2003 – 2023 : Batimag fête 20 ans de reportages et de proximité
Il y a 20 ans, le journaliste Eric Kocher publiait le premier numéro de Batimag. Fondateur et rédacteur en chef historique du magazine, il revient sur la genèse de cette success story. Témoin privilégié d’un début de siècle de folie pour la construction et le bâtiment, il se souvient de quelques chantiers hors du commun.
Crédit image: Jean-A. Luque
Pendant plus de trente ans, Eric Kocher a imaginé, créé et fait vivre une multitude de publications spécialisées dans l’architecture, la construction et la rénovation en Suisse romande.
En Suisse romande, la presse spécialisée de la construction et du bâtiment compte quelques titres, dont un de ses fleurons est Batimag, déclinable autant sur son support papier que sur la toile. Mais ce que la plupart des lecteurs ignorent, c’est que tous ces magazines ou presque partagent un ADN commun : celui du journaliste Eric Kocher. En effet, il y a une quarantaine d’années, après avoir touché entre autres au secrétariat de rédaction à La Suisse, à la radio (débuts de Couleur3), au reportage à L’Illustré ; il se voit confier la gestion d’un magazine consacré au monde des chantiers. Puis il va faire naître des déclinaisons touchant à la rénovation, puis la décoration.
Tous ces derniers magazines qui appartenaient à l’éditeur montreusien Jean-Paul Corbaz ont été disséminés aux quatre vents lorsque l’empire Corbaz a été vendu à Edipresse en 2002. Eric Kocher n’a pas attendu le démantèlement pour partir vers une nouvelle aventure. Fort de son expérience, de ses connaissances et de son savoir-faire, il a lancé Batimag en 2003. Une success story qui fête ses 20 ans.
Crédit image: Jean-A. Luque
Au sommaire du premier numéro de Batimag : une interview du patron de Gétaz Romang SA, un reportage sur le plus haut gratte-ciel suisse de l’époque (haut de 105 m) et un dossier sur Swissbau.
En toute discrétion, vous avez créé à vous tout seul la presse spécialisée de la construction, Comment avez-vous fait ?
Ça remonte à 1984 lorsque j’ai été engagé chez Corbaz, l’éditeur montreusien ; plus précisément à la rédaction de l’Est Vaudois. L’éditeur m’avait aussi parachuté responsable de la « naissante » division audiovisuelle de la maison. Parmi ses journaux et publications, il y avait aussi les Editions Chantiers et la Revue Chantier du même nom. En 1985, à la suite du décès du directeur, il m’a demandé de reprendre cette revue in extremis. Puis ça a été une longue aventure d’une vingtaine d’années où en tant que rédacteur en chef je jouissais d’une liberté totale. Du coup, j’ai conçu et lancé Rénovation actuelle, puis Tendance déco. Mais toute belle aventure a une fin. Au tournant des années 2000, Jean-Paul Corbaz voulait prendre sa retraite et vendre son entreprise… Je n’allais pas rester inactif à attendre ce qui allait se passer. C’était l’occasion de se lancer dans une nouvelle aventure.
Et ce projet, ça a été Batimag en s’associant avec un partenaire alémanique Baublatt…
Depuis le temps que j’étais dans le milieu, je connaissais des journalistes de Zurich qui travaillaient chez l’éditeur Schück Söhne AG, l’ancêtre de Docu Media Suisse Sàrl. Lors d’un reportage à l’usine Liebherr à Colmar, je me suis retrouvé avec mon confrère rédacteur en chef de Baublatt. J’en ai profité pour lui faire part de mon idée de créer un Baublatt romand. Ça l’intéressait, car cela faisait sens de pouvoir proposer aux annonceurs un package complet au niveau national, tant alémanique que romand. Assez rapidement, on s’est dit qu’il fallait le faire.
Et comment étaient ces premiers numéros de Batimag en 2023 ?
Avant d’en parler aux gens de Zurich et de lancer officiellement le magazine, j’avais pris les devants, en quelque sorte… J’avais le titre du projet à l’esprit, et j’ai déposé le nom de domaine chez Switch en automne 2002. Le titre Batimag existait dans ma tête… mais pas dans celle de l’éditeur zurichois. J’en revendique la paternité, même si je ne suis plus le propriétaire.
Lorsque le projet a été définitivement accepté en octobre 2002, nous avons fait des maquettes et publié deux numéros zéro, en novembre et en décembre.
