Un îlot de modernité hospitalière au cœur de la Ville de Berne
A quelques encablures de la gare de Berne, l’Inselspital (l’Hôpital de l’Ile) est une institution. Un nouveau bâtiment principal y trône fièrement : la Maison Anna Seiler, du nom de la fondatrice à l’origine de l’établissement en 1354. Finies les grandes chambres à plusieurs lits et les structures complexes. Dans le nouvel édifice haut de 63 m, tout a été conçu pour prioriser le confort des patients et du personnel. Mais l’un des principaux objectifs a également été de raccourcir et rationaliser les trajets pour permettre un transport le plus rapide possible des patients. D’amples passerelles de liaison avec les bâtiments voisins y contribuent.
Crédit image: Jean-A. Luque
La Maison Anna Seiler est le nouveau visage, ¬flambant neuf, de l’Inselspital. Elle remplace le Bettenhochhaus, construit dans les années 1970, qu’on devine à droite.
A Berne, le chantier qui s’achève cet été dans le quartier de l’Hôpital de l’Ile (Inselspital) est sans conteste l’un des plus importants de la capitale. Pas seulement parce que l’édifice culmine à 63 mètres de haut sur une base de 82 m × 70 m – l’équivalent d’un terrain de football – ou que son budget est impressionnant : 570 millions de francs. Ce qui est le plus fondamental et appréciable, c’est que ce nouveau bâtiment principal, la Maison Anna Seiler, propulse tout simplement le centre hospitalier dans le futur et la modernité, grâce à la communauté de planification team GWJ Architektur, IAAG Architekten et ASTOC Architects and Planners.
L’édifice remplace la Bettenhochhaus qui a été construite en 1970. En effet, en un demi-siècle, tout a évolué dans le monde médical, le confort aussi bien que l’organisation. Les grandes chambres à plusieurs lits et les salles d'eau ne répondaient plus aux attentes des patients. Quant aux structures complexes du bâtiment, elles compliquaient les processus dans le quotidien clinique. Il était donc temps de lancer de nouvelles bases pour garantir de meilleurs soins médicaux et des conditions de travail modernes. Ce qui doit également se traduire par une exploitation clinique financièrement rentable à long terme.
Crédit image: Jean-A. Luque
La façade, percée par la passerelle, est de toute beauté et représente une surface totale de quelque 20 000 m². La typologie des bandeaux de fenêtres varie, parfois du sol jusqu’à la dalle supérieure, parfois agrémentée de contrecoeurs.
L’organisation de la Maison Anna Seiler, tour multifacettes de 18 étages, a été soigneusement imaginée et réfléchie. « Un tel établissement hospitalier ne se construit qu’une fois par vie, explique Bruno Jung, maître d’œuvre et directeur général du projet au sein de l’Hôpital de l’Ile. Mais dès que nous avons commencé à y réfléchir en 2014, nous étions conscients que les besoins et les techniques médicales allaient drastiquement changer avant la fin des travaux. Certains directeurs de clinique m’ont immédiatement précisé qu’il leur était difficile de connaître quelles technologies seraient utilisées dans deux ans. Or, nous devions être en mesure de planifier les espaces à dix ans, pour 2023. »
Trois étages en
stand-by
Pour pallier ces inconnues, il a fallu faire preuve d’imagination et de
flexibilité. « Nous avons décidé, poursuit Bruno Jung, d’établir les besoins de
chaque clinique sans entrer dans les détails dans un premier temps. Certains
éléments ont été laissés en suspens. Les dimensions et exigences techniques de
ces divers appareillages ont ensuite pu être précisées à mesure que nous nous
approchions de la fin du chantier. Trois étages du bâtiment et 7000 m² de
surfaces ont également été conçus comme des espaces libres. Cela nous a permis
de réagir à l’évolution des exigences et des besoins de l’hôpital pendant la
longue période de planification et de construction et de les réaliser dans le
nouveau bâtiment. »
L’édifice flambant neuf se découpe de manière rationnelle en trois sections principales. Les étages du haut sont dédiés aux chambres des patients et aux soins infirmiers. Les niveaux intermédiaires sont réservés aux opérations chirurgicales et aux soins intensifs. Quant aux étages du bas, ils sont dévolus principalement aux besoins ambulatoires et consultations, et pour deux d’entre eux aux services administratifs qui ne comptent pas moins de 500 places de travail.
