Les experts de la construction à la recherche du béton durable
Les propriétés écologiques du béton et du ciment retiennent l’attention et mobilisent de nombreux scientifiques. Le 7 septembre dernier, industriels de la construction et chercheurs se sont rencontrés à l’invitation du cimentier Holcim pour partager leurs connaissances et efforts en faveur du climat. Que ce soit en agissant sur les matériaux, les techniques et la digitalisation, le béton durable se précise.

Crédit image: Philippe Chopard
La construction d’une villa à Cortaillod (NE) a permis l’utilisation d’un béton fixant le dioxyde de carbone au lieu de l’évacuer.
Hormis les militants du climat les plus irréductibles, personne ne demande à Holcim de renoncer au béton. Ni au ciment, d’ailleurs. Le groupe industriel cherche depuis longtemps à produire des matériaux sans gaz à effet de serre. Il est régulièrement en contact avec les milieux de la recherche scientifique, et cela a notamment débouché récemment sur une rencontre d’exposés et d’échanges au Swiss Tech Convention Center de l’EPFL.
Devant une centaine de participants, les invités de Holcim ont axé leurs présentations sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone dans le ciment et sur l’économie circulaire. Des pistes que le cimentier explore depuis plusieurs années, pour se rendre climatiquement neutre. La recherche de matériaux, comme des nouveaux bétons et ciments, est d'ailleurs un de ses axes prioritaires. Le recyclage provenant de démolition retient aussi toute son attention. Du moins l’affirme-t-il au travers de divers projets et partenariats.
« Le béton est responsable de 8 à 10 % des émissions de CO2 dans le monde », a rappelé Aurelio Muttoni, professeur à l’EPFL. C’est assez pour que la science et la recherche se mettent au travail. Mais les études foisonnent et se dispersent, au grand dam de sa collègue Karen Scrivener, directrice du Laboratoire des Matériaux de Construction de l’EPFL. « Trop de recherches, trop de directions, trop de variétés, trop de conclusions », a lancé cette dernière. Avant de proposer d’agir sur le ciment pour réduire l’influence du facteur clinker, particulièrement visé par la lutte contre le réchauffement climatique.

Crédit image: EPFL
En Côte-d’Ivoire, on parie sur des usines de carbonisation des argiles qui permettent de diminuer la proportion du facteur clinker.
La Suisse et l’Europe ne sont pas des cancres dans ce combat en faveur d’une construction plus respectueuse du climat. « Nous nageons en plein paradoxe, détaille Karen Scrivener. D’un côté, les scientifiques proposent des solutions adaptées localement, et d’un autre, les pays les moins sensibilisés à la lutte contre le climat continuent de polluer massivement l’atmosphère en ayant recours à des matériaux traditionnels. »
Projets
concrets
Qu’on le veuille ou non, le béton et le ciment existeront encore fort
longtemps. Cela fait presque deux siècles que la construction y a recours.
Simplement, la composition du ciment peut apporter des solutions nouvelles, à
partir de techniques déjà éprouvées. Il en va ainsi des ciments à forte teneur
en argiles, et notamment en kaolinite. Karen Scrivener propose de carboniser
ces argiles. Le résultat permet de réduire de 50 % le facteur clinker et de
40 % les émissions de dioxyde de carbone.

Crédit image: Mobbot SA
Partout, les initiatives se multiplient pour freiner l’impact environnemental. En suisse, l’entreprise fribourgeoise Mobbot développe des techniques de numérisation qui permettent une utilisation plus parcimonieuse du béton projeté.
L’entreprise fribourgeoise Mobbot propose pour sa part une utilisation plus judicieuse des matériaux. Pour cela, elle a développé des techniques basées sur la digitalisation. Notamment pour le béton projeté, utilisé dans l’aménagement de tunnels. Le procédé se divise en trois étapes. Tout d’abord, l’intégration de capteurs facilite l’automation des machines. Ensuite, l’entreprise a fait breveter une nouvelle tête de pulvérisation. Enfin, elle agit sur le mélange des matériaux et l’impact des émissions de CO2 sur ces derniers. La digitalisation permet ainsi de faire des économies financières en employant moins de matière première. Et de retenir 450 à 750 kg d’émissions de dioxyde de carbone par kilomètre de tunnel !
Agir sur la teneur en matériaux et leurs techniques d’utilisation est une chose. Mais outre le développement de ciments plus écologiques, Holcim s’oriente aussi vers le recyclage des agrégats. Que ce soit en profitant des compétences de la spin-off zurichoise neustark, qui fixe le CO2 dans le béton, ou en développant ses propres méthodes. Celles-ci sont déjà appliquées, et le groupe entend investir dans dix autres projets analogues ces prochaines années.
C’est surtout au sein même de sa stratégie de développement que le cimentier veut agir. Avec pour objectif ultime de produire des matériaux sans aucune émission de CO2 d’ici 2050. Il a pour lui un certain nombre d’atouts pour y arriver. Le plus important étant de pouvoir agir sur l’ensemble de la chaîne de production. Pour 2030, Holcim veut réduire de 30 % ses émissions nettes par tonne de ciment. La production des propres ressources d’énergie renouvelable doit doubler dans le même temps.
Tout cela ne saurait être réalisable sans recourir à l’économie circulaire. Histoire de prolonger la durée de vie des ouvrages en béton et ciment, de réduire la consommation des matières premières et de valoriser les matériaux utilisés. Des objectifs bien éloignés de l’image donnée par Holcim dans les milieux de la contestation écologique.