces le long de la surface entière du toit, plutôt que de la concentrer dans des points spécifiques.

Ce système de toit sans poutraison a été rendu possible par le développement de panneaux à stratification croisée, une innovation majeure dans la technologie du bois. En collant les éléments de bois de manière à ce que la direction de leurs fibres alterne couche après couche, les panneaux offrent une rigidité élevée, même quand il s’agit de panneaux très minces.

Sur le chantier de Perregaux, Yves Weinand officie aussi et surtout comme ingénieur civil en chef. En effet, il représente aussi sa propre société de génie civil qui, conjointement avec un bureau d’architecture lausannois et barcelonais, a remporté le concours d’architecture en vue de la rénovation. Sans les années de recherche menées par le groupe de chercheurs de l’EPFL sur la manière dont ces panneaux de bois répartissent les charges qu’ils supportent, le spécialiste estime qu’il n’aurait peut-être pas obtenu le mandat d’un toit sans poutres de telles dimensions : « Des projets fondés sur des innovations technologiques reçoivent rarement des mandats publics, en raison des risques qui y sont associés. Le fait que nous ayons pu appuyer nos propositions sur une recherche approfondie a clairement joué en notre faveur. »

Coupé, numéroté, étiqueté … emballé

Yves Weinand est un avocat résolu de l’architecture en bois et des méthodes qu’il défend. Selon lui, travailler avec des éléments de bois préfabriqués offre de nombreux avantages, parallèlement à leur faible impact en carbone, et à une esthétique attrayante. Les structures peuvent être conçues à l’avance en usine, plutôt que d’être coupées sur place. Toutes les pièces arrivant sur le chantier sont numérotées et étiquetées, avec une seule position possible pour chaque pièce, ce qui laisse peu de place pour les erreurs et accélère grandement le processus de construction. « Avec une inauguration du bâtiment prévue en 2017, nous sommes heureux de voir la partie en bois de la rénovation prendre forme en termes de semaines, et non d’années », explique l’ingénieur.

« Made in Vaud » ou presque

Particularité patriotique de ce toit si polémique, il sera labellisé « made in Vaud », enfin presque. Il est fabriqué à base de matière première issue exclusivement des forêts du canton. 1000 m3 de grumes ont été transportés des bois du Jorat jusqu’à la scierie Zahnd à Rueyres (VD). C’est cette entreprise plus que centenaire qui a été mandatée pour scier, sécher et découper les pièces avant de les envoyer en …Allemagne pour leur traitement final.

Thierry Zahnd, responsable commercial de la société familiale, explique le processus appliqué : « Nous travaillons bien sûr avec du bois vaudois, mais nous en recevons aussi régulièrement des cantons limitrophes : Neuchâtel, Fribourg, Valais, Jura, Berne … nous avons donc dû dans un premier temps sélectionner le bois local afin de pouvoir revendiquer le label. Dès leur arrivée, les troncs d’épicéa ont été mis à part, dans des dépôts où il est impossible de les mélanger avec des grumes d’autres provenances. » Les exigences de l’opération, comme la traçabilité intégrale de la matière première, ont induit des coûts supplémentaires à hauteur de 70 000 francs environ, ce qui équivaut à 8 % du budget de la charpente.

4000 arbres : 1000 m3 de bois

Les premiers arrivages de grumes ont eu lieu en juin 2015 et leur traitement s’est terminé à mi-janvier. Occupant neuf hectares, la société vaudoise avait suffisamment d’espace à disposition pour découper les quelque 4000 épicéas requis pour construire le toit du futur Parlement. Thierry Zahnd poursuit : « Les troncs sont arrivés tels quels et nous les avons déchargés sur notre deck. Nos machines, avec l’aide de l’opérateur en charge des opérations, les ont ensuite écorcés, mesurés et contrôlés en tenant compte de quatre critères : diamètre, essence, qualité et longueur. Après tous ces tests, ils ont été stockés dans un box « spécial Parlement ».