Crédit image: Jean-A. Luque
Pas moins de quatre passerelles relient la Maison Anna Seiler aux autres bâtiments hospitaliers environnants. Ces liaisons aériennes doivent faciliter les déplacements des collaborateurs et visiteurs et ont été pensées spécifiquement pour le transport des patients alités.
L’organisation horizontale a également été méticuleusement pensée. Pourvus de baies vitrées, les espaces extérieurs dits chauds sont affectés aux clients. Le noyau intérieur, froid, est lui principalement affecté aux stockages de médicaments et à la logistique.
Une des clés de la réussite pour aménager un tel mastodonte réside bien sûr dans la communication et l’identification des besoins. « Nous avons évidemment tenu compte des contraintes des cliniciens. Mais, précise le directeur du projet, si les avis des médecins et du personnel hospitalier ont été pris en compte, il a aussi fallu comparer leurs demandes avec des solutions déjà éprouvées. Dans ce sens, le dialogue a été également permanent avec les architectes pour trouver les meilleures options aux meilleurs coûts. »
Visuellement, le résultat est une réussite et une ode à la lumière naturelle. La preuve : à chaque étage quand un patient ou un visiteur sort de l’ascenseur, il découvre une baie vitrée avec vue sur l’Oberland bernois ou la campagne environnante. Quant aux quatre corridors qui distribuent les flux de circulation, ils s’ouvrent tous en bout de course sur une façade vitrée.
Résine inaltérable
L’impressionnante façade est à n’en pas douter la carte de visite de
l’Inselspital. Et elle est faite pour durer et garder longtemps sa splendeur,
comme le confirme Stéphane Kocher chef de projet chez Progin : « Le revêtement
de la façade est spécial, ce n’est pas du fibrociment, mais du matériau
Acrytherm. Il s’agit d’une résine qui n’est pas poreuse et doit pouvoir garder
son esthétisme et sa couleur sans altération pendant plusieurs décennies. »
Selon les étages, la typologie des bandeaux de fenêtres est différente, parfois du sol jusqu’à la dalle supérieure, parfois agrémentée de contrecoeurs. L’entier de la façade représente quelque 20 000 m2 avec un décalement de 250 mm pour l’accrochage à la sous-construction. La pose a débuté en mai 2020 et a demandé près de trois ans d’efforts.
Crédit image: Jean-A. Luque
La gestion de la lumière, elle a été minutieusement pensée. La priorité a été donnée à la lumière naturelle grâce à de généreuses fenêtres. Pour leur part, les plafonniers design ou les bandes lumineuses disposées de manière décalée et non rectiligne cherchent à casser l’aspect industriel et répétitif que peut avoir l’hôpital.
Le confort est omniprésent. Chaque étage peut accueillir jusqu’à 76 patients. Les chambres sont en grande majorité (90 %) équipées de 2 lits. 10 % d’entre elles sont individuelles. Avec 3,5 m les hauteurs de plafonds sont généreuses, ce qui permet d’offrir d’amples fenêtres. « Même couchées dans leur lit, les personnes hospitalisées peuvent voir le ciel, indique Bruno Jung. Et si les chambres sont climatisées, car le bâtiment est certifié Minergie PE, nous avons tenu à ce qu’au moins une fenêtre par chambre puisse être ouvrable. Il est psychologiquement important que les patients puissent écouter les oiseaux et le monde extérieur s’ils le veulent. »
Du confort, du réconfort et surtout des équipements à la pointe du progrès caractérisent la Maison Anna Seiler. Les salles d’opération sont équipées des dernières technologies et affublées d’imposants écrans digitaux. L’étage physiothérapie modulable peut dégager une piste de course d’une quarantaine de mètres avec des capteurs dans le sol.
