09:53 ARCHITECTURE

Le BIM envahit le chantier du futur campus Pictet de Rochemont

Écrit par: Jean-A Luque
Teaserbild-Quelle: Avec ses 90 m, la tour sera la plu haute du canton.

Le Groupe Pictet construit actuellement à Genève un complexe audacieux qui s’élance vers le ciel avec une tour de 90 m, la plus haute du canton. Trois autres zones dévolues aux bureaux et au logement, avec également des arcades commerciales et un espace vert en son cœur, compléteront ce nouvel îlot. Le maître d‘ouvrage a misé sur le BIM à toutes les étapes du projet pour maximiser son investissement. Les premières réceptions de locaux et emménagements sont prévus dès cet automne. Le chantier doit être totalement achevé à l’été 2026.

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Crédit image: Avec ses 90 m, la tour sera la plu haute du canton.

Le groupe construit notamment la plus haute tour du canton.

Le projet est ambitieux et se veut un phare de la Genève du XXIe siècle. Dans le quartier des Acacias appelé à devenir le Financial District de la cité, le groupe bancaire Pictet construit actuellement son futur siège : le Campus Pictet de Rochemont accueillera ses 3000 collaborateurs basés à Genève. Sur une surface d’environ 66 500 m², le projet s’articule autour d’une tour de 23 étages et 5 sous-sols, et comprend également deux immeubles de 7 étages qui y sont rattachés, ainsi qu’un bâtiment de logements de 8 étages avec 96 appartements à la location. Le tout accompagné d’arcades commerciales et d’un espace vert au cœur de l’îlot. Avec précisément 90,6 m de hauteur, le futur gratte-ciel sera le plus haut du canton, dépassant de 30 m la tour de la télévision RTS.

Le groupe Pictet a mis la barre très haut en matière d’exigences environnementales et de bien-être pour les occupants du complexe. Il vise les labels SNBS, LEED et WELL au niveau Platinum, le plus exigeant, ce qui en ferait l’un des premiers bâtiments en Suisse et en Europe à répondre à ces standards.

Pour y parvenir, les responsables du projet ont d’emblée misé sur le BIM. Une évidence pour Jean-Hugues Hoarau, responsable de la division Immobilier et Logistique et directeur du projet Campus Pictet de Rochemont : « Le message de Pictet, c’est de prôner l’excellence, d’être pionnier, précurseur. On ne réalise pas un bâtiment comme ça tous les jours. Il est lui-même vecteur de messages. C’est pour cela que nous avons donné la priorité au BIM de manière très pointue qu’il s’agisse des étapes de modélisation et de construction, mais aussi d’exploitation. »

BIM intégré dès le départ
Afin d’atteindre ses objectifs, le groupe bancaire s’est attaché les services de Marjorie Janin, BIM & Smart Building Manager : « Dès le début du projet, nous avons pu intégrer, comme il se doit, le BIM et ses cas d’usages dans les appels d’offres des futurs concepteurs. Le choix des mandataires de conception, puis de l’entreprise, ne s’est bien entendu pas fait sur le seul critère BIM, mais c’est un critère qui a toujours été pris en compte par le maître d’ouvrage. Par exemple, pour départager plusieurs candidats jugés similaires sur les aspects techniques ou financier... Le BIM a toujours été intégré aux auditions des candidats. Un audit de maturité a été réalisé après chaque adjudication. S’ils manquaient de maturité BIM, nous nous sommes interrogés sur leur aptitude à le combler et comment. »

10 gigas de données
« Le projet ne comporte pas moins de 70 maquettes numériques, majoritairement produites sous Revit, avec un découpage par bâtiment (infra et superstructure) et par métier  ; ce qui représente un poids total de plus de 10 gigas de data, précise Marjorie Janin. Il est réalisé en BIM niveau 2, avec un petit plus puisque le travail se fait en temps réel sur le cloud BIM Collaborate PRO d’Autodesk. »

Quelques cas d’usage d’étude démontrent à quel point le BIM a permis d’anticiper et donc gagner du temps et de l’argent sur le projet. La 5D a permis notamment de lier les coûts à la maquette numérique : les soumissions issues de la maquette ont permis de vérifier précisément les quantités pour que les achats soient au plus juste des besoins. Les percements, produits et validés en 3D, et leur gestion ont intégré directement le travail du maçon aux plans de coffrage. La coordination 3D et les logiciels de clash detection ont été largement mis à contribution pour les plans d’installation du chantier et la communication avec tous les intervenants, notamment dans les zones d’interférences avec d’autres chantiers tels que ceux de la remise à ciel ouvert de la rivière Drize ou le tunnel qui rejoint Pont-Etoile.