Bien sûr, je m’inspirais de ce que je faisais à l’époque chez Chantier et Rénovation au niveau des reportages, articles et interviews, mais il fallait adapter le contenu aussi pour ajouter toute la partie Services avec les mises à l’enquête et autres soumissions. Le but c’était d’apporter de l’information concrète sur les chantiers, dans les bureaux d’architectes et d’ingénieurs, mais aussi d’offrir un espace incontournable pour trouver des possibilités de mandats et de travail.
Et le magazine s’est présenté comment ?
Pour la partie rédactionnelle, nous nous sommes tous très vite mis d’accord. En revanche, pour la mise en page, je ne voulais en aucun cas reprendre la ligne de Baublatt. C’était juste moche et vieillot. Ça ne correspondait pas aux goûts des Romands. Du coup, Batimag a eu sa propre charte graphique et je me plais à constater que – si elle a évolué – elle est quand même restée fidèle au concept original.
Les premières années ont été particulièrement intenses.
Nous ne manquions pas d’ambition. Batimag à ses débuts était hebdomadaire et j’étais seul à bord, tout à la fois rédacteur en chef, journaliste, photographe et metteur en pages. Heureusement, il y avait quand même une personne pour démarcher la publicité… et une imprimerie pour l’imprimer.
Il fallait courir pour trouver et rédiger des sujets chaque semaine. C’était épuisant mais passionnant ; j’ai eu un plaisir fou.
Qu’est-ce qui a fait le succès de Batimag ?
La force du magazine, c’est d’être ancré en Suisse romande, de parler spécifiquement de cette actualité de proximité. Cet axe romand a été parfaitement compris par l’éditeur à Zurich. Il avait besoin de Batimag pour offrir une couverture nationale aux annonceurs, mais pour le reste j’avais une liberté entière pour le contenu rédactionnel. Cette indépendance a sans doute été notre plus grande force. Nous avions le soutien d’un éditeur important, mais la possibilité de nous développer à notre niveau régional et local.
Vous avez dirigé Batimag une quinzaine d’années. Y a-t-il des sujets qui vous ont marqué plus que d’autres ?
Depuis le tournant des années 2000, on ne compte plus les chantiers exceptionnels en Suisse romande. C’est un monde qui foisonne de projets grands ou petits, prestigieux ou simplement fonctionnels. Il y a quand même deux chantiers qui m’ont particulièrement attiré. Le creusement du métro lausannois M2 avec toutes ses difficultés et aussi accidents et la construction du Rolex Learning Center à l’EPFL, bijou d’architecture et d’ingénierie. Nous avons fait de nombreux articles sur ces travaux ; on peut presque parler de feuilletons.
Crédit image: Jean-A. Luque
Dès ses premiers numéros, en 2003 déjà, Batimag a été sensible aux questions environnementales, au développement durable et aux économies d’énergie.
Il y a Batimag le magazine print, mais aussi Batimag sur internet qui est le leader incontesté dans son domaine. Le web c’était déjà aussi une de vos obsessions.
Oui bien sûr, au lancement du titre, nous n’avions pas de site internet du tout. Baublatt pour sa part se contentait d’une page avec une adresse de contact. Comme j’ai toujours été passionné de technique qu’il s’agisse de photographie, de vidéo ou de logiciels, le web pour moi était une évidence.
En fait, du côté de Zurich ça ne les intéressait pas encore... mes relances épisodiques restaient lettre morte. Mais après quelques années, lorsque Baublatt a été repris par Documedia Sàrl, je me suis dit qu’il fallait passer à l’action, d’autant plus que le patron de Documedia n’avait que le « online » en tête ; c’est lui qui avait développé le gigantesque réseau en Allemagne et dans les pays scandinaves. Comme j’avais déposé en 2002 – en mon nom personnel – le nom de domaine batimag.ch, j’ai de suite créé le premier site de la publication. Lorsque le nouveau directeur a vu ce que j’avais fait. Ça été le déclic. On a commencé à mettre tous les articles du print sur le web et à suivre l’actualité.
Aujourd’hui le site est complètement différent, beaucoup plus riche. Et sur-tout il atteint beaucoup plus de lecteurs (15 000 visiteurs uniques et 35 000 pages vues par mois, ndr). Il est promis à un bel avenir et sera sans doute capable d’assurer la pérennité du titre. Je me réjouis qu’on puisse encore fêter Batimag dans 30 ans pour son demi-siècle !