Si la construction fait la part belle au béton et aux vitrages, les murs intérieurs sont eux recouverts de bois aux vertus esthétiques et phonoabsorbantes. Dès qu’on pénètre dans les atriums, qu’on emprunte les escalators ou les ascenseurs, tout est mis en œuvre pour rendre l’expérience des visiteurs aussi agréable que possible. Même les lumières aux plafonds des couloirs ont été disposées de manière décalée et non rectiligne afin d’éviter un aspect industriel et répétitif. Quant aux deux magnifiques terrasses arborisées de quelque 600 m², elles offrent une respiration naturelle bienvenue.
Crédit image: Jean-A. Luque
Le soin de la qualité et du détail se retrouve absolument partout. Aussi bien dans les salles d’opération, conçues pour être équipées des technologies les plus modernes, que dans les espaces d’accueil des patients et des visiteurs qui font la part belle au bois et aux couleurs chaudes.
Ce soin de la qualité et du détail se retrouve partout y compris et surtout dans les espaces réservés au personnel. Les places de travail sont lumineuses, avec vue sur le paysage bernois. A chaque étage, on trouve deux cuisines équipées, aux couleurs plaisantes. Rien qui ne fasse penser à un environnement hospitalier.
Soigner les
soignants
Les conditions
de travail ont été au centre des préoccupations du maître d’ouvrage et la crise
du Covid19 l’a conforté dans ses décisions. « C’est normal de penser au confort
des patients, affirme Bruno Jung. Mais ceux-ci restent quelques jours dans
notre établissement. Nos collaborateurs, eux, sont ici pour de longues années
et nous voulons les garder. C'est donc la moindre des choses d’avoir aussi mis
l'accent sur la qualité de leur lieu de travail où ils passent quantité
d’heures. »
L’hôpital se veut aussi confortable que possible, mais il n’en oublie surtout pas son but premier : l’efficacité. Pour cela il doit être fonctionnel, avec des circuits courts. L’un des principaux objectifs a été de raccourcir les trajets et de permettre un transport rapide des patients. C’est la raison pour laquelle le nouveau bâtiment principal dispose de nombreux ascenseurs. Mais c’est insuffisant. Afin d’éviter les goulots d’étranglement que les lifts supposent, raccourcir les trajets et optimiser l’accessibilité, tout a été conçu pour relier la Maison Anna Seiler de manière fonctionnelle aux autres édifices du complexe de l’Inselspital.
Bien sûr tout un système de corridors souterrains existe, notamment pour la logistique et la maintenance. Mais pour les déplacements des collaborateurs et visiteurs ainsi que pour le transport des patients alités, quatre passerelles connectent les divers bâtiments, notamment celui des soins intensifs, avec l’hôpital principal.
L’une des liaisons les plus spectaculaires – et à n’en pas douter la plus visible – est la magnifique passerelle en colombage qui réunit la Maison Anna Seiler et la clinique pédiatrique.
Longue de presque 80 m, elle surplombe la rue depuis une hauteur d’environ 20 m. La charpente métallique a été préfabriquée puis montée in situ en 2021. Le système statique repose sur des poutres à deux travées avec des portées de 38, 7 et 34 m. Soumise à des charges de vent très élevées, jusqu’à 1,83 kN/m², il a fallu concevoir des appuis et raccordements de façade capables de les absorber de manière flexible. Grâce aux contreventements entre les appuis, les charges horizontales peuvent être transmises également dans le sens transversal.
Ces passages doivent rester tempérés même en plein été. Afin d’éviter des pannes mécaniques, la solution des stores n’a pas été retenue. A la place, un voile translucide a été posé sur le revêtement vitré et assure une douce pénombre.
BIM et Lean
incontournables
Imaginé en
2014, lancé en 2017, le chantier n’a jamais été de tout repos. D’autant plus
que de nombreux espaces n’ont été affinés qu’au tout dernier moment. Le BIM et
la maquette numérique ont contribué pleinement à cette flexibilité
indispensable. Le travail en Lean a pour sa part permis de faire face dans les
plus brefs délais aux crises de la pandémie et aux imprévus liés aux
difficultés d’approvisionnement.