Aux limites du BIM
Le BIM est aujourd’hui ancré dans les mœurs pour tous les projets d’une certaine ampleur, mais jamais il n’a été poussé aussi loin dans ses limites, notamment en phase d’exécution. Sur le chantier du Campus, toutes les entreprises utilisent la maquette numérique, tous les chefs d’équipes et conducteurs de travaux sont équipés de tablettes. Tout le monde travaille sur la même interface. Et pour que la communication passe à tous les niveaux, auprès de tous les ouvriers, des plans papier sont fixés aux murs avec des images 3D explicatives tirées de la maquette numérique.

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Crédit image: Jean-A. Luque

Un parc, espace vert au milieu de l’îlot, sera visible et accessible aussi bien aux usagers de la tour de 23 étages qu’à ceux des trois autres immeubles de bureaux et de logements qui composent le complexe.

Cyril Thillaye du Boullay, ingénieur civil EPFL, est le responsable BIM chez HRS, l’entreprise totale en charge du Campus Pictet de Rochemont  : « Nous sommes très satisfaits d’avoir poussé le BIM to field aussi loin. Les maçons, par exemple, n’ont plus eu besoin de plans papier. Pour une partie du projet, Ils ont récupéré la maquette numérique dans leur tablette. Une station totale a ensuite fait le traçage sur le site. Le laser pointait l’angle choisi, traçait les murs, indiquait les éléments à couler. »

« Nous avons également mis à contribution les simulations avec suivi 4D, poursuit Cyril Thillaye du Boullay. Il s’agit concrètement d’un time lapse de la maquette numérique. Cela a été particulièrement utile pour des locaux techniques très denses, où nous avons jusqu’à cinq nappes différentes de supportages qui se superposent et s’entremêlent; une véritable forêt d’équipements. Avec ces simulations où tout a été modélisé, nous sommes capables de déterminer qui fait quoi, où et quand. Cela représente un gain de productivité énorme avec une minimisation du risque d’erreur importante. Nous l’avons aussi implémenté pour le salon panoramique qui occupe plusieurs niveaux et où s’accumulent porte-à-faux, béton, structure métallique, windshield (protection contre le vent qui fait office d’échafaudage) et nécessite beaucoup d’intervenants. Avec la vidéo de la construction virtuelle issue de la maquette, étudiée par les chefs de projet et les conducteurs de travaux des entreprises concernées, nous avons pu anticiper et voir ce qu’il fallait changer et corriger. Nous avons été moins bloqués sur le chantier, grâce à cette planification visuelle. »

Outils d’intelligence artificielle et de réalité virtuelle
Des outils d’intelligence artificielle ont également été mis à contribution, particulièrement dans l’auditorium – projet dans le projet –, dont la forme et la courbure de galet arrondi sont très complexes. Dans cet espace, il faut allier béton et maçonnerie, avec des tolérances au centimètre, à une machinerie d’événementiel où la tolérance est, elle, de l’ordre du millimètre. « Nous avons testé avec succès des outils IA qui lient nuage de points et maquette numérique, explique le responsable BIM. Cela nous a permis de fiabiliser les ouvertures au millimètre, de les changer et de les corriger quand cela était nécessaire. Pour l’auditorium, qui est un espace très particulier et confiné, cela s’est avéré très profitable. Mais notre retour d’expérience montre qu’il y a trop de données à collecter et étudier si c’est utilisé à grande échelle. L’investissement en temps et le coût de ces outils sont prohibitifs. Il y a aussi trop de faux positifs qu’il faut vérifier un par un. »

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Crédit image: Jean-A. Luque

Un escalier monumental et élégant trône au sein de la tour du Campus. Grâce à la 3D, la production du coffrage a été réalisée sur mesure.

