Mike Reynolds, ou la longueur d’avance d’un architecte hippie
On le disait utopiste ou illuminé, aujourd’hui c’est une star. Quand Michael Reynolds, diplômé d’architecture en 1969, s’est lancé dans l’expérimentation des premières écoconstructions, des premiers bâtiments autonomes en énergie et fabriqués à partir de déchets et de matériaux recyclés, peu de ses confrères l’ont pris au sérieux.
Rêveur farfelu ou visionnaire? Né en 1945, Michael Reynolds, fondateur de Earthship Biotecture, poursuit ses combats depuis quarante ans. Tout a commencé en 1978, au Nouveau-Mexique, loin de l’urbanisation galopante des grandes villes nord-américaines. L’homme s’est lancé dans une architecture expérimentale et a inventé des dispositifs constructifs à partir des déchets de la société de consommation: pneus, bouteilles en verre, boîtes de plastique, cannettes en aluminium... Ainsi son nées ses premières maisons : les Earthships.
Dans un earthship
Le principe du Earthship ou Geonef en français, consiste en une autarcie totale. Comme dans une maison passive, son architecture est étudiée pour utiliser au maximum les apports solaires, sur le principe du bioclimatisme. Pas besoin de chauffage ni de climatisation: la serre solaire et ses baies vitrées orientées plein sud, vont emprisonner cette chaleur indispensable au confort de vie. Les nombreuses plantes vertes et cultures de la serre jouent le rôle de régulateurs thermiques. L’excès de chaleur l’été est évacué par une fenêtre en puits à l’avant du toit.
Les chaleurs d’origine humaine et ménagère viennent compléter l’hiver les apports thermiques. On fait l’appoint avec un système de ventilation soit passif (sur le principe du puits canadien) soit en double flux. La masse thermique du earthship, constituée par la terre, absorbe la chaleur en excès de la journée pour la restituer plus tard.
Ainsi, la plupart des earthships sont semi-enterrés, avec un mur de refends en pneus et entièrement recouvert de terre sur la partie nord, pour se protéger des aléas climatiques et du manque d’ensoleillement.
Le temps des désillusions
Personne avant lui n’ayant tenté ce genre de construction, Mike Reynolds fait des recherches et établit, dès 1970, une communauté expérimentale à Taos, au Nouveau-Mexique, sur 640 hectares, où il construira environ 70 de ses maisons expérimentales. Il étend ensuite ses expériences à d’autres régions du monde, sous d’autres climats. Alors que Reynolds se consacre à l’expérimentation de nouveaux concepts, des clients déçus le poursuivent en justice pour des problèmes d’étanchéité, d'inadaptation climatique, d'illégalité et même de dangerosité de ses constructions.LeConseil de l'Ordre des architectesdu Nouveau Mexique lui retire sa licence d'architecte en 1990, et Reynolds Il sombre alors dans une terrible dépression.
Mais à force de livres et de films qui ont diffusé sa pensée et ses 'Géonefs', après avoir travaillé en Argentine et au Chili, l’homme de l’art, soutenu par quelques élites uruguayennes, retrouve sa licence d’architecte en 2007, malgré un acharnement juridique de 17 années.
Vraies et fausses solutions
Avec des décennies de recul sur le concept, on note des pratiques à garder et d’autres à abandonner dans la construction des Geonefs. L’utilisation des pneus recyclés, faciles à trouver, réduit l’impact carbone mais les nombreux additifs toxiques comme le zinc, le noir de carbone, le cadmium, le sélénium contenus dans les pneus demandent de poser un film d’étanchéité et une bonne ventilation pour éviter de respirer ces toxines. Les adaptations au climat ont demandé à Reynolds de rectifier ses calculs à chaque fois pour parvenir à des résultats convaincants. Enfin les normes règlementaires américaines, relativement souples en matière environnementale, demandent souvent des modifications de plans pour l’Europe. Les limites architecturales, le coût global et l’autonomie alimentaire connaitront, sans aucun doute, des améliorations au fil du temps.
Quoi qu’il en soit, Reynolds a prouvé que son architecture présentait des performances inédites, qui ont, plus tard, inspiré de nombreux labels. Et même si le concept des déchets utilisés comme matériaux de construction n’est pas «récupérable» pour les lobbyistes des matériaux conventionnels, une partie des constructeurs alternatifs ont bien intégré le principe.