Visibilité en baisse dans l’immobilier
La publication trimestrielle de l’Immo-Monitoring de Wüest & Partner est souvent très instructive. L’étude de référence radiographie le marché immobilier avec force détails depuis vingt ans. Or depuis plusieurs mois, les signaux de surchauffe sont passés au rouge écarlate pour de nombreux experts. Sans qu’un horizon clair ne se dégage pour se faire une idée d’un éventuel atterrissage immobilier.
La dynamique actuelle a évidemment beaucoup de racines dans l’évolution structurelle du pays (croissance démographique, etc.). Des conditions qui n’ont rien à voir avec les symptômes qui prévalaient aux Etats-Unis avant la crise du subprime, ni avec la situation en Espagne par exemple. L’immobilier en Suisse, avec ses fondements sains, a montré pendant dix ans qu’il était un refuge pour investisseurs en quête de sécurité.
La progression n’allait pourtant pas de soi dans un environnement économique houleux. Wüest&Partner souligne que c’est un véritable mouvement anticyclique par rapport à l’évolution internationale: pendant que la demande de logements en propriété ne cesse d’augmenter, les taux baissent continuellement aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Irlande depuis 2007.
Le refuge immobilier n’a pas pour autant remis en cause la spécificité du logement en Suisse pendant la dernière décennie. L’adage «prospérité n’implique pas propriété» persiste. Les raisons historiques restent valables: le boom des années 1950-70 s’était accompagné d’une hausse des logements locatifs et paradoxalement d’une chute de la part des propriétaires, et il n’y a pas de programme public d’encouragement à la propriété. Pourtant, la donne s’est tout de même légèrement modifiée. La barre des 40% de propriétaires est certainement franchie, avec un nombre de ménages possédant leur bien qui a passé de 1,05 à 1,36 million entre 2000 et 2010.
Aujourd’hui, les prémisses d’une fin de bulle sont nombreuses. La restriction de l’accès au deuxième pilier pour financer son logement, déjà pratiqué par certaines banques et que la Confédération veut aujourd’hui généraliser, est un signe parmi d’autres que la dynamique pourrait prendre fin dans un avenir proche. Chacun sait qu’historiquement, les hausses de taux sont brutales et imprévisibles dans leur timing. Le public et le marché ont donc besoin plus que jamais de visibilité sur une nouvelle décennie qui s’annonce assez mouvementée. A l’arrivée, il n’est pas exclu que les propriétaires perdent de nouveau du terrain sur les locataires. (Frédéric Mamaïs, L'AGEFI)