La spéculation immobilière mène La Chaux-de-Fonds au clash social
Avec une quarantaine de locataires expulsés et des immeubles qui menacent de s’effondrer, la Ville de La Chaux-de-Fonds tient son clash de la spéculation immobilière. Au-delà du drame social, certaines pratiques de revente d’immeubles sont montrées du doigt.
La spéculation immobilière n’a rien de répréhensible quand elle concerne des immeubles bien entretenus. Mais lorsque l’état des bâtiments présente des risques d’effondrement, tout explose. C’est ce qui vient d’arriver à La Chaux-de-Fonds (NE), pour une barre d’immeubles de sept entrées située à l’ouest de la ville, rue du Bois-Noir.
L’exécutif chaux-de-fonnier a dû se résoudre à déclarer ces bâtiments inhabitables. Ce qui fait qu’une quarantaine de locataires sont sommés de quitter leur logement d’ici deux mois. Un vrai drame social pour ces personnes. Avec, dans le rôle du méchant, la Ville de La Chaux-de-Fonds et son département de l’urbanisme, dirigé par le conseiller communal Théo Huguenin-Elie.
« Nous ne pouvions pas faire autrement qu’ordonner le départ des locataires, explique Théo Huguenin-Elie. La loi nous y contraint. Nous suivons l’état de cet immeuble depuis vingt ans. De récentes et nouvelles expertises statiques nous ont obligés à faire vider les lieux. En effet, la structure menace à tout moment de s’effondrer ».
Rachat et revente
C’est donc un vrai clash immobilier que les autorités chaux-de-fonnières doivent
maintenant gérer. Le propriétaire zurichois de cette barre d’immeuble se
livrait en effet à une spéculation effrénée sur son bien, sans l’entretenir
comme il l’aurait dû. Par morcellement de la société propriétaire, les bâtiments
passaient ainsi d’une main à l’autre, faisant ainsi monter artificiellement
leur valeur. « »En fait, ces immeubles ne valent rien », se désole
Théo Huguenin-Elie.
Il s’ensuit un écart entre les conditions réelles du marché et les pratiques spéculatives. « C’est un jeu de l’avion, indique encore le conseiller communal. Avec, au bout du compte, une impasse qui pénalise les locataires. La Ville met tout son pouvoir pour reloger les victimes de ces pratiques. Six locataires ont déjà pu retrouver un logement auprès de notre gérance. Nous sommes aussi en contact avec d’autres propriétaires pour que tout le monde soit relogé. Nous promettons à la fois notre appui et des aides au déménagement de ces personnes, souvent âgées et au revenu modeste ». Leurs loyers vont aussi prendre méchamment l’ascenseur.
Le terrain a bougé
Construits en 1950, ces immeubles se dégradent depuis longtemps. Le terrain sur
lesquels ils ont été bâtis a bougé, et cela remet en question leur solidité
statique. Déjà deux de leurs sept entrées ont été mises à ban au mois de janvier.
Elles donnent sur des logements vides. En toiture, les déformations sont
visibles à l’oeil nu. De nouvelles expertises ordonnées par la Ville ont révélé
de nouveaux risques d’effondrement.
Concrètement, la barre d’immeuble va être mise aux enchères au mois de juin. Avec le terrain, la valeur du bien est estimée à deux millions, mais il est fort à parier qu’aucun repreneur ne se manifeste. Auquel cas, la Ville hériterait de la patate chaude.
«Je ne crois pas beaucoup à la rénovation de cet immeuble » conclut Théo Huguenin-Elie. La déconstruction me semble plus probable. Par qui ? L’avenir nous le dira ». Cette affaire n’est pas unique en Suisse romande. Déjà, des logements dans le quartier de La Servette, à Genève, sont en train d’être démolis en vue d’une reconstruction. Avec une rénovation profonde.