Construction d’un nouveau «centre de vie» à Romanel
Le centre commercial Migros de Romanel, datant des années 1970, fait peau neuve. Imaginée par le bureau Fehlmann architectes SA, la transformation vise à créer un complexe inédit. Pour y arriver, les intervenants ont misé sur la création d’un nouveau volume marqué par des façades contemporaines et une grande marquise.
Construit dans les années 1970, le grand centre commercial décati, implanté sur la route qui relie Lausanne à Cheseaux, avait de grosses faiblesses logistiques et ne répondait plus aux exigences contemporaines des utilisateurs. D’abord sous l’enseigne Carrefour puis repris par Migros Vaud en 1991, il avait connu au fil des décennies différents rajouts, tant au niveau des volumes greffés au bâtiment principal qu’à celui du parking. L’ensemble souffrait donc d’un manque de clarté et d’harmonie visuelle. «Parmi les principales faiblesses du complexe existant, le parking présentait une série de piliers conséquents, environ un par place, réduisant la marge de manœuvre des automobilistes. De plus, la zone de livraison située au nord-ouest était relativement chaotique et toutes les techniques du bâtiment étaient vétustes, voire plus aux normes», détaille Serge Fehlmann, architecte associé de Fehlmann Architectes SA. Sous la houlette de Migros Vaud, le bureau basé à Morges a donc entrepris un projet de transformation du bâtiment et du parking visant à retravailler et relier les deux volumes, à savoir le bâtiment principal et le parking, tout en mettant en valeur un front d’accueil qui fasse à la fois office d’espace de rencontre et d’identité visuelle du lieu. Pour cela, seul un quart du centre originel est conservé. Tout le reste est reconstruit sur deux niveaux, pour donner du sens au parking et une relation directe avec lui, via une grande passerelle. «Le radier a été conservé ainsi qu’une partie de la structure métallique qu’il a fallu renforcer au niveau des éléments verticaux et des dalles porteuses en raison des charges des nouveaux services prévus en toiture», note Nicolas Fehlmann, ingénieur civil et directeur du bureau éponyme.
Conserver l’esthétique d’origine
Le nouveau bâtiment s’inscrit dans le gabarit du volume existant, mais accueille de nouveaux niveaux intermédiaires. La structure est composée d’une charpente métallique et de dalles en béton, afin de répondre aux contraintes du planning serré et conserver l’esthétique du bâtiment d’origine.
Le rez-de-chaussée comprend le parking qui fait face à un espace vert à l’entrée du complexe. Le grand hall d’accueil distribue tous les commerces de l’étage, notamment le supermarché MMM, et est relié au premier étage par une grande coursive qui se développe sous deux puits de lumière. Ce niveau supérieur comprend des boutiques, deux restaurants, les bureaux administratifs et les dépôts. La zone de livraison située à l’arrière du centre, côté nord-ouest, a été entièrement réorganisée. La rampe d’accès a été abaissée afin de pouvoir livrer à quai, ce qui facilite la manutention des marchandises et garantit une meilleure chaîne du froid. De plus, une bute a été créée en hauteur pour réduire les nuisances sonores vis-à-vis du quartier résidentiel situé à l’arrière du site.
Point fort: les façades
Au niveau du concept architectural, le point fort du projet tient dans le traitement des façades. A l’image d’un coquillage, l’enveloppe est marquée sur trois côtés par un traitement mat et discret, tandis que la dernière face transparente et colorée invite à pénétrer dans son antre. Les trois façades ventilées sont composées de tôles mates marron, rapportées sur des façades isolantes, tout comme la façade du parking. Les spécialistes du bureau BCS, basé à Neuchâtel, ont étudié et planifié le projet développé par Fehlmann Architectes visant à les rendre attractives, dynamiques et élégantes, malgré leur longueur importante, avec des ailettes verticales, espacées différemment et de manière aléatoire. La façade principale du bâtiment donnant sur le parking est traitée de manière plus animée pour représenter l’ouverture du centre. «Pour cela, nous avons réalisé une façade rentrante à double peau. La première couche est en profilit à lame de verre verticale, la seconde en panneaux de type sandwich qui sont colorés en vert, orange et jaune. Ces derniers sont composés de deux faces en acier traité et thermolaqué et d’un noyau isolant avec des caractéristiques physiques performantes. Entre les deux couches, un espace tampon forme une sorte de coursive», développe Philippe Bissat, directeur associé bureau BCS SA. Au niveau structurel, les façades viennent s’accrocher sur le système primaire de la charpente métallique du bâtiment avec des systèmes de bacs métalliques directement fixés sur la charpente. Le jeu de camaïeu coloré en transparence donne un effet de profondeur à l’entrée, tout en arborant les couleurs associées à l’enseigne commerciale mais aussi à l’environnement et à la modernité.