Après cette première opération, les billots ont été acheminés à l’intérieur du gigantesque bâtiment de la scierie pour l’équarrissage, le triage et l’empilage. Pour le Parlement, ce ne sont pas moins de 1400 planches multiplis de 44 mm d’épaisseur pour 160 mm de largeur, à un taux d’humidité de 12 %, qui ont été accumulées. Pour arriver à ce résultat, une surcote de 6 mm de marge au niveau de la largeur et 2 mm pour l’épaisseur est nécessaire. « Quand le bois arrive chez nous, il contient environ 60 % d’humidité, explique Thierry Zahnd. Du coup, quand nous le séchons l’humidité diminue et il faut en tenir compte. »

Les panneaux qui représentent un volume total de 275 m3 d’épicéa couvriront la plus grande partie du toit. La couche supérieure composée de carrelets pour l’isolation, de lattes à tuiles ou encore de contre-lattes (pour environ 70 m3) a été fabriquée avec du bois lamellé-collé, du bois massif et du bois type duo. « Ils ont été travaillés dans différentes scieries dans le canton de Vaud », précise Alexandre Volet, responsable du projet pour le compte du Groupe Volet SA.

En ce qui concerne le montage, la première étape a débuté fin février, avec l’installation de la tour temporaire de prépose, au centre des murs du Parlement. Cette tourelle haute de 12 m a permis de travailler le futur toit de manière innovante. « C’est un montage assez complexe de par sa portée, mais également le contexte historique du bâtiment, met en garde Alexandre Volet. De plus, la toiture a une inclinaison extrême, jusqu’à 70 °. C’est cette partie, la plus ardue du projet, qui nous a poussés à imaginer cette tour de pose afin de pouvoir appuyer les pièces contre elle. »

Mis au point à l’EPFL … Fabriqué en Allemagne

« Dès que les ferrures de base ont été posées sur les murs porteurs, nous avons installé les panneaux multiplis qui composent les pans de la toiture. Des panneaux de haute technicité et de fabrication … étrangère », ajoute Alexandre Volet. Eh oui ! Faute d’une rallonge budgétaire supplémentaire, le mandat de la construction a été attribué à une entreprise allemande. La seule entreprise capable de le faire dans nos contrées était plus chère, trop chère.

Pour le coup, le bois et les planches « made in Vaud » se sont offert un long voyage : Rueyres, le sud de l’Allemagne, puis retour jusqu’à Lausanne. « Pour limiter l’impact écologique, le bois a été chargé à bord de camions qui normalement partent à vide de la région lémanique jusqu’au sud de l’Allemagne », se défend Alexandre Volet.Au terme de cette phase, la structure a culminé à 22,5 m de hauteur. « Et il manquait alors encore 6 m de plus pour atteindre le sommet, précise le maître-charpentier. Les chevrons longs de 9,6 m et larges de 2,5 m, ainsi que les arêtes de 20 m font de ce mandat l’un des plus importants en termes d’envergure dont nous ayons eu à nous occuper. »

Une fois ce premier « étage » terminé, le second démarrera dans la foulée dès le mois de mai. « Nous sommes dépendants des conditions météorologiques. Mais si le temps est avec nous, nous devrions réaliser l’ensemble de l’opération en huit semaines », espère Alexandre Volet. Ne restera alors plus qu’à poser les panneaux de fibres de bois pour l’isolation et, bien sûr, les tuiles. Des tuiles vaudoises spécialement choisies pour s’intégrer harmonieusement dans le quartier historique de la Cité. Le modèle choisi est la tuile plate cannelée traditionnelle de taille standard (17 ◊ 39 cm). Elle est produite à Corcelles-près-Payerne par la société vaudoise Morandi Frères, du groupe Gasser Ceramic, avec la terre de Corcelles qui lui donne sa couleur « rouge naturel ». En accord avec la géométrie des 1000 m2 du futur toit, une coupe pointue a été retenue.

Après avoir bien protégé les élus vaudois avec du bois et des tuiles du terroir, il faudra encore procéder à l’étape finale : poser la verrière qui leur apportera … la lumière.

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