Ces « cascarones » de béton qui allient esthétique et économie de matériau
Avant-gardiste, l’architecte espagnol Félix Candela a démontré qu’il était possible de concevoir des structures avec très peu de moyens en utilisant des formes innovantes alliant légèreté, élégance et science de l’ingénierie. Une rétrospective a levé le voile à Genève sur ses coques de béton.
Crédit image: Jean-A. Luque
L’ancienne usine Sicli – aujourd’hui Pavillon Sicli – est reconnue parmi les bâtiments d’intérêt du XXe siècle à Genève. Un écrin idéal pour exposer le travail et les maquettes de Félix Candela.
Impossible de trouver plus bel écrin pour mettre en valeur le travail de Félix Candela. Fasciné par l’ingénierie, ce dernier a créé des bâtiments d’une élégance et d’une légèreté à couper le souffle avec des coques d’une finesse extrême, des voiles de béton aussi gracieuses que résistantes. Et c’est au Pavillon Sicli, à Genève, dans cet édifice à la coque de béton tout en courbe et légèreté qu’une exposition a mis en valeur avec force maquettes, dessins, plans et photos le travail exceptionnel de l’architecte espagnol, exilé au Mexique.
Crédit image: Jean-A. Luque
Spécialement créée pour l’exposition, une reproduction inédite du Pavillon du jardin botanique d’Oslo (1962), à l’échelle 1 : 3, a plongé les visiteurs dans une exceptionnelle mise en abîme.
L’exposition qui s’est tenue du 23 août au 15 septembre, soutenue notamment par Induni & Cie SA, a mis en lumière plus de vingt bâtiments emblématiques issus de l’œuvre singulière de Candela. Pièce maîtresse de l’événement, spécialement créée pour l’occasion, une reproduction inédite du Pavillon du jardin botanique d’Oslo (1962), à l’échelle 1 :3, a plongé les visiteurs dans une exceptionnelle mise en abîme. Protégée par la toiture du Pavillon Sicli, conçue et réalisée par l’architecte Constantin Hilberer et l’ingénieur Heinz Isler, elle se faisait l’écho visuel des innombrables maquettes exposées.
Une réponse aux
défis d’aujourd’hui
Admirer aujourd’hui l’œuvre de Félix Candela, né en 1910, c’est redécouvrir les
avantages structurels et virtuoses de la paraboloïde hyperbolique. Les coques
de béton qu’il élève – appelées « cascarones » - se caractérisent en effet par
des doubles courbures gracieuses, mais aussi par l’économie de matériau
employé. Une rationalité qui s’explique par les conditions dans lesquelles
l’architecte a œuvré au Mexique dans les années 1950.
A l’époque, le béton est aussi rare que cher, alors que la main-d’œuvre est abondante et bon marché. Les toitures sont développées à partir de lignes droites, avec des coffrages et poutres rectilignes particulièrement économiques. Sur les chantiers, des centaines d’ouvriers travaillent à la main, amènent le béton avec des seaux, puis talochent. Une méthode aussi simple qu’efficace et rationnelle.
Crédit image: Jean-A. Luque
Photos, plans, dessins et maquettes à diverses échelles ont permis d’apprécier les multiples facettes de l’œuvre de l’architecte espagnol.
Face aux défis climatiques, l’héritage de Candela résonne aujourd’hui à travers sa recherche constante de la minimisation de matière utilisée, visant à réaliser des constructions plus légères et plus durables. Le résultat, ce sont des pièces résistantes par leur forme autoportante, sans éléments structurels altérant la silhouette. Et les toitures reposent si subtilement sur le terrain qu’elles semblent s’envoler et flotter en apesanteur.
Candela, le
professionnel aux multiples talents
Architecte de formation, Félix Candela a œuvré également en tant qu’ingénieur
et entrepreneur au travers de son entreprise Cubiertas Ala. En deux décennies,
jusqu’à la fin des années 1960, il a développé quelque 1500 projets, dont plus
de la moitié a été réalisée. Au fur et à mesure de la construction de nouvelles
structures, l’homme a expérimenté des coques toujours plus audacieuses.
Crédit image: Jean-A. Luque
Sur les rives des canaux de Xochimilco, une zone de loisirs de Mexico, Candela a érigé en 1958 l'une de ses structures les plus célèbres : le restaurant Los Manantiales, une voûte à huit segments d'une superficie de 900 m². L’œuvre a beaucoup souffert des outrages du temps et des travaux de transformation ont malheureusement dénaturé l’ouvrage.
Les toitures conçues avec des paraboloïdes hyperboliques se répartissent en deux catégories : les « parapluies » et les « voûtes d'arête ». Les premières sont formées de segments d’hypars rejoints en une colonne centrale qui transmet les charges au sol. Un type de structure très demandé pour les bâtiments industriels et de services.
Pour leur part, les « voûtes d’arête » sont obtenues par l’intersection de deux berceaux et s’inspirent de la voûte d’arête utilisée en architecture depuis l’Antiquité. C’est avec cette famille de « cascarones » que Candela signe ses plus belles réussites esthétiques.
Touché par la
grâce
Parmi la vingtaine de créations exposées au Pavillon Sicli, on a pu découvrir
entre autres la Bourse de Mexico (1954), les chapelles de Cuernavaca et de
Coyoacan (1959), l’église San José Obrero à Monterrey (1969) ou encore l’église
de la Medalla Milagrosa à Mexico (1954), influencée par les formes de Gaudi.
C’est principalement dans cette architecture religieuse que le travail de
Candela est le plus impressionnant, lui qui considérait qu’il s’agit là de « la
meilleure opportunité qu’un architecte puisse avoir pour tenter de créer
quelque chose de transcendant ».
Ses dernières œuvres importantes ont été le Palais des Sports pour les Jeux olympiques de 1968, ainsi que trois stations de métro inaugurées en 1969. Décédé en 1997, Candela a encore laissé un ultime legs, né du travail commun avec l’architecte espagnol Santiago Calatrava : l’aquarium Oceanografic de Valence, inauguré en 2003.