Quand solaire et végétal se marient pour le meilleur
Les façades sont bien plus que les simples parois nues d’un bâtiment. Les architectes en jouent depuis la nuit des temps pour les habiller ou les façonner. Mais aujourd’hui, au-delà de l’esthétisme, elles peuvent être efficaces avec des modules photovoltaïques (PV) pour la production d’électricité, ou créer une valeur ajoutée à l’aide de la végétalisation. Un projet de recherche de la Haute Ecole Spécialisée de Lucerne étudie l’apport d’électricité solaire en fonction de l’orientation des façades, et la meilleure manière de marier PV et végétalisation.
Crédit image: Bundesverband GebäudeGrün e.V.
A Fribourg-en-Brisgau, dans le sud de l’Allemagne, l’hôtel de ville « M1 » est un parfait exemple de végétalisation en façade. Particulièrement efficace en été pour lutter contre les îlots de chaleur.
Le constat est brutal. Au cours des dernières décennies, les températures moyennes ont augmenté en Suisse et cela sera encore plus marquant dans les années à venir. Si aucune mesure n’est prise pour limiter l’effet de serre, les températures pourraient, d’ici deux décennies, être de 2 à 3,3 degrés supérieures à celles de la fin du siècle dernier. C’est ce que prévoit le réseau fédéral de services climatiques (NCCS), en se basant sur le scénario RCP8.5 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
« Si ce scénario extrême se produit, renforcé dans les villes par l’effet d’îlot de chaleur, notre vie en sera fortement affectée et nous devrions prendre des contre-mesures efficaces », explique Gianrico Settembrini, responsable du groupe de recherche sur la construction et la rénovation durables à la Haute Ecole Spécialisée de Lucerne (HSLU). Par contre-mesures, le scientifique entend l’équipement des façades avec des panneaux photovoltaïques, lesquels produisent de l’électricité renouvelable, mais aussi la création de façades végétalisées qui améliorent le confort des citadins lorsque les températures augmentent. Dans ce contexte, une équipe de chercheurs de la HSLU a défini des critères qualitatifs et quantitatifs pour combiner au mieux les modules PV et la végétalisation en fonction de l’orientation de la façade.
Crédit image: Rapport final GreenPV
Les colonnes grises montrent les rendements mensuels d’une installation PV en toiture. Les rendements des modules en façade sont plus faibles, mais sur une période de douze mois, les installations exposées au sud produisent tout de même 82 % par rapport à l’installation sur le toit. A l’est, le rendement est de 68 %, à l’ouest 66% et au nord, il tombe à 35 %.
Cinq typologies de végétalisation de façade ont été analysées. Des simulations de calculs et un essai pratique sur un terrain de la Haute école ont permis de calculer à quel point la création de surfaces vertes sur les murs, mais également dans l’environnement proche avec des pelouses et des arbres, permet de réduire les besoins en énergie pour le refroidissement pendant les journées chaudes. « La végétalisation avec des pelouses et des arbres est loin d’être réalisable partout dans l’espace urbain, affirme Sina Büttner, directrice du contenu du projet de recherche. C’est pourquoi la végétalisation des façades peut représenter une bonne mesure pour réduire la température, même s’il ne s’agit pas de la plus efficace. »
Etonnante
production d’électricité en hiver
La question centrale du projet était de savoir comment combiner photovoltaïque
et végétalisation le plus judicieusement possible, aussi bien du point de vue
écologique qu’économique. Dans leur étude, les chercheurs ont montré que
l’orientation de la façade joue un rôle déterminant. Les modules muraux
n’atteignent certes jamais le même rendement annuel par m² que les modules de
toit surélevés. Mais, comme le montrent les calculs des chercheurs de la HSLU,
ils peuvent s’en approcher s’ils sont exposés correctement au sud : 82 %. En
revanche, sur les façades nord, le rendement tombe à 35 %.
Alors que la pénurie d’électricité en hiver menace, les scientifiques ont fait une découverte prometteuse. Les PV non ombragés sur une façade sud fournissent plus d’électricité qu’une installation sur le toit pendant le semestre d’hiver ! Conclusion du rapport final du projet : « La combinaison de modules PV en toiture ainsi qu’en façade dans différentes orientations (en fonction des horaires d’utilisation et la consommation propre) peut, sur une année complète, être très intéressante et entraîner un rendement électrique élevé (potentiel de surface accru en raison de la combinaison toit-façade). »
Combinaison
intelligente
Les façades végétalisées fixent le CO2 et les installations solaires peuvent
remplacer les sources d’énergie polluantes. Mais leur production et
fabrication, leur entretien et exploitation génèrent des émissions de gaz à
effet de serre. Les chercheurs de la HSLU ont voulu comparer ces émissions et
ont pu démontrer que les façades PV orientées au sud, mais aussi à l’est et à
l’ouest, présentaient tout de même un meilleur écobilan en termes d’émissions
de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie. Cela est dû au fait que
ces installations ainsi orientées génèrent un rendement électrique élevé et
« amortissent » plus rapidement l’énergie grise (et les émissions de gaz à
effet de serre associées) issue du processus de production.
Crédit image: N. Pfoser
Les façades peuvent être végétalisées de différentes manières. Soit par des systèmes grimpants reliés au sol, soit par des liaisons horizontales en contact avec le mur.
La végétalisation et le photovoltaïque sont deux types d’utilisation des façades qui ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients. La végétalisation crée des espaces extérieurs où il fait bon vivre, atténue le bruit, réduit les polluants, produit de l’oxygène et contribue à la biodiversité. Le photovoltaïque soutient l’approvisionnement en énergie sans recours aux énergies fossiles. Les chercheurs recommandent donc de les combiner : il peut en effet s’avérer judicieux de végétaliser la partie inférieure d’un bâtiment, qui est plus proche des gens et plus ombragée, et d’utiliser la partie supérieure pour la production d’électricité solaire. En ce qui concerne le choix des modules PV, les chercheurs de la HSLU se prononcent en faveur de modules opaques performants, car leur rendement élevé les rend avantageux tant sur le plan écologique qu’économique.
Rentable à long
terme
L’inconvénient majeur de la végétalisation reste son coût. Les investissements
sont parfois considérables, quant à l’entretien et aux besoins en eau ils ne
doivent pas être négligés. Les calculs des chercheurs de la HSLU montrent que,
d’un point de vue économique, les façades équipées en photovoltaïque opaque
orienté vers le sud, l’ouest ou l’est sont particulièrement rentables sur
l’ensemble du cycle de vie. Sur 30 ans, un mur équipé de solaire est à peine
plus onéreux qu’une façade traditionnelle avec une installation PV en toiture.