Si l’intelligence artificielle a été utilisée avec parcimonie, cela n’est pas le cas de la réalité virtuelle qui a été constamment mise à profit. En effet, le casque HoloLens a permis de vérifier la qualité des travaux, l’adéquation entre le construit et la maquette numérique. Cette lunette de réalité mixte, adaptée aux casques de chantier, permet de simuler des hologrammes qui s'intègrent dans le champ de vision de l'utilisateur. Concrètement, le casque HoloLens, muni d’un mini-ordinateur, superpose la maquette avec l’environnement réel. En jargon technique, on parle de récolement des maquettes BIM pour abou-tir à une maquette as-built, « telle que construite ». Quand le contrôleur constate des divergences, il lui suffit de prendre une photo du lieu incriminé. Via son casque, il l’introduit dans la maquette numérique avec envoi direct aux parties concernées pour correction.

Aucune limite
Toute cette technologie liée au BIM a bouleversé les habitudes de travail sur le chantier. « Bien sûr, il y a eu quelques résistances au début, confie Cyril Thillaye du Boullay. Et cela n’a pas été facile tous les jours. Le facteur humain et la peur du changement sont importants. Mais aujourd’hui, tout le monde utilise un smartphone, le reste doit pouvoir suivre. Dès le départ, les règles étaient claires  ; contractuellement les entreprises ont été obligées de suivre les retouches à faire de manière digitale. D’autant plus que le maître d’ouvrage est très exigeant dans ce domaine et très impliqué dans toutes les validations. »

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Crédit image: Jean-A. Luque

L’élévation de la tour n’a pas été accompagnée d’échafaudages traditionnels. En effet, directement arrimée aux dalles, une protection de façade grimpante dite «windshield» a été utilisée. Une première dans le canton de Genève.

Question créativité et inventivité, le Groupe Pictet ne se met en effet aucune limite. « Aujourd’hui, nous mettons en place le BIM Exploitation et inventons nos besoins, insiste Jean-Hugues Hoarau. Nous voulons que notre Campus soit le plus efficient afin d’obtenir un retour sur investissement. Notre bâtiment doit être la première référence européenne en termes d’exploitation. Notre groupe a une vie intense à l’intérieur de ses murs. Une vie technique avec des installations qui fonctionnent, s’entretiennent, vieillissent. Mais aussi une vie intrinsèque où 1500 personnes déménagent chaque année. Ce qui veut dire réaménager des chaises, des bureaux et des postes informatiques à chaque fois. L’efficience passe par l’utilisation des espaces, des actifs et de nos biens. Le BIM doit nous permettre une meilleure gestion des coûts et des ressources. Demain, le Campus Pictet de Rochemont sera un édifice avec des actifs communicants, des matériaux divers, des quantitatifs online… Comme un compte bancaire qui se compose de devises, d’investissements en actions, en obligations ou des EFT. » ■

Zéro énergie fossile grâce à la géothermie

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Pour aménager l’arrivée de ce complexe, il a fallu déblayer 80 000 m3 de terre et matériaux, soit de quoi remplir 35 piscines olympiques ou encore plus de 9000 camions ! Ces déblais ont été évacués par train grâce à la proximité immédiate de la gare marchandise de la Praille.

Des pieux-barrettes en béton ont été ancrés jusqu’à 72 m de profondeur. Ensuite, ce ne sont pas moins de 80 000 t de béton qui ont été coulées et 8000 t d’acier (300 t de plus que la tour Eiffel) qui ont été nécessaires à l’édification de la tour et de l’îlot. Partout où cela était possible, notamment sur les parties non porteuses, le béton recyclé a été privilégié. Les façades font aussi la part belle à l’aluminium recyclé et au verre.

L’élévation de la tour n’a pas fait appel à des échafaudages traditionnels. En effet, une protection de façade grimpante dite windshield a été utilisée, une première dans le canton de Genève. Cet échafaudage mobile qui recouvre trois niveaux est arrimé directement aux dalles. Il accompagne l’élévation de l’édifice et une grue le soulève progressivement après chaque étape.

La durabilité est une priorité du Campus Pictet de Rochemont. Le complexe n’a recours à aucune énergie fossile. Pour cela, il fait appel à la géothermie avec 99 sondes de 350 m de profondeur et récupère également la chaleur dans des collecteurs d’eaux usées. Des panneaux photovoltaïques en toiture et la récupération des eaux de pluie sont également au programme.

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