Blake et Mortimer plongent dans une Bruxelles aux allures de Tchernobyl
Avec "Le Dernier Pharaon", la nouvelle aventure de Blake et Mortimer qui sort le 29 mai, François Schuiten rend hommage à Edgar P. Jacobs, mais aussi au Palais de Justice de Bruxelles et à sa ville qu’il réinvente dans univers post-apocalyptique. Capitale irradiée où nature et hommes reprennent possession des lieux.
Fils d’architecte, frère d’architecte, François Schuiten est connu pour sa passion de … l’architecture et de l’urbanisme. Les perspectives des édifices, la relation entre l’homme et le bâti sont omniprésents dans son oeuvre, notamment ses «Cités obscures». Il récidive aujourd’hui avec «Le Dernier Pharaon», une aventure crépusculaire de Blake et Mortimer, les deux héros immortels d’Edgar P. Jacobs.
Le point de départ de cette aventure a été imaginé par Edgar P. Jacobs lui-même qui, en trois lignes, avait jeté un embryon d’histoire: l’ennemi juré, Olrik, s’empare des émetteurs de l’Institut national de radiodiffusion logés dans le dôme du Palais de Justice de Bruxelles et paralyse la planète par ses radiations. Le scénario revisité par François Schuiten et ses coauteurs Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et Laurent Durieux est juste brillant. Exit Olrik. Mais Blake et Mortimer, les deux héros vieillissants, sont confrontés à de mystérieux rayonnements, ondes telluriques qui s’échappent du Palais de Justice et menacent de paralyser toutes les technologies mises en place par l’homme: moteurs, électricité, télécommunications, ordinateurs…
Prison d'échafaudages
Le Palais de Justice est sans conteste le personnage principal de cette intrigue. L’édifice massif, monument du patrimoine, que tous les Bruxellois connaissent à l’abandon, bardé d’échafaudages, a toujours fasciné François Schuiten. Dans son imaginaire, cet exosquelette de métal devient une cage de Faraday pour contenir les champs électromagnétiques. Les décorations qui émaillent le Palais de Justice sont, eux, des indices qui associent le bâtiment aux pyramides égyptiennes. Il n’en faut guère plus pour que l’intrigue s’inscrive dans la suite du chef d’œuvre de Jacobs: «Le Mystère de la Grande Pyramide». Les amateurs seront ravis de détecter aussi de subtiles références à d’autres bandes dessinées cultes, notamment «Le Piège diabolique» ou «L’Incal» de Moebius et Jodorowsky.
Ce récit fantastique nous emmène dans une Bruxelles aux allures de Tchernobyl où la nature reprend ses droits. Il aborde aussi des thématiques contemporaines incontournables: la place de la technologie dans nos vies, quelle ville pour notre futur, la décroissance, la migration, les lanceurs d’alertes qui s’opposent à l’ordre établi… Mais inutile de trop en dévoiler. Rien ne vaut le plaisir de la découverte de cette bande dessinée au graphisme et aux couleurs affirmées, oeuvre d’auteur à part entière.
«Le Dernier Pharaon» est à n’en pas douter «la» bande dessinée événement de l’année. Son tirage est impressionnant: 230'000 exemplaires. Outre l’édition normale de 92 pages, une édition demi-format à l’italienne est commercialisée dès le mercredi 29 mai, en attendant, pour les collectionneurs, l’édition bibliophile en noir et blanc annoncée pour novembre...