L’art de la surélévation : de la subtilité dans la continuité
Quand la surface au sol vient à manquer, les architectes cherchent à gagner en hauteur. Un défi tant structurel qu’esthétique. En Suisse romande, les projets foisonnent, réinventant le bâti sans le dénaturer. Tour d’horizon à Lausanne, à l'occasion du Swiss Arc Afterwork d'Infopro Digital Suisse sàrl.
Crédit image: Jean-A. Luque
Rehausser un bâtiment n’est pas toujours synonyme d’ajout de niveaux. A Val d’Illiez, il était indispensable de gagner de la hauteur sous plafond pour réhabiliter un vieux chalet en maison de commune. Ce rehaussement est souligné et revendiqué par les madriers flambants neufs qui contrastent avec le bois brûlé.
La surélévation des bâtiments existants est une des pistes les plus fréquemment suivies pour répondre au défi de la densification. A Lausanne, le 4 septembre dernier, l’événement Arc Afterwork a abordé cette problématique au Musée olympique. Devant une salle comble, neuf architectes sont venus présenter des projets concrets de surélévation. Le résultat s’est avéré passionnant grâce à un format aussi concis qu’efficace : les intervenants disposaient de 20 images à commenter et seulement 20 secondes par illustration. L’occasion de découvrir une multitude de points de vue différents ; chaque professionnel ayant sa signature toute personnelle quand il s’agit de réinterpréter un édifice en lui ajoutant un ou deux niveaux supplémentaires.
L’ajout d’étages à un bâti présente de nombreux avantages en mettant un frein au mitage du territoire et en préservant des terres précieuses pour le vivant. Cette densification, dite douce, minimise également l’empreinte carbone en évitant des travaux lourds structurels et des matériaux de construction superflus. Mais les contraintes sont à la hauteur du challenge. Ces transformations de gabarit modifient les perspectives urbaines, transforment la rue et les équilibres de quartier, dérangent par leur ombre portée.
Se distinguer
sans dénaturer
Comme l’a justement relevé en préambule Jean-Paul Jaccaud, le principe de la
surélévation n’est pas nouveau. Ce principe architectural a toujours existé.
Toutes les grandes villes se sont construites en Europe sur elles-mêmes au gré
de différentes vagues de surélévation. A Paris, dès le Moyen Âge, les bâtiments
ont gagné en hauteur pour faire face à des besoins de logements supplémentaires
dans un territoire contraint. Les règles d’urbanisme ont permis régulièrement
le développement de ce procédé. Genève et les autres grandes cités suisses n’y
ont pas échappé. Et Jean-Paul Jaccaud de relever l’importance de « la
cohérence dans le bâti », « l’invisibilité de l’intervention » et la
« prolongation du déjà là ». De la subtilité dans la continuité.
Crédit image: Pedro Gutiérrez
Neuf architectes de Suisse romande (et Berne) sont venus présenter à Lausanne leurs réalisations. L'imagination et la diversité d'approche a séduit l’audience.
Cette délicatesse dans l’art de gagner de la hauteur se retrouve dans de nombreux projets présentés au Lausanne Arc Afterwork. Il s’agit toujours de distinguer l’ajout sans heurter ou dénaturer le socle initial. A Genève, le bureau Lacroix Chessex Architectes a joué sur le contraste du collage en gardant la trame structurelle initiale, mais en ajoutant un chapiteau sur colonnes. A Lausanne, Localarchitecture s’est inspiré des toits mansardés du quartier pour réinterpréter le toit brisé avec des lignes diagonales se démarquant par leur modernité.
Crédit image: Pedro Gutiérrez
Plus de 200 passionnés ont assisté au Lausanne Afterwork dans l’auditorium du Musée olympique.
En Valais, au cœur du village de Val d’Illiez, la transformation d’un chalet historique de 1891 en bâtiment administratif s’est heurtée, pour sa part, au manque de hauteur sous plafond. La surélévation, dans ce cas précis, n’a pas cherché à gagner de la surface habitable, mais à garantir une hauteur d’étage suffisante. Chaque niveau a été surélevé de manière artisanale par deux charpentiers à l’aide de crics et de cales, puis des madriers ont été ajoutés. Madeleine Architectes qui a mené le projet a assumé au grand jour la métamorphose de l’édifice avec ses nouvelles strates de bois neuf et clair qui contrastent avec le vieux bois brûlé.
Matériau roi
Le bois est une constante dans la majorité des projets de surélévation. En
effet, les structures historiques des bâtiments n’ont pas forcément été
calculées pour accueillir le poids supplémentaire d’un ou deux étages. Le bois,
matériau roi, a de nombreux atouts à faire valoir : outre sa durabilité, il
est à la fois léger et assez robuste. Et quand cela ne suffit pas, certains
architectes et ingénieurs n’hésitent pas à alléger les dalles de béton
surdimensionnées et trop lourdes en les piquant pour gagner des kilos
dangereux.
Charpentes, murs ou planchers, le bois est omniprésent. Et parfois même, il se présente sous forme de container ou de pavillon modulaire. Pont12 Architectes l’utilise quasiment de manière industrielle pour assurer ses surélévations scolaires. Tout est préfabriqué en usine. Rapide. Efficace. Reproductible à l’envi...