Forte menace sur les prix après la décision du Conseil fédéral
Le patron d'Axpo, Heinz Karrer, a mis en garde contre un choc sur les prix de l'électricité en cas de sortie du nucléaire. Il estime que renoncer à l'atome pourrait faire grimper la facture d'un tiers.
"Si l'on souhaite un approvisionnement en énergie fiable et concurrentiel, prendre des décisions émotionnelles est contre-productif", a déclaré Heinz Karrer dans un entretien publié par le journal dominical alémanique "SonntagsZeitung". Il salue au passage l'attitude "objective" de la ministre de l'énergie Doris Leuthard dans le débat qui agite le pays depuis la catastrophe de Fukushima.
"J'ai déjà vu des politiciens changer d'avis"
Bien qu'en cette année d'élections fédérales la quasi-totalité des partis soient contre l'énergie atomique, Heinz Karrer espère toujours un soutien du monde politique dans le futur. "J'ai déjà vu des politiciens changer à nouveau d'avis", souligne le directeur général du fournisseur d'électricité zurichois. La construction de nouvelles centrales dans les années à venir est cependant devenue hors de question.
Plus de cent millions de francs par année à Axpo
Renoncer à ces nouvelles centrales représente un "énorme dommage" pour Axpo. Du fait que la société appartient aux cantons du nord-est de la Suisse, les finances publiques sont aussi touchées, et au final, les citoyens également, note Heinz Karrer. La fermeture des centrales existantes coûterait par ailleurs plus de cent millions de francs par année à Axpo.
Lors du 5ème Congrès suisse de l'électricité à Berne les 10 et 11 janvier 2011, des experts en économie énergétique ainsi que des représentants des milieux politique et économique ont discuté de l'avenir de l'approvisionnement électrique en Suisse et en Europe.
L'Association des entreprises électriques suisses (AES) réagit "avec grande inquiétude"
Ce choix exclut "d'importants critères permettant un approvisionnement en électricité fiable, économique et respectueux du climat". L'impact de ce changement de stratégie sur l'économie n'est pas clairement présenté, écrit l'association mercredi dans une prise de position, en faisant allusion à la hausse des prix. La dépendance de la Suisse vis-à-vis de l'étranger va augmenter, d'autant plus qu'aujourd'hui déjà, le pays est contraint à importer du courant en hiver, rappellent les entreprises électriques.
Les Forces motrices bernoises (FMB), exploitantes de la centrale nucléaire de Mühleberg, ont en revanche pris connaissance "avec inquiétude" de la décision du Conseil fédéral. Une sortie progressive mais définitive du nucléaire rendra plus difficile à l'avenir la garantie d'un approvisionnement en électricité sûr, économique et peu émetteur de CO2, ont communiqué mercredi les FMB.
Axpo, qui exploite la centrale de Beznau et a des participations dans celles de Gösgen et Leibstadt, juge la décision du Conseil fédéral "rapide et prise sous une grande pression politique". Elle conduira à une situation problématique pour l'approvisionnement, pronostique-t-il. De plus, la sortie du nucléaire implique des interventions étatiques importantes ainsi que des coûts élevés pour les consommateurs. Une décision d'une si grande portée doit absolument être soumise au peuple, estime l'entreprise.
Alpiq, exploitant de la centrale de Gösgen (SO), estime aussi que le peuple doit avoir le dernier mot sur l'orientation de la future politique énergétique. D'ici là, Alpiq ne poursuivra pas le projet de construction de nouvelles centrales. Le groupe entend investir un milliard de francs dans les nouvelles énergies renouvelables afin de quintupler la part de production issue de ces énergies.
L'Agence des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique se réjouit quant à elle de la décision "pionnière" du Conseil fédéral. Le chapitre de l'énergie atomique va ainsi définitivement prendre fin, écrit-elle mercredi dans une prise de position. Selon l'agence, ce choix signifie l'entrée effective dans un approvisionnement énergétique durable et favorable pour l'économie.