Neuchâtel revisite un passé colonial honni par un jeu d’art et de lumière
La mémoire de l'esclavage est revisitée par les artistes contemporains. Après « Great in the concrete » de Matthias Pfund, c’est au tour d’une autre œuvre artistique de s’installer devant la statue de David de Pury au centre-ville de Neuchâtel. Il s’agit de « Ignis fatuus » de Nathan Solioz, une projection vidéo qui met en lumière le passé controversé de ce négociant qui a légué toute sa fortune à la Ville.
Crédit image: Ville de Neuchâtel
La Ville de Neuchâtel apporte une réponse tout en nuances à ceux qui voulaient déboulonner la statue de celui qui lui avait légué toute sa fortune au XVIIIe siècle.
« Ignis fatuus » de Nathan Solioz, intervention artistique également primée par un jury international, vient questionner les zones d’ombre de l’implication coloniale de Neuchâtel. Cette installation audiovisuelle projetée depuis une cabine à proximité de la statue de David de Pury, au cœur de la cité. On voit progressivement apparaître de petites lumières au pied du socle de la statue, dans un cliquetis de pièces qui dégringolent. David de Pury jette à l’eau des pièces scintillantes: la fortune qui fit sa gloire au XVIIIe siècle, et, à son décès, la prospérité de sa ville natale
Justice pour les esclaves
Selon Nathan
Solioz, la fortune de David de Pury serait le fruit de son implication dans
le trafic des esclaves. Le titre de l’œuvre, « Ignis fatuus », désigne les esprits des victimes jetées à la mer
et revenues hanter les lieux de leur disparition comme des feux follets. Car si les
esclaves ne sont pas morts à Neuchâtel, c’est bien sur cette place que leur
existence a longtemps été occultée », indique l’artiste neuchâtelois, formé à
la Haute Ecole d’art et de
design de Genève et vivant actuellement à Bruxelles. « Par leur présence, ils
apportent une lumière sur le
passé sombre – et qui fait encore l’objet d’une controverse - de cette personnalité
neuchâteloise.
Finissage contre
le racisme
La projection de cette œuvre
dure trois heures. Elle est active jusqu’au 24 mars de 18h30 à
21h30. Son finissage, le 22 mars, sera proposé dans le cadre de la Semaine
d’actions contre le racisme 2024, en présence du conseiller communal Thomas
Facchinetti, en charge de la culture, de l’intégration et de la cohésion
sociale. « Ignis fatuus » de Nathan Solioz est l’une des quatre œuvres primées
par un jury international en 2022 à la suite d’un appel à projets lancé par la
Ville de Neuchâtel, dans le
cadre d’une série de mesures entreprises pour mieux faire connaître l’histoire locale.
Crédit image: Ville de neuchâtel
L'artiste Nathan Solioz joue chaque soir entre les images vidéo et la statue de David de Pury, au cœur de la cité.
Cette intervention vient s’ajouter à celle de Matthias Pfund, « Great in the concrete. David de Pury d’après Louis Agassiz » vernie en octobre 2022 et installée pour plusieurs années, en même temps qu’une plaque explicative au pied du monument rendant hommage aux victimes de l’esclavage. Cette plaque comporte d’ailleurs un code QR renvoyant à une page spéciale du site de la Ville avec douze traductions en langues courantes pratiquées notamment par des minorités vivant à Neuchâtel.
Une histoire
constamment documentée
La démarche entreprise par la Ville
pour documenter son histoire et son implication coloniale se poursuit dans une
perspective de meilleure compréhension, de questionnement et d’inclusion de
toute la population. « Quatre ans après les pétitions adressées aux autorités
remettant en cause la place de la statue de David de Pury, les principales
mesures décidées en 2021 à l’unanimité par les autorités de la Ville sont mises
en œuvre », s’est réjoui Thomas Facchinetti.
L’exposition « Mouvements » au Musée d’art et d’histoire, une plaque explicative et des interventions artistiques, un parcours pédagogique en ville de Neuchâtel intitulé « Empreintes coloniales », le lancement d’un projet de recherche piloté par l’institut d’histoire de Université, la diffusion prochaine de 50 notices biographiques féminines ainsi que la préparation d’une signalétique mémorielle mise à jour sur les principaux bâtiments publics, attestent de la volonté des autorités de mieux faire connaître l’histoire de Neuchâtel dans son intégralité.