Depuis le 1er juin, une loi permet de réutiliser le matériau toxique en Suisse
Après 30 ans d’effort pour éradiquer l’amiante des constructions, la Suisse assouplit sa législation et permet une réintroduction du toxique sous conditions contrôlées.
Un an après les Etats-Unis, la Suisse, à son tour, permet d’utiliser de l’amiante ou des matériaux en contenant pour des travaux de réparation ou de restauration sur des ouvrages existants si, pour des raisons esthétiques, il n’est pas envisageable d’employer du matériel de substitution sans amiante.
En cause, une modification de l’ordonnance sur la réduction des risques liés aux produits chimiques (ORRChim) qui est entrée en vigueur samedi 1er juin. Pour les milieux de prévention de l'amiante, cette dérogation est inacceptable: "Ce projet de loi ouvre la porte à des usages de matériaux contenant de l'amiante pour des raisons esthétiques. C'est inacceptable. C'est un déni des efforts de prévention et des efforts de la santé publique qui ont été faits durant ces 30 dernières années", déplore David Vernez, directeur de l'Institut universitaire romand de santé au travail.
Un pas en arrière
L’utilisation de l’amiante est interdite en Suisse depuis 1990. Jusqu’ici, de très rares exceptions étaient accordées – uniquement lorsque l’utilisation de l’amiante constituait un impératif technique. En parallèle, on ne compte plus les combats pour indemniser les victimes de cancers provoqués par l’exposition à la poussière d’amiante.
En Suisse, 2173 décès sont directement causés par des cancers aux poumons liés à l’amiante. Et de nouveaux cas de maladie sont déclarés chaque année, 357 pour la seule année 2016. Dans ce contexte, la décision passe très mal.
Le pire reste à venir
Bien qu'interdit, l'amiante n'a pas disparu pour autant. Environ 80% des bâtiments construits entre 1904 et 1990 en contiendraient. Ils représentent un risque pour les travailleurs lorsque l'objet est poncé, percé, fraisé, brisé ou scié.
Aussi, étant donné la longue période de latence après l'exposition à l'amiante, les spécialistes estiment que le pic du nombre de malades sera atteint entre 2020 et 2025.
La serpentine
Cet assouplissement provient de l’Association suisse de la pierre naturelle, soutenu par l’Office fédéral de l’environnement, conjointement avec celui de la santé publique, qui ont accepté d’autoriser cette modification. Elle sera soumise à de strictes dérogations et ne devrait pas concerner plus d’une dizaine de cas par an. L'Office fédéral de l'environnement (OFEV) se justifie en expliquant que cette exception est nécessaire: "Cela fait plus de sens de remplacer une petite partie d'une surface abîmée plutôt que de remplacer toute la surface." Un argument qui ne convainc pas les associations de prévention.