Grande marquise à l’entrée
Dans le même sens, l’entrée est mise en valeur par une grande marquise dont la ligne descendante a pour effet d’accentuer l’entrée du centre tout en abritant l’accès. Composée d’une charpente métallique et de tôle d’aluminium éloxé, elle contribue à donner au complexe un caractère contemporain. La toiture plate accueille les locaux de service et deux verrières de forme triangulaire qui inondent de lumière les circulations verticales.
Anciennement sur deux niveaux, un rez-de-chaussée et un premier niveau, totalisant chacun 500 places, le parking a nécessité de lourdes transformations. La dalle en béton du niveau supérieur avait des porteurs qui avaient une trame de 7,5 m x 7,5 m. Les circulations au niveau du rez-de-chaussée ne correspondaient plus aux normes actuelles avec des places trop étroites et des voies de circulation compliquées entre les piliers existants. Le projet visait à simplifier la circulation et augmenter le confort des utilisateurs. Pour cela, la trame des piliers a été réduite à 7,5 m x 7,5 m. Environ 100 piliers ont été supprimés, sur un total de 202 piliers. «La question de refaire une nouvelle dalle s’est posée. Techniquement, une démolition et reconstruction auraient été plus simples, mais les contraintes liées à l’exploitation du centre commercial pendant le chantier ont imposé la solution de transformation de la dalle existante. Ce qui permet de garantir environ 60 % des places de parking disponibles pendant la durée des travaux», relève l’ingénieur civil. Les ingénieurs ont utilisé tout un panel de technologies à disposition pour consolider la dalle. Ils ont rajouté un surbéton sur le béton existant de la dalle, augmenté la précontrainte à l’intérieur du béton existant et du sur béton et collé des lamelles en fibres de carbone sous la dalle existante. «Ce genre de défi est peu courant. Nous avons rempli les piliers subsistants de béton, mais aussi accru la résistance au poinçonnement de la dalle avec des têtes en profilés métalliques. Les fondations ont également dû être renforcées par le biais de micro pieux ou d’élargissements», poursuit le spécialiste.
Travaux par étapes
Comme c’est le cas de la plupart des centres commerciaux en rénovation, le chantier ne devait pas entraver l’ouverture des commerces. Les travaux ont donc été réalisés par étapes. La première phase du chantier qui a démarré le 2 mai 2011 concernait les transformations de la partie sud du bâtiment, notamment la création de la zone alimentaire Migros dans sa configuration définitive. Ensuite, la partie nord a été démolie afin d’y construire le nouveau mall d’une surface de vente totale d’environ 13 700 m2 au lieu des 11 000 m2 du bâtiment d’origine. L’ouverture du supermarché et du centre commercial dans son intégralité est prévue pour fin novembre 2013. «Nous avons pu maintenir les commerces ouverts pendant les travaux de reconstruction à l’aide d’une simple cloison en bois isolée. En hiver, ce n’était pas simple. Certaines boutiques ont été déplacées dans des zones non touchées par la transformation ou dans des locaux provisoires sous le nouveau parking», explique Pierre Santschy, chef de projet pour le compte du bureau Fehlmann architectes SA. (Emilie Veillon)
Evelyne Emeri, responsable du service Communication, à Migros Vaud
L’investissement pour votre nouveau MMM Romanel est le plus élevé de l’histoire de Migros Vaud. Pour quelles raisons ?
Un investissement colossal, en effet. Nous parlons de près de 100 millions de francs. Les raisons sont simples et évidentes, il fallait effectuer une refonte totale de notre Centre commercial défraîchi, tout en relevant le challenge de maintenir en exploitation l’entier des surfaces commerciales Migros Vaud et des enseignes partenaires durant plus de deux ans et demi de travaux.
Qu’est ce qui caractérise un tel «centre de vie» ? Et en quoi celui-ci sera exemplaire, innovant ou futuriste ?
Notre volonté est d’aller au-delà de l’aspect purement commercial de notre futur Centre en y apportant une valeur ajoutée : que notre MMM Romanel devienne non seulement un véritable centre de vie où les gens – de tous âges confondus et de tous horizons - viennent consommer, mais qu’il se mue également en un lieu de rendez-vous incontournable. Qui sait, dans quelques mois, le « Romanel 2013 » sera peut-être « The place to be » ? C’est en soi une petite révolution. Avec ce chantier, nous avons précisément voulu anticiper les besoins liés au développement et à la croissance démographique de Romanel et de sa région, ainsi que du nord de Lausanne (projet Métamorphose). Cette reconstruction intègre en outre le nouveau concept national des magasins Migros, dont les points forts sont l’optimisation de l’espace, le confort d’achat, la luminosité et la fraîcheur.
Ce chantier est le plus important de Migros Vaud en 66 ans d’existence, il va permettre de passer d’un complexe vieillissant à un centre contemporain. Pourquoi avoir choisi celui-ci en particulier ?
Ce Centre nécessitait d’être complètement repensé et, partant, d’offrir une nouvelle conception des espaces. Ceci, afin de proposer un environnement plus chaleureux et de répondre ainsi toujours mieux aux attentes de notre clientèle. Le bâtiment avait été conçu selon les standards des hypermarchés français Carrefour de l’époque. Quand Migros Vaud l’a racheté en 1991, nous avions du reste déjà dû l’adapter en vue de nous calquer aux critères Migros. Depuis, ces critères et les modes d’exploitations ont beaucoup évolué. Exemples : la chaîne du froid (optimisation des accès pour toute la logistique), le ratio surface de vente (maximisée) - surface arrière (minimisée), le confort de travail des collaborateurs et le bien-être des consommateurs.
Le complexe se veut le plus écologique possible. Comment comptez-vous y parvenir ?
En termes de construction, Migros Vaud respecte les standards Minergie. Par exemple, les épaisseurs d’isolation en façades et en toitures ; la remise à neuf des installations techniques, dont la production du froid commercial ; des portes vitrées sur nos frigos en magasins ; ou encore des places de parc pour vélos et voitures électriques.
Au niveau architectural, quels sont les points forts du projet selon vous ?
La luminosité dans le mall, une façade «vivante», dotée d’un jeu d’éclairage LED et de couleurs, un accès clients plus direct et plus fluide, une lecture immédiate de l’entier de l’offre commerciale de par la nouvelle configuration des lieux (un mall sur deux niveaux avec verrières), une meilleure répartition des espaces et des places de parc plus larges. Le concept architectural va par ailleurs donner un sacré coup de jeune à notre MMM Romanel et une superbe touche de modernité, tout en restant très sobre.
Quels sont les autres projets en cours de Migros Vaud ?
Un nouveau magasin tout juste inauguré à Clarens, deux nouvelles constructions en cours à Rolle et au Sentier en remplacement des points de vente existants, ainsi que l’ouverture d’une toute nouvelle surface sur le campus de l’EPFL.
Propos recueillis par Emilie Veillon
LES INTERVENANTS
Propriétaire et maître de l’ouvrage
Société Coopérative Migros Vaud
Architecte - bâtiment/parking
Fehlmann Architectes SA, Morges
Architecte - modules Migros
Batigestion Sàrl, Boudevilliers
Architecte d’intérieur - restaurant
FIP Studio Fischli SA, Bioggio
Coordination CVCSEF
I-Project Crissier, Crissier
Ingénieur civil
Nicolas Fehlmann Ingénieurs Conseils SA, Morges
Ingénieur-civil - expertises
Daniel Crottaz, Cugy
Ingénieurs en électricité
Betelec SA, Villars-Ste-Croix
Ingénieur CVCS
Sorane SA, Ecublens
Ingénieur froid commercial
SSP Kaelterplaner AG, Oensingen
Ingénieurs civils et études d’environnement
Schopfer & Niggli SA, Lausanne
Ingénieur géotechnique
Karakas & Français, Lausanne
Géomètre
Courdesse & Associés SA, Ingénieurs & Géomètres SA, Echallens
Ingénieur électricien (éclairage int.)
Hefti.Hess.Martignoni, Aarau
Concept sécurité
D.E.S. Systèmes de sécurité SA, Romanel-sur-Lausanne
Etude acoustique
AcoAcoustique SA, Lausanne
Etude accès routiers
Transitec, Ingénieurs Conseils SA, Lausanne